Vu la requête, enregistrée le 9 mars 2009, présentée pour M. et Mme Michel A domiciliés ... ;
M. et Mme A demandent à la Cour :
1°) d'annuler l'article 4 du jugement n° 0500088 du 23 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus des conclusions de leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1998, 1999 et 2000 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent qu'en mettant en avant le caractère fictif de la convention conclue, dans le cadre d'une opération immobilière à l'île de Ré, entre les sociétés B et C et D pour fonder son redressement, le vérificateur s'est volontairement et nécessairement placé sous le régime de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales relatif aux abus de droit, alors que le vérificateur n'a pas mentionné ce fondement dans la notification de redressement et qu'ils ont été privés du droit de saisir le comité consultatif des abus de droit ; que les prestations fournies par la société B à la société C et D sont bien réelles aussi bien en ce qui concerne le rachat du stock immobilier invendu au 31 décembre 1998 qu'en matière publicitaire, commerciale et juridique, ce qui a permis à l'opération de réussir ; que les sommes versées sur leurs comptes luxembourgeois sont des transferts de compte à compte ou proviennent de retraits d'autres comptes alimentés par de nombreux versements en espèces par les patients de Mme A, qui est médecin, et par leurs locataires ; que, pour ces raisons, aucune pénalité ne peut leur être infligée ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 23 octobre 2009, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat tendant au rejet de la requête de M. et Mme A ;
Il soutient qu'eu égard au principe d'indépendance des procédures, M. et Mme A ne peuvent utilement se prévaloir de ce que la société C et D aurait été privée de la garantie constituée par la faculté de saisir le comité consultatif pour la répression des abus de droit ; que l'administration n'a d'ailleurs pas invoqué implicitement les dispositions relatives à l'abus de droit mais seulement l'acte anormal de gestion à défaut de contrepartie effective, le vérificateur s'étant borné à relever que les prestations incombant à la société B avaient, en fait, été réalisées par des tiers, notamment la société Ara, et que le financement de la société DMI de droit luxembourgeois dont M. A détient la totalité des titres au porteur a été principalement assuré par les sommes que la société C et D avait versées à la société B ; que la procédure est régulière et les redressements justifiés, les sommes ayant finalement été mises à disposition de M. A ; que l'affirmation selon laquelle les sommes versées sur les comptes bancaires luxembourgeois proviendraient d'encaissements et de retraits d'espèces n'est assortie d'aucun justificatif concernant l'origine et la nature exacte des sommes en question ; que le transfert allégué d'un compte en francs français sur un compte en francs belges ne permet pas d'établir que la somme concernée ne constitue pas un revenu imposable ; que le fait que les comptes luxembourgeois auraient été crédités au moyen de retraits opérés sur des comptes ouverts au Crédit Agricole et eux-mêmes alimentés par des versements en espèces provenant de l'activité de médecin de Mme A ou de locations immobilières ou meublées n'est assorti d'aucune justification ; que, selon le tableau joint à la réponse de Mme A en date du 7 août 2002, les retraits provenant en partie des recettes en espèces ne peuvent être ajoutés à la totalité des recettes réputées encaissées en espèces pour déterminer le montant total des espèces dont ont disposé les contribuables au titre de l'année 1999 ; que le volume des opérations réalisées en espèces par Mme A dans le cadre de son activité professionnelle apparaît incertain ; que l'intégration des recettes professionnelles dans l'origine des espèces disponibles pour le foyer fiscal suppose d'exclure les sommes correspondant aux dépenses professionnelles payées en espèces, ce qui n'a pas été effectué ; que certains flux de recettes ou de dépenses réalisées en espèces ne sont pas pris en compte dans le tableau des espèces communiqué par les requérants ; que le montant des dépenses de train de vie payées par carte ou chèque demeure incertain eu égard à la diversité des dépenses acquittées qui concernent non seulement M. ou Mme A mais aussi des sociétés et une indivision familiale ; que le lien entre le dépôt en espèces d'une somme de 101 535,38 francs (15 478,97 euros), le 30 novembre 2000, et le retrait concomitant de 110 875,76 francs sur un compte ouvert au nom de la société luxembourgeoise DMI, n'est pas établi au vu des documents bancaires produits, les montants différant et aucune disposition n'autorisant M. et Mme A à utiliser le compte de la société DMI placée sous curatelle depuis le 1er avril 1999 ;
Vu l'ordonnance du 24 décembre 2010 fixant la clôture d'instruction au 28 janvier 2011, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire, enregistré le 28 janvier 2011, présenté pour M. et Mme A et tendant aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;
Ils soutiennent en outre que si, comme le soutient l'administration, la convention de partenariat conclue entre les sociétés B et C et D n'est pas fictive et qu'il n'y a pas d'abus de droit, il ne pouvait leur être infligée une pénalité de 80 % pour manoeuvres frauduleuses ; qu'une seule facture est en cause et qu'il n'y a pas eu répétition ; que, s'agissant de la somme de 15 478,97 euros inscrite au compte ouvert par M. A au Luxembourg le 30 novembre 2000, la commission départementale des impôts a pris en compte le transfert étant donné que la différence très minime était liée aux frais de virement sur lesquels l'administration ne produit aucun élément ; que le fait que la société DMI ait été placée sous curatelle n'empêchait pas le transfert de fonds dans la mesure où eux-mêmes détenaient la totalité des actions de cette société ; que, selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, le montant global des sanctions prononcées ne doit pas dépasser le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues, si bien que le montant de l'amende à laquelle ils ont été condamnés par l'autorité judiciaire doit être déduit du montant de la pénalité mise en recouvrement au titre du non respect de l'article 1649 A du code général des impôts ;
Vu l'ordonnance du 7 février 2011 fixant la clôture d'instruction au 11 mars 2011, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire, enregistré le 1er mars 2011, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat tendant au rejet de la requête de M. et Mme A par les mêmes moyens ;
Il soutient en outre que les pénalités pour manoeuvres frauduleuses, ou à tout le moins pour mauvaise foi, sont justifiées, M. A, dirigeant de la société C et D, ne pouvant ignorer que la société B n'avait pas réalisé les prestations facturées et ayant procédé au règlement de cette facture en sachant que les sommes réglées seraient reversées à la société DMI dont il était le détenteur exclusif des titres au porteur ; qu'il a ainsi sciemment participé à la mise en oeuvre de procédés - établissement d'une facture de prestations de services par une société qui ne les a pas réalisées - ayant pour objet de masquer le flux financier de la France vers le Luxembourg de sommes destinées à échapper à l'impôt et dont il a été bénéficiaire ; qu'il n'appartient pas au juge administratif d'écarter l'application des dispositions législatives de l'article 1729 du code général des impôts ;
Vu l'ordonnance du 7 mars 2011 fixant la clôture d'instruction au 8 avril 2011, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 octobre 2011 :
- le rapport de M. Besson, premier conseiller ;
- et les conclusions de Mme Jourdan, rapporteur public ;
Considérant que M. et Mme A ont fait l'objet, au cours des années 2000 à 2003, d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle portant sur les années 1998, 1999 et 2000 ; que la société C et D, dont M. A était le gérant, a fait l'objet, dans le même temps, d'une vérification de comptabilité portant sur les mêmes exercices et d'une procédure de visite domiciliaire et de saisie sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ; que l'administration a ensuite imposé entre les mains de M. et Mme A des sommes qu'elle a considérées comme distribuées par ladite société et a également soumis à l'impôt, sur le fondement de l'article 1649 A du code général des impôts, des sommes créditées sur deux comptes bancaires détenus au Luxembourg par M. et Mme A ; que ces derniers font appel de l'article 4 du jugement du 23 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus des conclusions de leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1998, 1999 et 2000 ;
Sur la procédure d'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors applicable : Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : (...) b) ou qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus ; c) ou qui permettent d'éviter, en totalité ou en partie, le paiement des taxes sur le chiffre d'affaires correspondant aux opérations effectuées en exécution (...) d'une convention. L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit (...) ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que pour considérer comme revenus distribués à M. et Mme A, en application du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, des sommes versées en 1998 par la SARL C et D, dont M. A était le gérant, à la société B qui les a reversées sur un compte bancaire ouvert au Grand Duché du Luxembourg au nom de la société de droit luxembourgeois DMI dont M. A détient l'ensemble des titres au porteur, l'administration ne s'est pas fondée sur le caractère fictif de la convention de partenariat conclue, pour la réalisation d'une opération immobilière à l'île de Ré, entre les sociétés C et D et B, mais seulement sur l'absence de prestation effective de la part de cette dernière société, ces prestations ayant, en fait, été réalisées par des tiers, notamment la société Ara ; que, dès lors, les requérants ne sont pas fondés à reprocher au vérificateur de n'avoir pas mentionné, dans la notification de redressements, que ceux-ci étaient fondés sur l'abus de droit et de les avoir privés du droit de saisir le comité consultatif des abus de droit ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts : 1. Sont considérés comme revenus distribués : (...) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. ;
Considérant que si M. et Mme C font valoir que les prestations fournies par la société B à la société C et D seraient réelles aussi bien en ce qui concerne le rachat d'un stock immobilier invendu au 31 décembre 1998 qu'en matière publicitaire, commerciale et juridique, ils ne l'établissent par aucune pièce probante ; que c'est dès lors à bon droit que l'administration a regardé les sommes versées, via la société B, à la société DMI dont M. A détient l'ensemble des titres au porteur comme des revenus distribués imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement des dispositions précitées du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 1649 A alors en vigueur du code général des impôts : (...) Les personnes physiques, les associations, les sociétés n'ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger. (...) . Les sommes, titres ou valeurs transférés à l'étranger ou en provenance de l'étranger par l'intermédiaire de comptes non déclarés dans les conditions prévues au deuxième alinéa constituent, sauf preuve contraire, des revenus imposables ;
Considérant qu'en se bornant à affirmer que les sommes portées en espèces au crédit des comptes bancaires qu'ils ont ouverts au Luxembourg en 1998 proviendraient de transferts de compte à compte, notamment à partir d'un compte ouvert au Luxembourg au nom de la société DMI alors en curatelle, ou de retraits opérés sur d'autres comptes ouverts en France au Crédit Agricole et alimentés par les nombreux versements en espèces effectués prétendument par les patients de Mme A, qui exerce la médecine, et par leurs locataires, les requérants, qui n'ont pas déclaré leurs comptes ouverts au Luxembourg, n'établissent pas, en l'absence de toute justification, que les sommes concernées auraient déjà été soumises à l'impôt ou qu'elles constitueraient des revenus non imposables ;
Sur l'application des pénalités :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1729 alors en vigueur du code général des impôts : 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie ou de 80 % s'il s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses ou d'abus de droits au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; qu'en relevant que M. A, qui ne pouvait ignorer, en sa qualité de dirigeant de la société C et D, que la société B n'avait pas réalisé les prestations facturées, a néanmoins procédé au règlement de cette facture en sachant que les sommes réglées seraient reversées à la société DMI dont il détenait l'ensemble des titres au porteur, l'administration établit, alors même qu'une seule facture est en cause, l'existence de manoeuvres frauduleuses ayant pour objet de masquer le flux financier de la France vers le Luxembourg de sommes destinées à échapper à l'impôt ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1759 alors en vigueur du code général des impôts : En cas d'application des dispositions prévues au troisième alinéa des articles 1649 A et 1649 quater A le montant des droits est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 p. 100 (...) ; que si M. et Mme A, qui ont été condamnés pénalement à raison des dissimulations de sommes versées en espèces au Luxembourg, revendiquent le bénéfice de la règle dégagée par la décision du Conseil constitutionnel n° 97-395 DC du 30 décembre 1997 selon laquelle lorsqu'une sanction administrative est susceptible de se cumuler avec une sanction pénale, le principe de proportionnalité implique qu'en tout état de cause, le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues (...) , ce moyen, qui tend à écarter l'application de l'article 1759 du code général des impôts, ne peut toutefois qu'être écarté dès lors qu'il n'appartient pas au juge administratif d'apprécier la conformité de la loi à un tel principe ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'article 4 du jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus des conclusions de leur demande tendant à la décharge des impositions litigieuses ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Michel A et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.
Délibéré après l'audience du 18 octobre 2011 à laquelle siégeaient :
M. Chanel, président de chambre,
MM. Besson et Segado, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 17 novembre 2011.
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N° 09LY00527
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