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11/10/2012 | FRANCE | N°12LY00342

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 11 octobre 2012, 12LY00342


Vu la requête, enregistrée 6 février 2012, présentée pour le département de l'Ardèche, représenté par le président du conseil général en exercice ;

Le département de l'Ardèche demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Lyon n° 1005766 du 22 novembre 2011 en tant qu'il a annulé la décision du président du conseil général de l'Ardèche du 1er avril 2010 en ce qu'elle a prévu que, pour le calcul des droits de M. Joseph A au revenu de solidarité active, il serait tenu compte des revenus de capitaux mobiliers non appréhendés p

ar l'intéressé ;

2°) de rejeter la demande de M. A devant le tribunal administratif ...

Vu la requête, enregistrée 6 février 2012, présentée pour le département de l'Ardèche, représenté par le président du conseil général en exercice ;

Le département de l'Ardèche demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Lyon n° 1005766 du 22 novembre 2011 en tant qu'il a annulé la décision du président du conseil général de l'Ardèche du 1er avril 2010 en ce qu'elle a prévu que, pour le calcul des droits de M. Joseph A au revenu de solidarité active, il serait tenu compte des revenus de capitaux mobiliers non appréhendés par l'intéressé ;

2°) de rejeter la demande de M. A devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de M. A une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- que c'est à tort que le Tribunal a considéré qu'il ne pouvait pas inclure dans les revenus de M. A les dividendes tirés des bénéfices de la société Stries au motif que les dividendes constituent des revenus de capitaux mobiliers et ne sauraient être assimilés à des revenus d'activité professionnelle alors que le code de l'action sociale et des familles ne pose pas de conditions tenant à la nature des revenus pour l'évaluation des ressources professionnelles d'un demandeur du revenu de solidarité active ; que le régime fiscal du revenu est inopérant au regard des dispositions du code de l'action sociale et des familles relatives au revenu de solidarité active ;

- que c'est également à tort que le Tribunal a estimé qu'il ne pouvait pas se fonder sur des revenus professionnels non perçus qui ne relèvent pas des bénéfices agricoles, industriels et commerciaux et des bénéfices non commerciaux pour procéder à l'évaluation des ressources d'un demandeur non-salarié ; qu'il résulte des dispositions de l'article R. 262-23 du code de l'action sociale et des familles que le président du conseil général, pour le calcul des droits d'un demandeur du revenu de solidarité active, peut tenir compte d'éléments de toute nature sans qu'il lui soit imposé de ne prendre en compte que des revenus professionnels effectivement perçus ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 avril 2012, présenté pour M. Joseph A, domicilié ..., qui conclut au rejet de la requête, à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions indemnitaires de sa demande et à la mise à la charge du département de l'Ardèche d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil, à charge pour celui-ci de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

Il soutient :

- que dès lors qu'aucun dividende n'a été versé, le président du conseil général ne pouvait pas prendre en compte de prétendus dividendes pour évaluer ses ressources ; que la notion de dividendes non distribués utilisée par le département de l'Ardèche est inadéquate ; qu'il résulte des dispositions de l'article R. 262-23 du code de l'action sociale et des familles que les revenus professionnels devant être pris en considération pour le calcul du droit au revenu de solidarité active correspondent aux ressources perçues par les personnes physiques et non pas aux bénéfices réalisés par une société ; que, sauf à confondre patrimoine d'une société et patrimoine de son dirigeant, les bénéfices non distribués par la société ne peuvent constituer des revenus professionnels de son dirigeant ; que les bénéfices d'une société ne peuvent être pris en compte que par le biais des dividendes distribués aux actionnaires ou des rémunérations versées aux mandataires sociaux ; qu'aucune disposition du code de l'action sociale et des familles ne permettait au département de prendre en compte des revenus non perçus tirés des bénéfices de la société Stries ;

- que le jugement du 22 novembre 2011 doit être réformé en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'indemnisation des conséquences des fautes commises par le département de l'Ardèche dans le traitement de ses demandes d'attribution du revenu minimum d'insertion puis du revenu de solidarité active ; que le département de l'Ardèche, par sa volonté délibérée de retarder le traitement de son dossier malgré les décisions du Conseil d'Etat, a commis une faute engageant sa responsabilité, dont il lui appartient de réparer les conséquences dommageables liées à la perte de temps que lui a occasionné ce comportement dilatoire ;

Vu le mémoire, enregistré le 5 juillet 2012, présenté pour le département de l'Ardèche qui conclut aux mêmes fins que la requête et au rejet des conclusions de M. A, par les mêmes moyens ;

Il soutient en outre que les conclusions indemnitaires de M. A, qui soulèvent un litige distinct, sont irrecevables ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) du 20 mars 2012, accordant à M. A le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 septembre 2012 :

- le rapport de M. Poitreau, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;

- et les observations de Me Levy, avocat du département de l'Ardèche et de M. A ;

1. Considérant que M. A, président-directeur général de la SA Stries, dont il est actionnaire majoritaire, a sollicité le bénéfice du revenu de solidarité active à compter du 1er juin 2009 ; que, le 14 décembre 2009, le président du conseil général de l'Ardèche a évalué ses ressources à prendre en compte en vue de déterminer ses droits à cette prestation en y incluant des revenus de capitaux mobiliers évalués en proportion des bénéfices non distribués réalisés par la société Stries ; que le 1er avril 2010, le président du conseil général a rejeté le recours exercé par l'intéressé ; que le département de l'Ardèche fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé cette décision en tant qu'elle confirme qu'il doit être tenu compte de ces revenus ; que, par la voie de l'appel incident, M. A conteste ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires ;

Sur la requête du département de l'Ardèche :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles : " Toute personne résidant en France de manière stable et effective, dont le foyer dispose de ressources inférieures à un revenu garanti, a droit au revenu de solidarité active dans les conditions définies au présent chapitre. Le revenu garanti est calculé, pour chaque foyer, en faisant la somme : 1° D'une fraction des revenus professionnels des membres du foyer ; 2° D'un montant forfaitaire, dont le niveau varie en fonction de la composition du foyer et du nombre d'enfants à charge. Le revenu de solidarité active est une allocation qui porte les ressources du foyer au niveau du revenu garanti (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 262-3 du même code : " La fraction des revenus professionnels des membres du foyer et le montant forfaitaire mentionné au 2° de l'article L. 262-2 sont fixés par décret. Le montant est révisé une fois par an en fonction de l'évolution des prix à la consommation hors tabac. L'ensemble des ressources du foyer, y compris celles qui sont mentionnées à l'article L. 132-1, est pris en compte pour le calcul du revenu de solidarité active, dans des conditions fixées par un décret en Conseil d'Etat (...) " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article R. 262-6 du code de l'action sociale et des familles : " Les ressources prises en compte pour la détermination du montant du revenu de solidarité active comprennent, sous les réserves et selon les modalités figurant au présent chapitre, l'ensemble des ressources, de quelque nature qu'elles soient, de toutes les personnes composant le foyer, et notamment les avantages en nature ainsi que les revenus procurés par des biens mobiliers et immobiliers et par des capitaux./ Les dispositions de l'article R. 132-1 sont applicables au revenu de solidarité active. " ; qu'aux termes dudit article R. 132-1 : " Pour l'appréciation des ressources des postulants (...), les biens non productifs de revenu, à l'exclusion de ceux constituant l'habitation principale du demandeur, sont considérés comme procurant un revenu annuel égal à 50 % de leur valeur locative s'il s'agit d'immeubles bâtis, à 80 % de cette valeur s'il s'agit de terrains non bâtis et à 3 % du montant des capitaux. " ;

4. Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne permet, pour déterminer les droits au revenu de solidarité active, de tenir compte des bénéfices non distribués d'une société commerciale dont le demandeur détient des droits sociaux ; que, dès lors, c'est à bon droit que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du président du conseil général de l'Ardèche du 1er avril 2010, en tant qu'elle prévoyait, pour déterminer les droits de M. A au revenu de solidarité active, la prise en compte de ses revenus de capitaux mobiliers non appréhendés, correspondant à une quote-part des bénéfices de la SA Stries proportionnelle à ses droits dans cette société ; que toutefois, en application des dispositions précitées des articles R. 132-1 et R. 262-6 du code de l'action sociale et des familles, le département devait tenir compte d'une fraction de 3 % du montant des capitaux que détient M. A, au nombre desquels figurent ses actions de la société Stries ; que, dès lors, le département de l'Ardèche est fondé à demander la réformation, dans cette mesure, de l'article 1er du jugement attaqué ;

Sur les conclusions de l'appel incident de M. A :

5. Considérant que M. A a reçu notification du jugement attaqué le 13 décembre 2011 ; que les conclusions de son appel incident, par lesquelles il demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il a rejeté les conclusions indemnitaires de sa demande, sont contenues dans un mémoire enregistré le 23 avril 2012 ; que, comme le soutient le département de l'Ardèche, ces conclusions, présentées après l'expiration du délai d'appel et soulevant un litige distinct de celui qui résulte de l'appel principal, ne sont, dès lors, pas recevables ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

6. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du département de l'Ardèche tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que M. A étant la partie perdante dans la présente instance, les conclusions de son conseil tenant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : Pour le calcul des droits au revenu de solidarité active de M. A à compter du 1er juin 2009, il est tenu compte de 3 % du montant des capitaux qu'il détient.

Article 2 : La décision du président du conseil général de l'Ardèche du 1er avril 2010 et l'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Lyon du 22 novembre 2011 sont réformés en ce qu'ils ont de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Les conclusions du département de l'Ardèche tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions de M. A sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au département de l'Ardèche et à M. Joseph A.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2012 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Poitreau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 octobre 2012.

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N° 12LY00342


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY00342
Date de la décision : 11/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

04-02-06 Aide sociale. Différentes formes d'aide sociale. Revenu minimum d'insertion (RMI).


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Gérard POITREAU
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : NOUGARET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-10-11;12ly00342 ?
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