Vu la requête, enregistrée le 21 février 2011 au greffe de la Cour, présentée pour la société à responsabilité limitée (SARL) Océane, dont le siège social est situé 1 chemin des Voyageurs à Ternay (69360), représentée par Me Bruno Walczak, mandataire judiciaire ;
La SARL Océane demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0803559 du 14 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et à la contribution sur l'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre de ses exercices clos en 2002 et 2003, ainsi que des pénalités y afférentes, et des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003, ainsi que des pénalités dont ils ont été assortis ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et à la contribution sur l'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre années 2002 et 2003, ainsi que des pénalités y afférentes ;
3°) de prononcer la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003, ainsi que des pénalités dont ils ont été assortis ;
4°) de condamner l'Etat à lui rembourser les frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, pour le montant qu'elle précisera en cours d'instance ;
Elle soutient que :
- le rejet de sa comptabilité n'est pas fondé ; cette comptabilité est régulière en la forme ; ses recettes provenant des locations de salles ont été facturées et comptabilisées ; le défaut de justification de ses recettes provenant des locations de salles et de la restauration rapide porte sur des recettes qui ont été comptabilisées et qui ne font pas l'objet de la reconstitution de recettes ; le grief principal qui lui est fait est téléologique car c'est le résultat de la reconstitution qui justifie le recours à la reconstitution ;
- les redressements effectués ne sont pas fondés ; la méthode de reconstitution des recettes utilisée est vouée à produire des écarts ; l'administration confond abusivement les achats consommés et les achats revendus car elle n'a pas tenu compte des marchandises détruites, perdues, consommées par le personnel, volées et offertes ; il existe des approximations et des imprécisions dans la reconstitution des achats consommés à partir du chiffre d'affaires, car l'administration s'est fondée sur des postulats qui ont été acceptés par le contribuable sans que son consentement ait été éclairé et n'a pas tenu compte des consommations des clients ayant bénéficié d'une entrée gratuite et des soirées " open bar " durant lesquelles le billet d'entrée donne droit à des consommations d'alcool illimitées ; il existe des approximations et des imprécisions dans l'état des discordances quantitatives relevées, car l'administration n'a pas déduit les marchandises détruites, perdues, consommées par le personnel, volées et offertes des écarts sur lesquels sont calculés ses redressements et a commis des erreurs de signes et des inversions ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 septembre 2011, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat ; il conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
- le montant des droits et pénalités demeurant en litige s'élève respectivement, en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés, à 45 168 euros et 18 067 euros, en ce qui concerne la contribution sur l'impôt sur les sociétés, à 1 356 euros et, en ce qui concerne les droits de taxe sur la valeur ajoutée, à 34 510 euros et 13 804 euros ;
- la requête n'est pas recevable en tant qu'elle porte sur les droits et pénalités afférents aux redressements portant sur les charges non déductibles ;
- le rejet de la comptabilité est fondé ;
- la charge de la preuve incombe à la société requérante conformément aux dispositions de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, car le mandataire judiciaire de la société Océane n'a répondu à la proposition de rectification qui lui a été régulièrement notifiée le 5 décembre 2005, que le 11 mai 2007, soit plus de trente jours après cette notification ;
- la société requérante ne démontre pas que la méthode de reconstitution des recettes employée est viciée ni qu'elle aboutirait à des résultats exagérés ; le vérificateur s'est fondé sur les éléments de la comptabilité de l'entreprise et sur les indications données par le dirigeant de l'entreprise ; l'erreur commise sur la contenance des seules bouteilles d'alcool a été corrigée au stade de la réclamation ; la requérante n'établit pas, qu'ainsi qu'elle le soutient, des approximations et imprécisions dans la reconstitution des achats consommés à partir du chiffre d'affaires auraient été commises ; elle n'établit pas davantage l'existence d'approximations et imprécisions dans l'état des discordances quantitatives relevées, alors que le vérificateur, en retenant le nombre d'offerts résultant des bandes de caisse des bars, a ipso facto accepté un pourcentage d'invendus et d'offerts qui paraissait excessif ; elle ne démontre pas que des erreurs de signes et d'inversion de présentation auraient été effectuées dans la reconstitution de recettes ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 21 octobre 2011, présenté pour la SARL Océane ; elle persiste dans ses précédentes conclusions, par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 janvier 2013 :
- le rapport de Mme Mear, président-assesseur ;
- les conclusions de Mme Jourdan, rapporteur public ;
- et les observations de Me Hitzges, avocat de la SARL Océane ;
1. Considérant que la SARL Océane, qui a exploité une discothèque à l'enseigne " Le Space ", a été déclarée en liquidation judiciaire par un jugement du Tribunal de commerce de Lyon en date du 26 juillet 2005 ; qu'elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de ses exercices clos en 2002 et 2003 en matière d'impôt sur les sociétés et de contribution sur cet impôt et de la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003 en matière de taxe sur la valeur ajoutée, au terme de laquelle sa comptabilité a été rejetée comme étant non probante et les recettes de son activité de discothèque ont été reconstituées ; qu'elle relève appel du jugement n° 0803559 du 14 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant la décharge des cotisations à l'impôt sur les sociétés, de la contribution sur l'impôt sur les sociétés et des droits de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été supplémentairement assujettie à la suite de ce contrôle, ainsi que des pénalités y afférentes ;
Sur les conclusions tendant à la décharge des impositions :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur fin de non-recevoir opposée par le ministre, tirée de l'irrecevabilité partielle des conclusions de la requête :
En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :
2. Considérant que l'administration fiscale a constaté qu'au titre des exercices de la société requérante clos en 2002 et en 2003 les recettes de " location de salles " n'étaient assorties d'aucune pièce justificative et que les ventes de " restauration rapide " avaient été, au titre de ces mêmes exercices, comptabilisées globalement ; que ces seuls motifs étaient de nature à justifier le rejet de la comptabilité de la société requérante ; que la circonstance que l'administration n'a pas procédé à la reconstitution de ces recettes est sans incidence sur l'irrégularité de leur comptabilisation ; qu'au surplus, l'administration fiscale a relevé des discordances inexpliquées entre les achats de bouteilles de bière et les reventes et offerts de ces mêmes bouteilles, de sorte qu'en 2002 le nombre de bouteilles vendues était supérieur de 1 570 unités au nombre des bouteilles achetées corrigé de la variation des stocks et de 1 028 unités en 2003 ; que, dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à contester le rejet de sa comptabilité comme étant irrégulière et non probante ;
En ce qui concerne la reconstitution des recettes :
S'agissant de la charge de la preuve :
3. Considérant, qu'aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 11 du livre des procédures fiscales : " A moins qu'un délai plus long ne soit prévu par le présent livre, le délai accordé aux contribuables pour répondre (...) à toute notification émanant d'un agent de l'administration des impôts est fixé à trente jours à compter de la réception de cette notification. " ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que l'administration fiscale a régulièrement notifié le 5 décembre 2005 au mandataire judiciaire et au gérant de la SARL Océane la proposition de rectification ; que les impositions litigieuses n'ont été contestées par le dépôt d'une réclamation que le 11 mai 2007, soit plus de trente jours après la notification de la proposition de rectification ; que dans ces conditions, la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions incombe à la SARL Océane ;
S'agissant de la reconstitution des recettes :
5. Considérant que pour procéder à la reconstitution des recettes provenant de l'exploitation de la discothèque par la société requérante, l'administration fiscale a procédé à la détermination des quantités de boissons alcoolisées " revendues ", soit des boissons alcoolisées achetées corrigées de la variation des stocks, et a comparé ces quantités avec celles des boissons alcoolisées vendues, soit des boissons figurant dans les entrées et des boissons vendues directement dans les bars de l'établissement ; qu'elle a considéré que les quantités revendues ainsi déterminées excédant les quantités vendues comptabilisées doivent être considérées comme vendues mais non déclarées et a calculé, à partir des tarifs de vente pratiqués par l'entreprise, le chiffre d'affaires ainsi omis ;
6. Considérant qu'en se bornant à faire valoir que la méthode de reconstitution des recettes employée par l'administration fiscale est " singulière, paradoxale et vouée à produire des écarts ", la société requérante n'établit pas que cette méthode, qui repose sur les données propres à l'entreprise, est radicalement viciée ;
7. Considérant, en premier lieu, que la société requérante soutient que l'administration fiscale a confondu les " achats consommés " avec les achats revendus aux motifs que l'administration n'a pas pris en compte les quantités de marchandises détruites, perdues, volées, offertes et consommées par le personnel et n'a pas tenu compte du fait que les indications données par son gérant ne résultaient pas d'un consentement éclairé, qu'elle a organisée des soirées " open bar " et que des boissons étaient offertes avec les entrées gratuites ; que, toutefois, d'une part, il résulte de l'instruction que, pour déterminer le chiffre d'affaires non déclaré par la société requérante, l'administration a déduit des quantités de boissons revendues les quantités de celles déclarées vendues, lesquelles incluent les offerts comptabilisés par l'entreprise dans les caisses de ses trois bars ; que le montant des quantités de boissons offertes dont il a ainsi été tenu compte représente 30,7 % du volume total des boissons comptabilisées dans les caisses des trois bars de l'établissement, soit un montant important, bien supérieur aux usages de la profession ; que la société requérante n'apporte aucun commencement de preuve que le montant des marchandises détruites, perdues, volées, offertes et consommées par le personnel aurait été supérieur à celui retenu par l'administration ; que, d'autre part, si la société requérante fait valoir que l'administration s'est fondée sur les indications de son gérant dont le consentement n'était pas éclairé, elle n'apporte aucune précision ni justification à l'appui de ses dires de nature à établir que les doses et les tarifs retenus par le vérificateur seraient erronés ; qu'elle n'établit davantage ni qu'elle aurait organisé des soirées " open bar " donnant droit à une consommation illimitée ni que les entrées gratuites à sa discothèque s'accompagnaient également d'une consommation gratuite de boissons, contrairement à ce qui aurait été indiqué au vérificateur ;
8. Considérant, en second lieu, que la société requérante fait valoir l'existence " d'approximations et d'imprécisions dans les discordances quantitatives relevées " par le vérificateur entre les achats revendus et les ventes déclarées ; qu'elle conteste le fait qu'au titre de 2002 le vérificateur a considéré que les 112 " boîtes alcool " résultant de la différence entre les boîtes revendues et les boîtes comptabilisées comme vendues devaient être regardées comme des boîtes vendues à l'unité au tarif pratiqué par l'établissement ; que, toutefois, elle n'établit pas que lesdites boîtes auraient été vendues à la coupe et auraient dû ainsi être traitées comme les unités de champagne excédentaires ; qu'elle conteste, par ailleurs, le fait qu'en 2003 les 101 unités de champagne de 0,75 litres excédentaires ont été évaluées pour moitié en " vente bouteille " au prix moyen de 60 euros et pour moitié " en vente coupe " au prix moyen de 12 euros, alors qu'au titre de 2002 le vérificateur a affecté les 112 unités excédentaires de la même boisson aux coupes de champagne offertes avec l'entrée ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que le vérificateur a, dans l'intérêt de la société requérante, pris en compte le fait qu'aucune entrée champagne n'apparaissait en 2002 alors que tel était le cas en 2003 ; qu'en outre, la SARL Océane n'établit pas que l'affectation retenue par le vérificateur au titre de 2003 serait erronée ; qu'elle conteste, enfin, le montant des demi bouteilles d'alcool retenues comme ayant généré un chiffre d'affaires non déclaré en faisant valoir l'existence de variations des écarts entre les différentes caisses qui n'auraient pas fait l'objet de compensations par le vérificateur ; que, toutefois, la société requérante n'apporte aucun commencement de preuve à l'appui de sa contestation sur ce point ; que, par suite, la SARL Océane n'est pas fondée à soutenir l'existence " d'approximations et d'imprécisions " dans la détermination des quantités retenues pour reconstituer son chiffre d'affaires ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL Océane n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SARL Océane une somme, dont elle n'a au demeurant pas précisé le montant, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Océane est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Océane représentée par Me Bruno Walczak, mandataire judiciaire, et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience du 31 janvier 2013, à laquelle siégeaient :
M. Montsec, président de chambre,
Mme Mear, président-assesseur,
Mme Chevalier-Aubert, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 février 2013.
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N° 11LY00569