Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 22 mars 2010, présentée pour la SARL TOP AFFAIRES, dont le siège social est 1207 avenue d'Antibes à Amilly (45200) ;
La SARL TOP AFFAIRES demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0701378 du 12 janvier 2010, du Tribunal administratif de Dijon, en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à sa demande tendant à la décharge, d'une part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés qui ont été mis à sa charge pour la période allant du 1er février 2002 au 30 juin 2003, ainsi que des pénalités afférentes et, d'autre part, de l'amende pour manoeuvres frauduleuses qui lui a été appliquée ;
2°) d'ordonner la décharge desdits rappels de taxe sur la valeur ajoutée et desdites cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et pénalités afférentes, ainsi que la décharge des pénalités pour manquement délibéré que le Tribunal a substituées aux pénalités pour manoeuvres frauduleuses ;
La SARL TOP AFFAIRES soutient que la vérification de comptabilité a débuté à compter des visites domiciliaires en juin 2003, soit avant l'envoi d'un avis de vérification de comptabilité, dès lors que l'administration a utilisé les documents saisis, dont elle a conservé une copie, pour procéder aux redressements litigieux ; que les ordonnances des juges des libertés et de la détention, qui ont autorisé l'administration à procéder à ces visites domiciliaires, ne sont pas motivées, contrairement aux prescriptions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ni justifiées par une présomption de manoeuvres frauduleuses ; que les visites domiciliaires ont ainsi permis à l'administration de prendre illégalement connaissance de documents dont elle s'est servie pour notifier les redressements litigieux ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu, enregistré le 16 septembre 2010, le mémoire en défense présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la vérification de comptabilité a été précédée par l'envoi d'un avis de vérification du 6 octobre 2003 prévoyant une première intervention sur place le 24 octobre 2003 ; qu'en tout état de cause, la procédure de visite et de saisie tendant à la répression des agissements visés à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales est distincte de celle tendant à l'établissement et au paiement de l'impôt ; que l'ensemble des documents saisis lors de la procédure de visite ont été restitués à la SARL requérante le 10 septembre 2003 ; que, concernant le défaut de motivation des ordonnances autorisant les visites domiciliaires, le juge administratif n'est pas compétent pour se prononcer sur leur régularité ; que les premiers juges ne pouvaient pas se référer à l'ordonnance du président de la Cour d'appel de Paris postérieure au jugement attaqué ; que le terme " caractère frauduleux " mentionné à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales est sans lien avec la notion de manoeuvres frauduleuses prévue à l'article 1729 du code général des impôts ; qu'en tout état de cause, la substitution des pénalités applicables en cas de manquement délibéré aux pénalités pour manoeuvres frauduleuses a été motivée en raison d'un défaut de motivation des majorations pour manoeuvres frauduleuses et ne remet pas en cause la validité de la procédure de visite et de saisie opérée en amont ;
Vu, enregistré le 16 novembre 2010, le mémoire en réplique présenté pour la SARL TOP AFFAIRES qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, que les ordonnances autorisant les visites domiciliaires, qui sont toutes rédigées selon les mêmes termes, ont été préparées à l'avance par un agent de l'administration ;
Vu, enregistré le 20 avril 2011, le mémoire en défense complémentaire présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ; il soutient, en outre, que la Cour de Cassation a jugé régulière les procédures de visites et de saisies dans les locaux de la SARL requérante ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 juin 2011 :
- le rapport de Mme Besson-Ledey, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Monnier, rapporteur public ;
Considérant qu'à la suite d'une vérification de comptabilité, dont elle a fait l'objet au titre de la période du 1er février 2002 au 30 juin 2003, qui a été précédée de visites domiciliaires opérées sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, la SARL TOP AFFAIRES, qui a pour objet social la commercialisation de toutes marchandises et biens de consommation non réglementés, a été déclarée redevable de rappels de taxe sur la valeur ajoutée et de cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, au titre de cette même période et s'est vue appliquer une amende pour manoeuvres frauduleuses, sur le fondement de l'article 1763 A du code général des impôts ; qu'elle relève appel du jugement du 12 janvier 2010 du Tribunal administratif de Dijon en tant, d'une part, qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés qui ont été mis à sa charge pour la période allant du 1er février 2002 au 30 juin 2003, ainsi que des pénalités afférentes et, d'autre part, qu'il n'a que partiellement fait droit à sa demande de décharge des pénalités, en substituant aux pénalités pour manoeuvres frauduleuses les pénalités applicables en cas de manquement délibéré ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix... " ; que, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales : " I. Lorsque l'autorité judiciaire, saisie par l'administration fiscale, estime qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou de la taxe sur la valeur ajoutée en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts, elle peut, dans les conditions prévues au II, autoriser les agents de l'administration des impôts, ayant au moins le grade d'inspecteur et habilités à cet effet par le directeur général des impôts, à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s'y rapportant sont susceptibles d'être détenus et procéder à leur saisie, quel qu'en soit le support. II. Chaque visite doit être autorisée par une ordonnance du président du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter ou d'un juge délégué par lui. Le juge doit vérifier de manière concrète que la demande d'autorisation qui lui est soumise est bien fondée ; cette demande doit comporter tous les éléments d'information en possession de l'administration de nature à justifier la visite (...) Le juge motive sa décision par l'indication des éléments de fait et de droit qu'il retient et qui laissent présumer, en l'espèce, l'existence des agissements frauduleux dont la preuve est recherchée (...) L'ordonnance mentionnée au premier alinéa n'est susceptible que d'un pourvoi en cassation selon les règles prévues par le code de procédure pénale (...) Les délais de pourvoi courent à compter de la notification ou de la signification de l'ordonnance (...) VI. L'administration des impôts ne peut opposer au contribuable les informations recueillies qu'après restitution des pièces et documents saisis ou de leur reproduction et mise en oeuvre des procédures de contrôle visées aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 47 (...)" ; qu'aux termes de l'article 164 de la loi 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie : " I. - L'article L. 16 B du livre des procédures fiscales est ainsi modifié : 1° Le II est ainsi modifié : (...) " L'ordonnance peut faire l'objet d'un appel devant le premier président de la cour d'appel " (...) IV. - 1. Pour les procédures de visite et de saisie prévues à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales pour lesquelles le procès-verbal ou l'inventaire mentionnés au IV de cet article a été remis ou réceptionné antérieurement à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, un appel contre l'ordonnance mentionnée au II de cet article, alors même que cette ordonnance a fait l'objet d'un pourvoi ayant donné lieu à cette date à une décision de rejet du juge de cassation, ou un recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie peut, dans les délais et selon les modalités précisés au 3 du présent IV, être formé devant le premier président de la cour d'appel dans les cas suivants : (...) d) Lorsque, à partir d'éléments obtenus par l'administration dans le cadre d'une procédure de visite et de saisie, des impositions ont été établies ou des rectifications ne se traduisant pas par des impositions supplémentaires ont été effectuées et qu'elles font ou sont encore susceptibles de faire l'objet, à la date de l'entrée en vigueur de la présente loi, d'une réclamation ou d'un recours contentieux devant le juge, sous réserve des affaires dans lesquelles des décisions sont passées en force de chose jugée. Le juge, informé par l'auteur de l'appel ou du recours ou par l'administration, sursoit alors à statuer jusqu'au prononcé de l'ordonnance du premier président de la cour d'appel (...) " ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la SARL TOP AFFAIRES a été régulièrement informée, par un avis du 6 octobre 2003, de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet et qui s'est déroulée du 24 octobre au 18 septembre 2003 ; qu'elle soutient cependant que la vérification a, en réalité, débuté à compter des visites domiciliaires opérées dès le 24 juin 2003, sur le fondement de trois ordonnances des 18 et 23 juin 2003 des premiers présidents des Tribunaux de grande instance de Sens, Montargis et Troyes, prises en application de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, donc sans respecter les formalités régies par l'article L. 47 précité, dans la mesure où l'administration a recueilli, lors de ces visites, tous les documents qui lui ont été utiles pour fonder les redressements litigieux et en a conservé une copie ; que, toutefois, la seule circonstance que l'administration a utilisé les documents qu'elle a recueillis lors des visites domiciliaires ne saurait constituer une vérification de comptabilité, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction et qu'il n'est d'ailleurs pas allégué que les agents chargés de ces visites se seraient alors livrés à un examen critique des pièces saisies au regard des déclarations souscrites par la SARL TOP AFFAIRES ou de ses obligations fiscales, pouvant être qualifié de début occulte de vérification de comptabilité ;
Considérant, en deuxième lieu, que dès lors que l'administration a restitué, le 10 septembre 2003, à la SARL TOP AFFAIRES, l'ensemble des documents saisis elle pouvait régulièrement, dans le cadre de la vérification de comptabilité, débutée le 6 octobre 2003, se fonder sur ces documents, sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'elle en ait conservé une copie ;
Considérant, en troisième lieu, que les ordonnances des 18 et 23 juin 2003 des premiers présidents des Tribunaux de Grande Instance de Montargis, Troyes et Sens, qui ont été frappées d'appel n'ont pas, après pourvoi en cassation, été infirmées par la Cour de Cassation ; que la SARL TOP AFFAIRES n'est donc pas fondée à exciper de leur illégalité, aux motifs qu'elles ne seraient pas motivées, ne reposeraient pas sur une présomption de manoeuvres frauduleuses et que leurs auteurs n'auraient pas rempli leur office de juge, à l'appui de son moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL TOP AFFAIRES n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL TOP AFFAIRES est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL TOP AFFAIRES et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.
Délibéré après l'audience du 23 juin 2011 à laquelle siégeaient :
M. Duchon-Doris, président de chambre,
M. Montsec, président-assesseur,
Mme Besson-Ledey, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 juillet 2011.
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N° 10LY00174