Vu la requête, enregistrée le 7 mai 2010 au greffe de la Cour, présentée pour M. Jean-Yves A, faisant élection de domicile chez son conseil, ... ;
M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0802862 du 16 mars 2010 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande, à titre principal, de décharge de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2004 et, à titre subsidiaire, de réduction de ladite cotisation d'impôt sur le revenu, ainsi que sa demande de décharge des pénalités et intérêts de retard y afférents ;
2°) de prononcer la décharge de l'imposition contestée ;
Il soutient, en ce qui concerne la procédure d'imposition, qu'en sa qualité de résident en Grande-Bretagne, au titre de l'année 2004, il n'avait pas à acquitter d'impôt sur le revenu pour ses retraites perçues en France ; qu'il ne pouvait être procédé à une taxation d'office ; qu'il a été imposé en Grande-Bretagne pour les pensions susmentionnées, en application de l'article 18 de la convention franco-britannique du 22 mai 1968 ; que si cette convention n'était pas appliquée, il conviendrait de tenir compte de la compensation prévue par l'article L. 203 du livre des procédures fiscales, pour la prestation compensatoire de 4 024 euros qu'il verse à son ex-femme en France en vertu d'un jugement du Tribunal de grande instance de Versailles du 10 mars 1980 ; qu'il produit une attestation de son ex-épouse en ce qui concerne l'année 2004 ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2010, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat ; il conclut au rejet de la requête ;
Il soutient qu'en l'absence de dépôt d'une déclaration de revenus et après mise en demeure, la taxation d'office pouvait être mise en oeuvre ; que M. A a perçu des pensions de source française au sens des dispositions de l'article 4 A du code général des impôts ; que les documents produits par le requérant ne permettent pas d'établir qu'il aurait acquitté en Grande-Bretagne, les cotisations dues au titre des pensions perçues en France ; que l'assistance administrative internationale a été mise en oeuvre pour connaître la situation fiscale de M. A ; qu'il appartient au requérant de justifier du paiement effectif en 2004 de la prestation compensatoire dont il demande la prise en compte ; que l'attestation de son ex-épouse établie pour les besoins de la cause ne constitue pas un justificatif probant du versement effectif d'une telle somme ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 24 décembre 2010, présenté pour M. A, confirmant ses précédentes écritures par les mêmes moyens que sa requête ; il soutient en outre qu'il atteste du versement de la prestation à son ex-épouse par la production de ses relevés bancaires pour la période litigieuse ;
Vu le mémoire, enregistré le 9 septembre 2011, présenté pour le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat ; il conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens ; il indique en outre que suite aux justificatifs produits en ce qui concerne les pensions alimentaires, il est admis la déduction du revenu imposable de la somme de 4 059 euros au titre de l'année 2004 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention du 22 mai 1968 entre la France et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, modifiée ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 septembre 2011 :
- le rapport de Mme Chevalier-Aubert, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Monnier, rapporteur public ;
Considérant que, par un jugement en date du 16 mars 2010, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande de M. A tendant, à titre principal, à la décharge de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2004 et, à titre subsidiaire, à la réduction de ladite cotisation d'impôt sur le revenu et à la décharge des pénalités et intérêts de retard y afférents ; que M. A relève appel de ce jugement ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que, postérieurement à l'introduction de la requête, l'administration fiscale a, par une décision du directeur départemental des finances publiques de la Nièvre du 12 septembre 2011, prononcé un dégrèvement, en droits et pénalités, à hauteur de 2 199 euros, au titre de l'année 2004 ; qu'à concurrence de ladite somme, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête ;
En ce qui concerne le surplus des conclusions de la requête :
Sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité de la procédure d'imposition ;
Considérant que si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition ; que, par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification ; qu'il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer, en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française " ; qu'aux termes de l'article 4 B du même code : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; c. Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques (...) " ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 3 de la convention franco-britannique susvisée : " 1. " Au sens de la présente Convention, l'expression " résident d'un Etat contractant " désigne toute personne qui, en vertu de la législation de cet Etat, y est assujettie à l'impôt en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue. Toutefois, cette expression ne comprend pas les personnes qui ne sont assujetties à l'impôt dans cet Etat que pour les revenus de sources situées dans cet Etat (...) " ; qu'aux termes de l'article 18 de la convention susmentionnée : " 1. Sous réserve des dispositions des paragraphes 1 et 2 de l'article 19, toute pension ou autre rémunération similaire versée au titre d'un emploi antérieur à un résident d'un Etat contractant et toute rente versée à un tel résident sont imposables seulement dans cet Etat (...) " ;
Considérant qu'il résulte des stipulations précitées de l'article 18 de la convention franco-britannique que les pensions de retraite ne sont imposables que dans l'Etat dans lequel le contribuable doit être regardé comme résident au sens de l'article 3 de la même convention ; qu'il résulte de l'instruction, d'une part, que M. A a exercé une activité de médecin au titre de l'année 2004 à Londres, loué un logement dans cette ville et y a été imposé sur les salaires perçus à ce titre, d'autre part, qu'en réponse à la demande qui leur a été adressée sur ce point par les autorités françaises, les services fiscaux britanniques ont répondu, par lettre en date du 25 juin 2009, que M. A était regardé comme résident en Grande-Bretagne s'agissant de la fiscalité, même si sa demande pour être résident n'avait pas été examinée ; que, dès lors M. A, qui doit être regardé comme une personne qui, en vertu de la législation de Grande-Bretagne, y est assujetti à l'impôt en raison de sa résidence, est fondé à soutenir que les stipulations précitées de l'article 18 de la convention franco-britannique faisaient obstacle à l'imposition en France des pensions de retraite en litige ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu d'annuler le jugement attaqué et de prononcer la décharge des impositions restant en litige ;
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. A à hauteur du dégrèvement de 2 199 euros prononcé le 12 septembre 2011 par l'administration fiscale.
Article 2 : Le jugement susvisé du 16 mars 2010 du Tribunal administratif de Dijon est annulé.
Article 3 : M. A est déchargé des cotisations d'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre de l'année 2004.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-Yves A et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.
Délibéré après l'audience du 22 septembre 2011 à laquelle siégeaient :
M. Duchon-Doris, président de chambre,
M. Montsec, président-assesseur,
Mme Chevalier-Aubert, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 octobre 2011.
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N° 10LY01157
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