Vu la requête, enregistrée le 31 mai 2011, présentée pour Mme Evolène A, domiciliée ... ;
Mme A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0904913 du 5 avril 2011 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 25 septembre 2008 par laquelle le président du conseil général du Rhône a retiré les trois enfants qui lui étaient confiés en tant qu'assistante familiale ;
2°) d'annuler ladite décision ;
3°) de mettre à la charge du département du Rhône la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient :
- que c'est à tort que le Tribunal a requalifié sa demande en la regardant comme dirigée contre une mesure de retrait d'enfants, alors que la décision litigieuse s'inscrit en réalité dans le cadre d'une procédure disciplinaire ;
- qu'à ce titre, elle aurait dû bénéficier des garanties tenant à la possibilité d'avoir connaissance des griefs retenus à son encontre, d'avoir accès à son dossier, de pouvoir présenter des observations devant le conseil de discipline, et de connaître les motifs de la décision ;
- que, sur le fond, les motifs avancés par les services du département ne sont pas établis ; que, contrairement à ce qui est affirmé, les enfants qui lui ont été confiés n'ont pas été déscolarisés ; qu'ils ont toujours été suivis au plan médical ; qu'aucune coupe de cheveux n'a été imposée pour un motif vexatoire car il s'agissait d'une nécessité médicale ; qu'une simple affaire de vêtements a été largement exagérée alors qu'il s'agit d'un fait qui ne revêt aucune gravité et qui relève de la vie courante ; qu'elle a donné toutes les explications nécessaires concernant les trajets effectués par les enfants ; qu'aucun grief ne peut sérieusement lui être adressé s'agissant des conditions d'alimentation des enfants ; que si le suivi scolaire peut donner lieu à discussion, il ne traduit en rien une quelconque maltraitance car il s'agissait d'une prise en charge difficile ; que les relations avec les services du département ont été conduites de manière correcte et que s'il y a eu des échanges un peu vifs avec les représentants de ce service, cela ne concerne pas les enfants ;
- qu'en ce qui concerne les faits de violence allégués, il apparaît que les marques dont était porteur le jeune Steven étaient le fait de sa soeur ; que c'est donc à tort que le Tribunal a admis comme établies les affirmations du conseil général alors même qu'elles ne reposaient sur aucun fait objectivement établi ; qu'aucun fait de maltraitance ou de violence n'apparaît établi ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 20 février 2012, présenté pour le département du Rhône, représenté par le président du conseil général en exercice, qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme A la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient :
- qu'à compter du mois d'août 2005, Mme A a accueilli trois enfants issus d'une même fratrie ; que si les deux premières années de l'accueil se sont bien déroulées, à compter de la fin de l'année 2007, les professionnels de l'enfance ont toutefois noté un désinvestissement de l'intéressée vis-à-vis des enfants qui lui étaient confiés, et tout particulièrement des deux garçons ; que les premières inquiétudes du service se sont confirmées au cours de l'année 2008, des comportements de maltraitance avec violence ayant été relevés ;
- que c'est dans ces conditions que par décision en date du 25 septembre 2008, il a décidé de retirer les trois enfants jusqu'alors confiés à Mme A ;
- que contrairement à ce que soutient la requérante, la demande qu'elle a présentée devant le Tribunal tendait à l'annulation de la décision du 25 septembre 2008 ; que les premiers juges n'ont commis aucune erreur de droit en considérant que cette décision devait s'analyser comme un retrait anticipé des enfants et non comme un licenciement, en l'absence de toute rupture du contrat de travail ;
- qu'une telle décision de retrait anticipé est prise par le responsable du service de l'enfance lorsqu'il apparaît que les conditions d'accueil ne permettent plus d'assurer le développement physique, intellectuel ou affectif du ou des enfants accueillis ;
- que la décision de retrait des enfants peut intervenir alors même qu'elle serait fondée sur des faits de nature à justifier une mesure de licenciement ;
- que, dans ces conditions, seul le respect des dispositions de l'article L. 421-16 du code de l'action sociale et des familles s'imposait au président du conseil général ;
- que la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'une procédure disciplinaire aurait dû être engagée à son encontre ; que c'est dès lors à bon droit que le tribunal administratif a écarté le moyen tiré d'un vice de procédure ;
- que les éléments du dossier établissent qu'il pouvait, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, décider de retirer les enfants confiés à la garde de Mme A ;
- que plusieurs professionnels du service de l'aide sociale à l'enfance ont relevé des faits inquiétants, confirmés par les enfants eux-mêmes ;
- que la requérante se borne à minimiser certains faits, en soulignant leur prétendue absence de gravité, mais sans en contester la matérialité ;
- que Mme A reste silencieuse sur le comportement de son fils Benjamin unanimement décrié par les enfants, et ne fournit aucune explication sur la peur ressentie par le jeune Steven lorsqu'il devait revenir chez elle, ni sur les demandes renouvelées de l'enfant pour changer de famille d'accueil, ou encore sur les graves agressions dont il a affirmé avoir été victime ; que Mme A ne se prononce pas non plus sur les appréciations qu'ont pu porter les trois enfants sur les conditions dans lesquelles ils ont été pris en charge ;
- que la circonstance que des personnes liées à Mme A aient attesté de son comportement exemplaire et du bien-être apparent des enfants n'est pas de nature à démontrer le caractère inexact des faits qui lui sont reprochés ; que les différents professionnels du service de l'enfance ont tous constatés un comportement inadapté, et la réalité de la souffrance de Steven ne peut pas sérieusement être contestée ;
- que l'attitude de Mme A dans les jours qui ont précédé la mesure de retrait litigieuse est de nature à confirmer son bien-fondé ; qu'en effet Steven a indiqué avoir été maintenu de force dans son lit et bombardé de crachats, que les parents des trois enfants ont été insultés au téléphone, et l'assistante maternelle qui avait accueilli les enfants au cours de l'été précédent a également fait l'objet de menaces ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'action sociale et des familles ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 juin 2012 :
- le rapport de M. Poitreau, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Pourny, rapporteur public,
- et les observations de Me Romanet-Duteil, avocat du département du Rhône ;
Considérant que, par décision du 25 septembre 2008, le président du conseil général du Rhône a décidé de retirer les trois enfants jusqu'alors confiés à la garde de Mme A en sa qualité d'assistante familiale ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de l'intéressée tendant à l'annulation de cette décision ;
Considérant, en premier lieu, qu'après avoir pris connaissance du rapport en date du 17 septembre 2008, relatif aux conditions de prise en charge par Mme A des trois enfants qui lui étaient alors confiés, le président du conseil général du Rhône a, par la décision en litige, du 25 septembre 2008, mis fin à l'accueil de ces enfants par l'intéressée ; que cette mesure, prise dans l'intérêt des enfants concernés, ne constitue pas une sanction ; que, dès lors, le président du conseil général n'était pas tenu de suivre la procédure disciplinaire ;
Considérant, en deuxième lieu, que la décision en litige, qui n'a pas le caractère d'un licenciement, en l'absence de toute rupture du contrat de travail liant Mme A au département, ni ne retire son agrément en tant qu'assistante familiale, n'est pas au nombre des actes énumérés aux articles 1er et 2 de la loi du 11 juillet 1979 susvisée, et n'avait donc pas à être motivée ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 421-16 du code de l'action sociale et des familles : " Sauf situation d'urgence mettant en cause la sécurité de l'enfant, l'assistant familial est consulté préalablement sur toute décision prise par la personne morale qui l'emploie concernant le mineur qu'elle accueille à titre permanent ; elle participe à l'évaluation de la situation de ce mineur. " ; qu'il ressort des pièces du dossier que la décision du 25 septembre 2008 a été précédée d'un entretien avec des agents du service le 22 septembre 2008, au cours duquel il a été fait part à Mme A des faits qui lui étaient reprochés et qu'elle a pu utilement contester ;
Considérant, enfin, que le contrat d'accueil signé le 10 août 2005 entre Mme A et le président du conseil général du Rhône, concernant l'un des trois enfants accueillis, précise qu' " il peut être mis fin au placement de l'enfant chez l'assistante maternelle à la suite de la décision des parents. ou du responsable du service de l'enfance " et que la famille d'accueil s'engage à veiller au développement physique et mental de l'enfant, à lui apporter la sécurité et l'affection, à concourir à son éveil intellectuel et affectif ; qu'il résulte des rapports établis par deux assistantes sociales différentes, les 17 septembre, 7 novembre et 4 décembre 2008, que Mme A a fait preuve d'un comportement empreint d'un manque d'affection, de négligences quant à la propreté, l'éducation et l'alimentation des enfants qui lui étaient confiés ; que ces rapports font état d'attitudes vexatoires et de méthodes d'éducation inappropriées à l'égard d'un des enfants accueillis ; que ces méthodes, de même que le comportement du fils de Mme A, ont été dénoncés par les enfants eux-mêmes depuis qu'ils ont été confiés à d'autres familles ; que la requérante ne conteste pas sérieusement les faits ainsi relevés à son encontre ; que la circonstance que plusieurs personnes aient fourni des témoignages attestant, de la part de Mme A, d'un comportement exemplaire et du bien-être apparent des enfants n'est pas de nature à établir le caractère inexact des faits qui lui sont reprochés ; que, dès lors, en décidant de mettre fin à l'accueil de ces trois enfants dans la famille de la requérante, le président du conseil général n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire droit aux conclusions présentées, au titre des mêmes dispositions, par le département du Rhône, et de mettre à la charge de Mme A le paiement à cette collectivité d'une somme de 1 000 euros ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.
Article 2 : Mme A versera au département du Rhône la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Evolène A et au département du Rhône.
Délibéré après l'audience du 14 juin 2012 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
Mme Steck-Andrez, président-assesseur,
M. Poitreau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 juin 2012.
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N° 11LY01360 2