Vu la requête, enregistrée le 15 septembre 2010, présentée pour la MUTUELLE ASSURANCE DES COMMERCANTS ET INDUSTRIELS DE FRANCE (MACIF), dont le siège est à Niort (79000) et le centre de gestion à Andrézieux-Bouthéon (42000) ;
La MACIF demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0801224 en date du 8 juillet 2010 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant d'une part, à la condamnation de la commune de Saint-Romain-en-Jarez à lui verser la somme de 320 397,31 euros en remboursement des sommes qu'elle a versées à ses assurés à la suite de l'explosion d'un hangar agricole, d'autre part, à la condamnation du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Loire à relever et garantir ladite commune de la condamnation prononcée à son encontre ;
2°) de condamner solidairement la commune de Saint-Romain-en-Jarez et le SDIS de la Loire à lui verser la somme précitée ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Romain-en-Jarez la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La MACIF soutient que :
- la responsabilité de la commune est engagée, dès lors que le maire a commis une faute dans l'exercice de ses pouvoirs de police en ne s'assurant pas de l'existence et de la suffisance des moyens de lutte contre l'incendie et notamment de la disponibilité des points d'eau tels que réservoirs et poteaux à incendie ;
- la responsabilité du SDIS est également engagée en raison des fautes commises dans la prise en charge du sinistre, dès lors que l'incendie qui a été circonscrit dans un premier temps, s'est réactivé dans un second temps ;
- dès lors qu'il ressort du rapport d'expertise que l'extinction du feu et sa propagation ont été rendues possibles par des débits d'eau un peu trop faibles, et que l'explosion est bien le résultat soit de la chaleur, soit de l'écoulement des eaux, le lien de causalité entre la mauvaise organisation de la distribution de l'eau et l'absence de plans pouvant permettre d'atteindre les débits en cas d'insuffisance de ceux-ci est établi ; de plus, le manque d'eau a aggravé la propagation de l'incendie, lequel aurait pu être circonscrit au premier bâtiment, et ne pas provoquer l'explosion, unique cause des dommages subis par les sociétaires ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 novembre 2010, présenté pour la commune de Saint-Romain-en-Jarez qui conclut, à titre principal, au rejet de la requête, et, à titre subsidiaire, à ce que la société Lyonnaise des Eaux soit condamnée à la relever et garantir de toute condamnation ; elle demande, en outre, que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge solidaire de la MACIF et de la société Lyonnaise des Eaux, ou qui mieux le devra, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- à titre principal, dès lors qu'il ressort des conclusions du rapport de l'expert que la propagation de l'incendie et l'explosion résultent soit de la chaleur, soit d'un polluant dissous dans les eaux de ruissellement, le lien de causalité entre la faiblesse des débits d'eau et la propagation de l'incendie, puis l'explosion n'est pas établi ;
- à titre subsidiaire, dès lors qu'elle avait pris des précautions convenables afin de prévenir et de faire cesser l'incendie, aucune faute n'a été commise et sa responsabilité ne saurait être engagée ;
- à titre infiniment subsidiaire, dès lors que la société délégataire n'a pas respecté son obligation de l'informer de l'insuffisance des débits des points incendie et qu'elle n'a pas respecté son obligation d'entretien, la société Lyonnaise des Eaux a engagé sa responsabilité, étant directement à l'origine du manque d'eau auquel les sapeurs-pompiers ont été confrontés ; elle devra être condamnée à la relever et à la garantir de toutes condamnations ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 février 2011, présenté pour le SDIS de la Loire qui conclut au rejet de la requête et, en tout état de cause, au rejet de toute demande de la MACIF à son encontre et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la MACIF, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- contrairement à ce que soutient la MACIF, aucune responsabilité de la commune n'a été transférée au SDIS par la loi n° 96-369 du 3 mai 1996 ;
- aucun manquement, aucune faute ni aucune négligence n'ont été relevées à son égard par le rapport d'expertise et les mesures d'instruction judiciaire, et la MACIF n'indique pas quelles seraient les fautes commises par elle ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 mars 2011, présenté pour la société Lyonnaise des Eaux qui conclut au rejet de l'appel en garantie de la commune de Saint-Romain-en-Jarez et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de ladite commune sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- à titre principal, la circonstance que les débits un peu trop faibles n'auraient pas permis de circonscrire l'incendie au premier bâtiment, ne suffit pas établir un lien de causalité direct et certain entre cette insuffisance en lien avec la propagation de l'incendie et l'explosion à l'origine des dommages subis ;
- à titre subsidiaire, elle a parfaitement rempli ses obligations contractuelles, autant d'information que d'entretien à l'égard de la commune ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 mai 2011, présenté pour la commune de Saint-Romain-en-Jarez qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 mai 2011, présenté pour la société Lyonnaise des Eaux qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 30 mai 2011, présenté pour la MACIF qui conclut aux mêmes fins ;
Elle soutient, en outre, que les pompiers ont mal évalué les moyens nécessaires à l'extinction de l'incendie alors qu'ils connaissaient les problèmes de débits ; ces négligences ont contribué à la propagation de l'incendie au second hangar ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 juin 2011, présenté pour la commune de Saint-Romain-en-Jarez qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 15 mars 2012, présenté pour la MACIF qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;
Vu la lettre du 15 mars 2012 par laquelle les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour était susceptible de soulever d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à la condamnation du SDIS de la Loire, qui sont nouvelles en appel ;
Vu les ordonnances en date des 2 mai, 1er et 20 juin 2011 par lesquelles, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, le président de la troisième chambre de la Cour a fixé la clôture de l'instruction au 1er juin 2011, puis l'a rouverte ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mars 2012 :
- le rapport de Mme Dèche, premier conseiller ;
- les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;
Et les observations de Me Bedrossian pour la MACIF, de Me Furtos, pour la commune de Saint-Romain-en-Jarez, de Me Chevalier pour le SDIS de la Loire, et de Me Reibell, pour la société Lyonnaise des Eaux ;
Considérant que par jugement du 8 juillet 2010, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande présentée par la MACIF tendant à la condamnation de la commune de Saint-Romain-en-Jarez à lui verser la somme de 320 397,31 euros en remboursement des sommes qu'elle a versées à ses assurés à la suite de l'explosion d'un hangar agricole ; que la MACIF relève appel de ce jugement ;
Sur les conclusions tendant à la condamnation du SDIS de la Loire :
Considérant que les conclusions susvisées, nouvelles en appel, sont irrecevables ;
Sur les conclusions tendant à la condamnation de la commune de Saint-Romain-en-Jarez :
Considérant que, le 2 octobre 2003, alors que plusieurs équipages de pompiers tentaient de maîtriser un incendie qui s'était déclaré dans un hangar agricole sis sur le territoire de la commune de Saint-Romain-en-Jarez, une violente explosion s'est produite dans le bâtiment d'exploitation voisin, provoquant d'importants dégâts matériels et blessant 26 personnes ; que la MACIF, subrogée dans les droits des victimes de cette explosion, demande le remboursement des sommes qu'elle a versées à ses assurés en se prévalant des fautes commises par la commune de Saint-Romain-en-Jarez, consistant notamment en l'insuffisance des moyens en eau nécessaires à la lutte contre l'incendie ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment de l'expertise ordonnée par une ordonnance du juge des référés du Tribunal de grande instance de Saint-Etienne en date du 5 novembre 2003, que l'explosion susmentionnée a été provoquée par le plastique d'une grande quantité de palettes, fondu sous l'effet de la chaleur susceptible de provoquer un mélange détonant d'ammonitrate et de polypropylène ; que cette explosion est survenue " soit en raison de la chaleur, soit en raison d'un polluant dissous dans les eaux de ruissellement provenant des tentatives d'extinction du premier bâtiment " ; que toutefois, les pièces du dossier et notamment le rapport précité de l'expert ne permettent pas à la Cour de se prononcer sur le point de savoir si la propagation du feu au second bâtiment aurait été facilitée par les débits d'eau un peu trop faibles, n'ayant pas permis de circonscrire rapidement l'incendie au premier bâtiment, et si une disponibilité en eau suffisante aurait permis d'éviter de façon certaine la propagation de l'incendie au second bâtiment et l'explosion qui s'en est suivie ; qu'il y a lieu, par suite, d'ordonner une expertise aux fins de déterminer la cause et l'origine de l'explosion survenue le 2 octobre 2003, ainsi que la responsabilité encourue par la commune ;
DECIDE :
Article 1er : Les conclusions susanalysées de la MACIF tendant à la condamnation du SDIS de la Loire sont rejetées.
Article 2 : Il sera, avant de statuer sur les conclusions de la requête susvisée de la MACIF, procédé par un expert désigné par le président de la Cour à une expertise, aux fins de savoir :
- si l'explosion qui s'est produite le 2 octobre 2003, vers 17h12, sur le territoire de la commune de Saint-Romain-en-Jarez a été provoquée, en tout ou en partie, par une aggravation de l'incendie qui s'était déclaré, auparavant, dans le hangar agricole voisin. L'expert précisera notamment si un débit suffisant des poteaux à incendie ou l'existence de réserves en eau susceptibles de pallier cette insuffisance aurait permis d'éviter l'explosion survenue, en permettant d'éviter la propagation de l'incendie du premier au second bâtiment ;
- si une arrivée plus rapide des camions citernes demandés en renfort par les pompiers aurait permis également d'éviter cette explosion ;
- si l'explosion qui s'est produite doit être imputée à la chaleur provenant de la propagation du feu dans le second hangar, ou à un polluant dissous dans les eaux de ruissellement, ou à l'effet conjugué de ces deux éléments et dans quelles proportions ;
- d'apporter tous éléments ou indications susceptibles d'appréhender les responsabilités des parties en cause, de faire toutes autres constatations nécessaires, d'enregistrer les observations de tout intéressé et d'annexer à son rapport tous documents utiles.
Article 3 : L'expert sera désigné par le président de la Cour. Il accomplira ses missions dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 et R. 621-14 du code de justice administrative.
Article 4 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.
Article 5 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'à la fin de l'instance.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la MUTUELLE ASSURANCE DES COMMERCANTS ET INDUSTRIELS DE FRANCE (MACIF), à la commune de Saint-Romain-en-Jarez, au service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Loire et à la société Lyonnaise des Eaux.
Délibéré après l'audience du 27 mars 2012 à laquelle siégeaient :
M. Fontanelle, président de chambre,
M. Rabaté, président-assesseur,
Mme Dèche, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 avril 2012.
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N° 10LY02204
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