Vu la requête, enregistrée le 13 mars 2009, présentée pour la SARL AUCLERC et PARTNERS dont le siège social est Château de Molinière à Blandin (38370) ;
La SARL AUCLERC et PARTNERS demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 4 du jugement n° 0404633 du 23 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés par un avis de mise en recouvrement du 17 décembre 2003, au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 1998 ;
2°) de prononcer la décharge de l'imposition contestée et des pénalités y afférentes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que le Tribunal relève contradictoirement que le contrat de partenariat qu'elle a conclu avec la société n'est pas fictif mais qu'elle a cependant réalisé un montage destiné à éluder l'impôt ; qu'en mettant en avant le caractère fictif de cette convention conclue, dans le cadre d'une opération immobilière à l'île de Ré, pour fonder son redressement, le vérificateur s'est volontairement et nécessairement placé sous le régime de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales relatif aux abus de droit, alors qu'il n'a pas mentionné ce fondement dans la notification de redressement et qu'elle a été privée du droit de saisir le comité consultatif des abus de droit ; que les prestations fournies par la société sont bien réelles aussi bien en ce qui concerne le rachat du stock immobilier invendu au 31 décembre 1998 qu'en matière publicitaire, commerciale et juridique, ce qui a permis à l'opération de réussir ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 23 octobre 2009, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat tendant au rejet de la requête de la SARL AUCLERC et PARTNERS ;
Il soutient que l'administration n'a pas invoqué implicitement les dispositions relatives à l'abus de droit mais seulement l'acte anormal de gestion à défaut de contrepartie effective, le vérificateur s'étant borné à relever que les prestations incombant à la société avaient, en fait, été réalisées par des tiers, notamment la société Ara, et que le financement de la société DMI de droit luxembourgeois dont M. détient la totalité des titres au porteur a été principalement assuré par les sommes que la société AUCLERC et PARTNERS avait versées à la société ; que la procédure est régulière et les redressements justifiés, les sommes ayant finalement été mises à disposition de M. ; que c'est dès lors à bon droit que la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur la facture n'a pas été admise en déduction conformément aux dispositions des articles 272-2 et 283-4 du code général des impôts ;
Vu l'ordonnance du 24 décembre 2010 fixant la clôture d'instruction au 28 janvier 2011, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire, enregistré le 28 janvier 2011, présenté pour la société AUCLERC et PARTNERS et tendant aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;
Elle soutient en outre que si, comme le soutient l'administration, la convention de partenariat conclue avec la société n'est pas fictive et qu'il n'y a pas d'abus de droit, il ne pouvait lui être infligée une pénalité de 80 % pour manoeuvres frauduleuses ; qu'une seule facture est en cause et qu'il n'y a pas eu répétition ;
Vu l'ordonnance du 7 février 2011 fixant la clôture d'instruction au 11 mars 2011, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire, enregistré le 1er mars 2011, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat tendant au rejet de la requête de la SARL AUCLERC et PARTNERS par les mêmes moyens ;
Il soutient en outre que les pénalités pour manoeuvres frauduleuses sont justifiées, la SARL AUCLERC et PARTNERS ne pouvant ignorer que la société n'avait pas réalisé les prestations facturées et ayant procédé au règlement de cette facture en sachant que les sommes réglées seraient reversées à la société DMI dont M. était le détenteur exclusif des titres au porteur ; qu'elle a de façon consciente déduit à tort la taxe sur la valeur ajoutée portée sur la facture et participé à la mise en oeuvre de procédés - établissement d'une facture de prestation de services par une société qui ne les a pas réalisés - destinés à masquer le flux financier de la France vers le Luxembourg de sommes destinées à échapper à l'impôt ;
Vu l'ordonnance du 7 mars 2011 fixant la clôture d'instruction au 8 avril 2011, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 octobre 2011 :
- le rapport de M. Besson, premier conseiller ;
- et les conclusions de Mme Jourdan, rapporteur public ;
Considérant que la SARL AUCLERC et PARTNERS, qui exerce une activité de promotion immobilière, a réalisé une opération sur l'île de Ré qui s'est achevée en 1998 ; qu'elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 1998, 1999 et 2000 et, le 22 novembre 2001, d'une procédure de visite et de saisie de documents en application de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ; qu'elle fait appel de l'article 4 du jugement n° 0404633 du 23 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés par un avis de mise en recouvrement du 17 décembre 2003, au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 1998 ;
Sur la procédure d'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors applicable : Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : (...) b) ou qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus ; c) ou qui permettent d'éviter, en totalité ou en partie, le paiement des taxes sur le chiffre d'affaires correspondant aux opérations effectuées en exécution (...) d'une convention. L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit (...) ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que pour remettre en cause la déduction du montant de la taxe sur la valeur ajoutée correspondant à une somme de 3 162 011,40 francs facturée à la société que la société AUCLERC et PARTNERS présente comme une entreprise partenaire dans la commercialisation d'un programme immobilier de loisir sur l'île de Ré, l'administration ne s'est pas fondée sur le caractère fictif de la convention de partenariat conclue, pour la réalisation de cette opération immobilière, entre ces deux sociétés, mais seulement sur l'absence de prestation effective de la part de la société ; que, dès lors, la société AUCLERC et PARTNERS n'est pas fondée à reprocher au vérificateur de n'avoir pas mentionné, dans la notification de redressements, que ceux-ci étaient fondés sur l'abus de droit et de l'avoir privée du droit de saisir le comité consultatif des abus de droit ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles 271, 272 et 283 du code général des impôts et de l'article 230 de l'annexe II à ce code, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucun bien ou aucune prestation de services ; que dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agissait d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance ; que si l'administration apporte des éléments suffisants permettant de penser que la facture ne correspond pas à une opération réelle, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur la réalité de cette opération ;
Considérant que si la société AUCLERC et PARTNERS fait valoir que les prestations fournies par la société seraient réelles aussi bien en ce qui concerne le rachat d'un stock immobilier invendu au 31 décembre 1998 qu'en matière publicitaire, commerciale et juridique, elle n'en justifie par aucune pièce probante, alors que l'administration établit au contraire que les prestations incombant à la société ont, en fait, été réalisées par des tiers, notamment la société Ara, et que le financement de la société DMI de droit luxembourgeois dont M. , également gérant de la société AUCLERC et PARTNERS, détient la totalité des titres au porteur, a été principalement assuré par les sommes que celle-ci avait versées à la société ; que c'est dès lors à bon droit que l'administration a pu remettre en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur cette facture ;
Sur les pénalités :
Considérant qu'aux termes de l'article 1729 alors en vigueur du code général des impôts : 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie ou de 80 % s'il s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses ou d'abus de droits au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ;
Considérant qu'en relevant que la SARL AUCLERC et PARTNERS, qui ne pouvait ignorer que la société n'avait pas réalisé les prestations facturées, a néanmoins procédé au règlement de cette facture en sachant que les sommes réglées seraient reversées à la société DMI dont son gérant, M. , détenait l'ensemble des titres au porteur, l'administration établit, alors même qu'une seule facture est en cause, l'existence de manoeuvres frauduleuses ayant pour objet de masquer le flux financier de la France vers le Luxembourg de sommes destinées à échapper à l'impôt ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL AUCLERC et PARTNERS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 4 du jugement attaqué, qui n'est entaché d'aucune contradiction de motifs, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge des impositions litigieuses ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL AUCLERC et PARTNERS est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL AUCLERC et PARTNERS et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.
Délibéré après l'audience du 18 octobre 2011 à laquelle siégeaient :
M. Chanel, président de chambre,
MM. Besson et Segado, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 17 novembre 2011.
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N° 09LY00586
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