Vu la requête, enregistrée à la Cour le 15 mars 2012, présentée pour Mme Fatiha , domiciliée chez M. Oussama Bourjil, 67, rue de la Libération à Saint-Etienne (42000) ;
Mme demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1105923, du 13 décembre 2011, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Loire, du 23 août 2011, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel elle serait, à défaut, reconduite ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le délai d'un mois ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Elle soutient que les décisions lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi sont entachées d'incompétence ; que les décisions lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision de refus de titre de séjour viole également les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour qui la fonde ; qu'enfin, la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le courrier enregistré le 25 mai 2012, présenté par le préfet de la Loire, qui s'en remet à ses écritures de première instance ;
Vu le mémoire, enregistré à la Cour par télécopie le 15 juin 2012 et régularisé le 19 juin 2012, présenté pour Mme qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;
Vu la décision du 3 février 2012, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à Mme ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 novembre 2012 :
- le rapport de M. Le Gars, président,
- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;
Sur la décision de refus de délivrance de titre de séjour :
1. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des mentions de l'arrêté n° 11-03 en date du 4 janvier 2011, régulièrement publié le 6 janvier 2011 au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Loire, que le préfet de la Loire a donné à M. Patrick Ferin, secrétaire général de la préfecture, délégation permanente à effet de signer tous actes, arrêtés, décisions, documents et correspondances administratives et comptables, relevant des attributions de l'Etat dans le département de la Loire, à l'exception de certains actes parmi lesquels ne figurent pas les décisions de refus de délivrance de titre de séjour assorties d'une obligation de quitter le territoire français et d'une décision fixant le pays de renvoi ; que l'article 5 de cet arrêté prévoit qu'en cas d'absence ou d'empêchement de M. Ferin, la délégation de signature susmentionnée est notamment consentie à M. Rodrigue Furcy, sous-préfet, directeur de cabinet de la préfecture ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. Ferin n'ait pas été absent ou empêché à la date de l'arrêté litigieux ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de M. Furcy, signataire de la décision contestée, doit être écarté comme manquant en fait ;
2. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. (...) " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme , ressortissante marocaine est entrée pour la dernière fois sur le territoire français le 18 février 2011, pour rendre visite à ses enfants ; qu'ainsi, comme le relève le préfet de la Loire dans ses écritures, elle ne résidait pas habituellement en France à la date de la décision en litige, le 23 août 2011 ; que, souffrant d'hypertension artérielle et de diabète non insulino-dépendant, elle ne conteste pas la disponibilité, dans son pays d'origine, des traitements médicaux requis, laquelle est attestée par l'avis rendu par le médecin inspecteur de santé publique de l'agence régionale de santé le 29 juin 2011 et par les informations relatives à l'offre de soins au Maroc, produites par le préfet de la Loire, qui font état d'une offre de soins en matière de traitement de ces deux pathologies, disponible sur l'ensemble du territoire marocain ; qu'en revanche, Mme entend invoquer une circonstance humanitaire exceptionnelle tirée de ce que son état de santé nécessite une surveillance et une assistance de la part de tiers qui peuvent lui être apportées par ses enfants résidant sur le territoire français, alors qu'elle se retrouverait isolée au Maroc, en l'absence de toute attache familiale ; qu'il ne ressort toutefois pas des pièces médicales versées au dossier que les deux pathologies susmentionnées dont souffre Mme , même si le diabète et l'hypertension artérielle sont déséquilibrés, ne lui permettraient pas de vivre de façon autonome ; que si Mme a été victime en France, le 2 mars 2011, d'une chute consécutive à un malaise qui lui a occasionné une entorse cervicale bénigne ainsi qu'une fracture des os propres du nez et de la lame papyracée gauche, il ne ressort pas des pièces du dossier que cet accident lui ait laissé des séquelles à la date de l'arrêté contesté ; qu'enfin, si un certificat médical rédigé le 27 janvier 2012 par un médecin généraliste fait état de la survenue d'un accident vasculaire cérébral, au mois d'août 2011, qui lui a laissé des séquelles au niveau de l'équilibre ainsi qu'au niveau cognitif qui nécessitent qu'elle soit assistée dans ses soins et la prise de son traitement, cette seule pièce médicale, postérieure de cinq mois à l'arrêté litigieux, ne permet pas de considérer, faute de précision quant à la date exacte de cet accident vasculaire cérébral, que la détérioration de l'état de santé de Mme évoquée était effective à la date de la décision contestée, le 23 août 2011, et aurait été portée à la connaissance du préfet de la Loire avant l'arrêté contesté ; que Mme ne peut donc pas utilement s'en prévaloir pour contester la légalité de la décision de refus de délivrance de titre de séjour en litige, qui a été prise au vu des éléments du dossier constitué à l'appui de la demande déposée par l'intéressée ; qu'il résulte de ce qui précède que Mme ne justifie ni d'une résidence habituelle en France, ni de l'existence d'une circonstance humanitaire exceptionnelle au sens des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, Mme n'est pas fondée à soutenir qu'en lui refusant la délivrance du titre de séjour sollicité, le préfet du Rhône a méconnu ces dispositions ;
4. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
5. Considérant que Mme , ressortissante marocaine née le 8 janvier 1951, est entrée en France le 18 février 2011, munie d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour ; que si l'intéressée établit que ses trois enfants, dont l'un est de nationalité française, résident régulièrement sur le territoire français et que son ex-époux est décédé au Maroc au mois de juillet 2011, il ressort des pièces du dossier que Mme , qui n'était présente en France que depuis six mois à la date de la décision litigieuse, a divorcé de son époux en 1990 et vécu seule dans ce pays après les départs successifs de ses enfants pour la France ; qu'en outre, Mme , sans emploi ni ressources, ne justifie pas de la possibilité pour ses enfants installés en France de pourvoir à ses besoins, notamment matériels ; que, comme il a déjà été dit, Mme n'établit pas, par les pièces médicales qu'elle produit, qu'à la date de la décision en litige, son état de santé ne lui permettait pas de vivre de façon autonome et nécessitait l'assistance permanente d'une tierce personne dans l'accomplissement des tâches de la vie courante que seuls ses enfants résidant sur le territoire français auraient été en mesure de lui procurer ; qu'enfin, Mme ne peut pas être regardée comme étant dépourvue de tout lien avec son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à l'âge de soixante ans ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour de la requérante en France, la décision contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus ; qu'elle n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction modifiée par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) " ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme , de nationalité marocaine, s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour par décision du 23 août 2011 ; qu'ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, elle était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;
8. Considérant, en deuxième lieu, que, pour les même motifs que ceux retenus dans le cadre de l'examen de la décision de refus de délivrance de titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français n'est pas davantage entachée d'incompétence ;
9. Considérant, en troisième lieu, que, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, le moyen tiré, par voie d'exception, de ce que la décision d'éloignement est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision de refus de délivrance de titre de séjour sur laquelle elle se fonde, doit être écarté comme non fondé ;
10. Considérant, en quatrième lieu, que pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision refusant à Mme la délivrance d'un titre de séjour, la décision l'obligeant à quitter le territoire français n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la décision désignant le pays de destination :
11. Considérant, en premier lieu, que pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision refusant à Mme la délivrance d'un titre de séjour, la décision fixant le pays de renvoi n'est pas entachée d'incompétence ;
12. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;
13. Considérant que si Mme soutient que le fait de la renvoyer au Maroc constitue un traitement inhumain au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, eu égard à son état de santé, il ne ressort, en tout état de cause, pas des pièces du dossier, ainsi qu'il a déjà été dit, qu'elle ne pourrait pas disposer d'une prise en charge médicale appropriée au Maroc pour les affections dont elle souffre et pour lesquelles elle y était déjà suivie, ni que son état de santé exigeait, à la date de la décision contestée, qu'elle bénéficie de l'assistance de ses enfants présents en France ; que, dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté comme non fondé ;
14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par elle et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Fatiha et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Loire.
Délibéré après l'audience du 13 novembre 2012 à laquelle siégeaient :
M. Le Gars, président de la Cour,
M. Seillet, président assesseur,
M. Poitreau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 novembre 2012,
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N° 12LY00702