Vu le recours, enregistré le 11 mai 2012 au greffe de la Cour, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat ;
Le ministre demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 1002955, en date du 31 janvier 2012, par lequel le Tribunal administratif de Dijon a déchargé l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de Courson-les-Carrières des cotisations de taxe sur les salaires assises sur les rémunérations de son directeur, qu'il a acquittées en 2008 et 2009 ;
2°) de remettre à la charge de l'EHPAD de Courson-les-Carrières ces cotisations de taxe sur les salaires assises sur les rémunérations de son directeur, auxquelles il a été assujetti, pour un montant de 592 euros, au titre des années 2008 et 2009 ;
Il soutient que l'EHPAD doit être regardé comme étant l'employeur de son directeur, au sens des dispositions de l'article 231 du code général des impôts et que le salaire de ce dernier doit en conséquence être compté dans la base de la taxe sur les salaires dont l'EHPAD est redevable ; que, si le directeur est nommé par le ministre, c'est sur avis du conseil d'administration de l'établissement ; que le directeur prépare les travaux du conseil d'administration et est chargé de l'exécution des décisions de celui-ci ; que les bulletins de salaire du directeur sont établis par l'établissement, qui le rémunère sur son budget ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 juillet 2012, présenté pour l'EHPAD de Courson-les-Carrières, représenté par son directeur en exercice, dont le siège est rue de Druyes à Courson-les-Carrières (89560), tendant au rejet du recours du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat, à lui verser sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient que l'appel du ministre est irrecevable à défaut pour ce dernier de justifier de ce que la direction de contrôle fiscal de Rhône-Alpes-Bourgogne lui a transmis le jugement déféré dans le délai de deux mois à compter de la notification de celui-ci ; que l'employeur du directeur, au sens des dispositions de l'article 231-1 du code général des impôts, n'est pas l'EHPAD et son conseil d'administration mais l'Etat, nonobstant les circonstances que le directeur n'est pas un fonctionnaire de la fonction publique d'Etat, que son bulletin de salaire soit établi par l'établissement et que le budget de l'EHPAD soit constitué de versements du Conseil général ; que le conseil d'administration de l'EHPAD n'exerce aucune autorité fonctionnelle ou hiérarchique sur le directeur ; que le pouvoir de nomination et de révocation du directeur appartient au ministère de la santé ; que l'instruction 5-L 121 n° 3 du 1er juin 1995, opposable à l'administration sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, prévoit que, lorsque la personne qui assure matériellement le paiement des sommes imposables n'est pas l'employeur, la taxe doit être réclamée à l'employeur, c'est-à-dire celui qui détient le pouvoir de nommer et de révoquer le salarié et de lui donner des directives quant à l'exécution de ses tâches ;
Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 10 août 2012, présenté par le ministre de l'économie et des finances, tendant aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens et par le moyen supplémentaire que son recours est recevable dans la mesure où il a été enregistré à la Cour dans le délai de quatre mois dont il disposait à compter de la notification du jugement au directeur qui a suivi l'affaire, en application des dispositions de l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de l'action sociale et des familles ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 novembre 2012 :
- le rapport de M. Montsec, président ;
- et les conclusions de Mme Jourdan, rapporteur public ;
1. Considérant que l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de Courson-les-Carrières (Yonne) a demandé la restitution des cotisations de taxe sur les salaires qui lui ont été assignées au titre des années 2008 et 2009, à concurrence de la fraction de cette taxe assise sur les rémunérations de son directeur ; que, par jugement en date du 31 janvier 2012, le Tribunal administratif de Dijon a, après avoir déclaré irrecevables les conclusions de l'EHPAD de Courson-les-Carrières relatives aux cotisations acquittées au titre des années 1998 à novembre 2007, prononcé la décharge de ces cotisations de taxe sur les salaires, ainsi assises sur les rémunérations de son directeur, acquittées en 2008 et 2009 ; que le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat fait appel de ce jugement et demande que lesdites cotisations, à hauteur d'un montant de 592 euros, soient remises à la charge de l'EHPAD de Courson-les-Carrières ;
Sur la recevabilité du recours du ministre :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 et R. 751-4. / Si le jugement a été signifié par huissier de justice, le délai court à dater de cette signification à la fois contre la partie qui l'a faite et contre celle qui l'a reçue " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article R.* 200-1 du livre des procédures fiscales : " Les dispositions du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont applicables aux affaires portées devant le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel, sous réserve des dispositions particulières prévues par le présent livre " ; qu'aux termes de l'article R.* 200-18 du livre des procédures fiscales : " A compter de la notification du jugement du tribunal administratif qui a été faite au directeur du service de l'administration des impôts (...) qui a suivi l'affaire, celui-ci dispose d'un délai de deux mois pour transmettre, s'il y a lieu, le jugement et le dossier au ministre chargé du budget. Le délai imparti pour saisir la cour administrative d'appel court, pour le ministre, de la date à laquelle expire le délai de transmission prévu à l'alinéa précédent ou de la date de la signification faite au ministre " ; qu'il résulte de ces dispositions que le délai d'appel imparti au ministre commence à courir à compter de la date à laquelle expire le délai de transmission qu'elles prévoient, quelle que soit la date effective de cette transmission, ou de la date à laquelle le jugement est signifié au ministre par acte d'huissier de justice lorsque cette signification est antérieure à l'expiration du délai de transmission, sans que la date de transmission par le directeur qui a suivi l'affaire ne puisse avoir d'incidence sur la recevabilité du recours ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le jugement attaqué a été notifié au directeur des finances publiques de l'Yonne le 10 février 2012 ; que le recours du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat a été enregistré au greffe de la Cour le 11 mai 2012, dans le délai de quatre mois prévu par la combinaison des dispositions précitées du livre des procédures fiscales et du code de justice administrative ; que, dès lors, en l'absence de signification du jugement attaqué au ministre, la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité pour tardiveté dudit recours doit être écartée ;
Sur le bien-fondé des taxes en litige :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 231 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " 1. Les sommes payées à titre de rémunérations sont soumises à une taxe sur les salaires égale à 4,25 % de leur montant, (...) et à la charge des personnes ou organismes, (...), qui paient ces rémunérations lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations (...) " ; que la taxe sur les salaires est due par tout employeur à raison des rémunérations versées à ses employés, quelles que soient les modalités de paiement de celles-ci ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 315-9 du code de l'action sociale et des familles : " Les établissements publics sociaux et médico-sociaux sont communaux, intercommunaux, départementaux, interdépartementaux ou nationaux. Ils sont administrés par un conseil d'administration et dirigés par un directeur nommé par l'autorité compétente de l'Etat après avis du président du conseil d'administration " ; qu'aux termes de l'article 4 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Les corps et emplois sont recrutés et gérés dans le cadre de chaque établissement. (...) Toutefois, les corps et emplois des personnels de direction sont recrutés et gérés au niveau national (...) " ; que l'article 82 de la même loi prévoit que : " L'autorité investie du pouvoir de nomination exerce le pouvoir disciplinaire après avis de la commission administrative paritaire siégeant en conseil de discipline (...) " ; que l'article 21 du décret du 26 décembre 2007 portant statut particulier du corps des directeurs d'établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux de la fonction publique hospitalière désignait, à la date des impositions en litige, comme autorité investie du pouvoir de nomination, le ministre chargé de la santé s'agissant des emplois de directeur et le directeur du centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière s'agissant des emplois de directeur-adjoint ; qu'aux termes de l'article L. 315-12 du code de l'action sociale et des familles : " Le conseil d'administration des établissements publics sociaux ou médico-sociaux définit la politique générale de l'établissement et délibère sur : 1° Le projet d'établissement ou de service (...) ; (...) 4° Le budget et les décisions modificatives, les crédits supplémentaires et la tarification des prestations (...) ; (...) 6° Les décisions affectant l'organisation ou l'activité de l'établissement ; (...) " ; qu'au termes de l'article L. 315-15 du même code : " I. - Le budget et les décisions modificatives mentionnés au 4° de l'article L. 315-12 sont préparés et présentés par le directeur (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 315-17 du même code : " Le directeur représente l'établissement en justice et dans tous les actes de la vie civile. / Il prépare les travaux du conseil d'administration et lui soumet le projet d'établissement (...). / Il est chargé de l'exécution des décisions du conseil d'administration et met en oeuvre les actions approuvées par celui-ci. Il est compétent pour régler les affaires de l'établissement autres que celles qui sont énumérées à l'article L. 315-12. Il assure la gestion et la conduite générale de l'établissement et en tient le conseil d'administration informé. / Il veille à la réalisation du projet d'établissement ou de service et à son évaluation. / Il nomme le personnel (...) et exerce son autorité sur l'ensemble de celui-ci (...) " ;
6. Considérant que les EHPAD, qui constituent des établissements autonomes, aux plans administratif et financier, dotés de la personnalité morale, définissent leur propre politique par l'élaboration d'un projet d'établissement ; qu'ils rémunèrent directement leur directeur, sur leur propre budget ; que, s'il résulte des dispositions susmentionnées que le directeur d'un EHPAD est nommé par une autorité de l'Etat, qui exerce sur lui le pouvoir disciplinaire, ce pouvoir de nomination s'exerce après avis du conseil d'administration de l'EHPAD ; que, par ailleurs, le directeur d'un EHPAD prépare les travaux du conseil d'administration de l'établissement, qui définit la politique générale de celui-ci ; qu'il est ensuite chargé de l'exécution des décisions dudit conseil d'administration, notamment en matière de budget et de projet d'établissement, et plus généralement de mettre en oeuvre les actions approuvées par celui-ci ; qu'ainsi, le directeur est placé sous l'autorité fonctionnelle du conseil d'administration de l'établissement, qui est investi du pouvoir de lui donner des objectifs et des directives ; que, dans ces conditions, l'établissement doit être regardé comme l'employeur de son directeur, au sens de l'article 231 du code général des impôts, nonobstant la circonstance que ledit directeur est statutairement nommé et géré par l'Etat, dans les conditions susmentionnées ; que le ministre est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que, pour prononcer la décharge des cotisations de taxe sur les salaires en litige, le tribunal administratif s'est fondé sur le motif que l'EHPAD de Courson-les-Carrières n'était pas l'employeur de son directeur, au sens des dispositions susrappelées du 1. de l'article 231 du code général des impôts, et n'était donc pas redevable de la taxe sur les salaires assise sur les rémunérations dudit directeur ;
7. Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par l'EHPAD de Courson-les-Carrières tant en première instance qu'en appel ;
8. Considérant que l'instruction 5-L 121 n° 3 du 1er juin 1995, dont se prévaut l'EHPAD de Courson-les-Carrières sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, prévoit que, lorsque la personne qui assure matériellement le paiement des sommes imposables n'est pas l'employeur, la taxe doit être réclamée à l'employeur, c'est-à-dire celui qui détient le pouvoir de nommer et de révoquer le salarié et de lui donner des directives quant à l'exécution de ses tâches ; que l'EHPAD de Courson-les-Carrières ne peut utilement invoquer cette doctrine qui ne fait pas des dispositions de l'article 231 du code général des impôts une interprétation différente de celle appliquée par l'administration ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a prononcé la décharge des cotisations de taxe sur les salaires, assises sur les rémunérations de son directeur, acquittées par l'EHPAD de Courson-les-Carrières en 2008 et 2009 ; que le ministre est également fondé à demander que lesdites cotisations soient remises à la charge de l'EHPAD de Courson-les-Carrières, à hauteur d'un montant de 592 euros, au titre des années 2008 et 2009 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse quelque somme que ce soit à l'EHPAD de Courson-les-Carrières au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1002955 du Tribunal administratif de Dijon est annulé.
Article 2 : La part des cotisations de taxe sur les salaires que l'EHPAD de Courson-les-Carrières avait acquittées en 2008 et 2009 assise sur les rémunérations de son directeur est remise à sa charge, à hauteur d'un montant total de 592 euros pour les deux années.
Article 3 : Les conclusions de l'EHPAD de Courson-les-Carrières tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie et des finances et à l'EHPAD de Courson-les-Carrières.
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2012 à laquelle siégeaient :
M. Montsec, président de chambre,
Mme Mear, président-assesseur,
Mme Chevalier-Aubert, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 décembre 2012.
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N° 12LY01174
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