Vu la requête, enregistrée le 11 juillet 2011, présentée pour M. B... A..., domicilié ...en Espagne ;
M. A... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0704235 du 10 mai 2011 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2000 et des pénalités y afférentes ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que les saisies effectuées par l'administration sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales sont contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dès lors que l'administration l'a mis en demeure de déclarer ses bénéfices non commerciaux au titre des années 1998 à 2000 et qu'il a présenté des déclarations, l'administration ne pouvait plus se fonder sur le deuxième alinéa de l'article L. 68 du livre des procédures fiscales pour procéder à une taxation d'office ; que le refus de communication de la demande d'assistance auprès des autorités luxembourgeoises entache d'irrégularité la procédure ; qu'il n'a jamais exercé aucune activité professionnelle en France ; qu'aucun élément probant n'a été saisi lors de la visite domiciliaire ; qu'il exerçait son activité au Luxembourg, où il était imposé ; que son activité a été réalisée pour le compte d'un seul prestataire, situé hors de la communauté européenne ; qu'en application des articles 259 B et C du code général des impôts, ces prestations n'étaient donc pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'il fait l'objet d'une double imposition ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 décembre 2011, présenté par le ministre de l'économie et des finances, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que M. A...a été mis à même de contester la régularité de la visite domiciliaire dont il avait fait l'objet ; que l'administration a fait application de la procédure de taxation d'office prévue au 2ème alinéa de l'article L. 68 du livre des procédures fiscales et à l'article L. 73-2° du même livre ; qu'elle n'avait pas à produire la demande d'assistance administrative adressée aux autorités luxembourgeoises ; que les documents saisis lors de la visite domiciliaire attestent du fait que M. A...exerçait son activité en France ; que l'intéressé n'a produit aucun document qui permettrait d'établir qu'il aurait exercé son activité dans un autre pays ; que certains des crédits bancaires constitutifs de recettes proviennent d'un établissement d'un pays membre de l'Union européenne ; qu'il n'établit pas que l'autre société pour laquelle il effectuait des prestations serait établie au Venezuela ni que l'établissement de cette société situé en Espagne y serait assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée ; que M. A...n'établit pas l'existence d'une double imposition ;
Vu le mémoire, enregistré le 24 février 2012, présenté pour M. A..., qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens, en soutenant en outre que l'administration fiscale ne pouvait lui faire application à titre rétroactif des nouvelles dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, issues de la loi du 4 août 2008 ; que les factures saisies comportent une adresse au Venezuela ; que la mauvaise foi du requérant n'étant pas établie, aucune pénalité ne peut lui être appliquée ;
Vu l'ordonnance en date du 4 octobre 2012 fixant la clôture d'instruction en dernier lieu au 2 novembre 2012, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire, enregistré le 24 octobre 2012, présenté par le ministre de l'économie et des finances, qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention entre la France et le Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et en matière d'impôts extraordinaires sur le capital, signée le 1er avril 1958, modifiée ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 décembre 2012 :
- le rapport de M. Besse, premier conseiller,
- les conclusions de M. Lévy Ben Cheton, rapporteur public,
- et les observations de Me Mosser, avocat de M.A... ;
1. Considérant que M. A..., a fait l'objet d'une visite domiciliaire à l'issue de laquelle l'administration, estimant qu'il avait exercé une activité de consultant, a engagé une vérification de comptabilité sur les exercices clos en 1998, 1999 et 2000 ; qu'il relève appel du jugement du 10 mai 2011 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes auxquels il a été assujetti ;
Sur le principe de l'imposition :
2. Considérant qu'aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. " ; qu'aux termes de l'article 259 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Le lieu des prestations de services est réputé se situer en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle. " ; qu'aux termes de l'article 259 B dudit code, dans sa rédaction alors applicable : " Par dérogation aux dispositions de l'article 259, le lieu des prestations suivantes est réputé se situer en France (...) : 4° Prestations des conseillers, ingénieurs, bureaux d'études dans tous les domaines y compris ceux de l'organisation de la recherche et du développement ; (...) / Le lieu de ces prestations est réputé ne pas se situer en France même si le prestataire est établi en France lorsque le preneur est établi hors de la communauté européenne ou qu'il est assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée dans un autre Etat membre de la communauté. " ; qu'enfin, l'article 259 C du code général des impôts dispose : " Le lieu des prestations désignées à l'article 259 B est réputé se situer en France lorsqu'elles sont effectuées par un prestataire établi hors de la communauté européenne et lorsque le preneur est établi ou domicilié ...sans y être assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, dès lors que le service est utilisé en France. " ; qu'alors même que M. A...a régulièrement fait l'objet d'une procédure de taxation d'office, il appartient au juge de l'impôt de se fonder sur les résultats de l'instruction, compte tenu, le cas échéant, de l'abstention des parties à produire les éléments qu'elles sont seules en mesure d'apporter, pour estimer si des prestations de services doivent être assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée, en application de l'article 259 du code général des impôts, ou sortent de son champ d'application, en application des articles 259 B et 259 C du même code ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'il est constant que les prestations de consultant faisant l'objet des impositions litigieuses ont été effectuées à titre individuel, dans le cadre d'une activité de travailleur indépendant ; que, si M. A...soutient que le siège de son activité est au Luxembourg, il n'apporte aucun élément à l'appui de cette allégation, au demeurant dépourvue de toute précision ; qu'il résulte au contraire de l'instruction que l'intéressé disposait d'un bureau dans les locaux de la société Covemat, située à Villeurbanne, société dans laquelle il détient une participation, et d'un bien situé sur la commune de Villemoirieu (Isère), propriété d'une société civile immobilière dont il détient 40% des parts, où ont été hébergés, pendant la période contrôlée, son fils, né en 1997, et la mère de l'enfant ; que, si M. A... soutient qu'il n'a jamais vécu avec ces derniers, il ne produit aucun élément à l'appui de cette allégation ; que, s'il fait valoir qu'il a été assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée au Luxembourg, il ne résulte en tout état de cause pas de l'instruction que les prestations soumises à ladite taxe, dans le cadre d'une activité de représentant et non de consultant, seraient les mêmes que celles en litige, qui sont au demeurant d'un montant bien supérieur ; que, dans ces conditions, M. A...doit être regardé comme ayant disposé de manière continue pendant la période contrôlée du siège de son activité en France ou, à tout le moins, d'un domicile à partir duquel il a rendu les prestations litigieuses, y compris après le 11 septembre 2000, date à laquelle la mère de son fils a saisi le Tribunal de grande instance de Lyon d'une demande tendant à ce qu'il lui verse une pension alimentaire ; que, par suite, le lieu des prestations de service est réputé se situer en France, en application de l'article 259 du code général des impôts ;
4. Considérant, en second lieu, que, si M. A...soutient que les prestations rendues au profit de la société Rexton Holding ne peuvent être soumises à la taxe sur la valeur ajoutée dès lors que le preneur de ces prestations est situé au Venezuela, il est toutefois constant que cette société disposait d'un établissement en Espagne, sans qu'il soit allégué qu'elle y était assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée ; que, si le requérant fait valoir que certaines factures saisies lors de la perquisition ayant eu lieu au siège de la société Covemat, en juillet 2001, mentionnaient une adresse au Venezuela, il est constant que lesdites factures ne précisaient pas la nature des prestations effectuées ; qu'au demeurant, M. A...a été imposé non sur la base de ces factures mais sur la base des crédit bancaires, pris en compte par l'administration pour déterminer les recettes de son activité, lesquels sont d'un montant supérieur ; que, dans ces conditions, et alors que M. A...est seul à même de détenir les éléments de preuve permettant de déterminer la nature des prestations et le lieu où est établi leur preneur, ce dernier ne peut être réputé se situant hors de France, en application des dispositions du dernier alinéa de l'article 259 B du code général des impôts ; qu'enfin, M. A...ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 259 C dudit code, lesquelles concernent les services fournis par un prestataire établi hors de l'Union européenne ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de l'article 164 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 : " IV. - 1. Pour les procédures de visite et de saisie prévues à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales pour lesquelles le procès-verbal ou l'inventaire mentionnés au IV de cet article a été remis ou réceptionné antérieurement à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, un appel contre l'ordonnance mentionnée au II de cet article, alors même que cette ordonnance a fait l'objet d'un pourvoi ayant donné lieu à cette date à une décision de rejet du juge de cassation, ou un recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie peut, dans les délais et selon les modalités précisés au 3 du présent IV, être formé devant le premier président de la cour d'appel dans les cas suivants : (...) d) Lorsque, à partir d'éléments obtenus par l'administration dans le cadre d'une procédure de visite et de saisie, des impositions ont été établies ou des rectifications ne se traduisant pas par des impositions supplémentaires ont été effectuées et qu'elles font ou sont encore susceptibles de faire l'objet, à la date de l'entrée en vigueur de la présente loi, d'une réclamation ou d'un recours contentieux devant le juge, sous réserve des affaires dans lesquelles des décisions sont passées en force de chose jugée. Le juge, informé par l'auteur de l'appel ou du recours ou par l'administration, sursoit alors à statuer jusqu'au prononcé de l'ordonnance du premier président de la cour d'appel (...) 3. Dans les cas mentionnés aux 1 et 2, l'administration informe les personnes visées par l'ordonnance ou par les opérations de visite et de saisie de l' existence de ces voies de recours et du délai de deux mois ouvert à compter de la réception de cette information pour, le cas échéant, faire appel contre l'ordonnance ou former un recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie. Cet appel et ce recours sont exclusifs de toute appréciation par le juge du fond de la régularité du déroulement des opérations de visite et de saisie. Ils s'exercent selon les modalités prévues respectivement aux articles L. 16 B et L. 38 du livre des procédures fiscales et à l'article 64 du code des douanes. En l'absence d'information de la part de l'administration, ces personnes peuvent exercer, selon les mêmes modalités, cet appel ou ce recours sans condition de délai (...) " ; qu'en application des dispositions précitées, lesquelles ont été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil Constitutionnel dans les motifs et le dispositif de sa décision 2010-19/27 QPC en date du 30 juillet 2010, le juge judiciaire est seul compétent pour apprécier la régularité des ordonnances prises par le président du Tribunal de grande instance sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ; que si M. A...soutient que la procédure prévue par cet article dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 4 août 2008 était contraire à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il résulte de l'instruction que l'administration l'a informé des voies et délais de recours qui lui étaient ouvertes par les dispositions citées plus haut de l'article 164 de la loi du 4 août 2008 ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales : " Peuvent être évalués d'office : (...) 2° Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus non commerciaux ou des revenus assimilés lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 97 du code général des impôts n'a pas été déposée dans le délai légal. " ; qu'aux termes de l'article L. 68 du même livre : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une première mise en demeure./ Toutefois, il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure si le contribuable change fréquemment son lieu de résidence ou de principal établissement, ou a transféré son activité à l'étranger sans déposer la déclaration de ses résultats ou de ses revenus non commerciaux, ou ne s'est pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce, ou si un contrôle fiscal n'a pu avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers. " ; qu'il résulte de l'instruction que M. A...n'avait pas déposé spontanément de déclarations de chiffre d'affaires ni ne s'était fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce, ainsi qu'il en avait l'obligation, en application de l'article 371 AJ de l'annexe II au code général des impôts, dès lors qu'il exerçait une activité en France, sans que l'intéressé ne pût se prévaloir du fait qu'il aurait été résident au Luxembourg ; que, s'il a déposé une déclaration de bénéfices dans les délais suite à la mise en demeure qui lui avait été adressée le 29 octobre 2001, cette circonstance est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie par l'administration dès lors que celle-ci pouvait se fonder sur les dispositions de l'article L. 68 du même code qui permettaient la mise en oeuvre de la procédure de taxation d'office sans mise en demeure ;
7. Considérant, en troisième lieu, qu'il est constant que, dans le cadre de la procédure de redressement, l'administration a communiqué à M. A... la réponse en date du 12 février 2002 des autorités luxembourgeoises à la demande d'assistance administrative de l'administration fiscale française ; que l'administration n'était pas tenue de lui communiquer une copie de la demande d'assistance, document préparatoire qui n'a pas servi à fonder les redressements litigieux ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté ;
Sur les pénalités pour mauvaise foi :
8. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts alors applicable : " 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 p.100 si la mauvaise foi de l'intéressé est établie ou de 80 p.100 s'il s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses ou d'abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales. " ; qu'en faisant valoir que l'activité de M. A...a été mise en évidence au cours du contrôle fiscal et que ce dernier n'avait déposé aucune déclaration de chiffre d'affaires en France, l'administration établit, en l'espèce, l'intention délibérée du contribuable d'éluder l'impôt caractérisant la mauvaise foi de l'intéressé et justifiant l'application de la majoration de 40 % ; que, par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions précitées et, en l'absence de double imposition établie, du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, les conclusions qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience du 11 décembre 2012 à laquelle siégeaient :
M. Chanel, président de chambre,
M. Bourrachot, président-assesseur,
M. Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 janvier 2013.
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N° 11LY01702
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