Vu la requête, enregistrée le 12 juin 2012 au greffe de la Cour, présentée pour M. C... A..., domicilié chez...,;
M. A...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1106404, du 13 mars 2012, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Savoie, du 26 octobre 2011, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel il serait reconduit ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Savoie de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Il soutient que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour est entachée d'une erreur de droit en ce que le préfet de la Savoie a omis de prendre en compte, dans l'examen de sa situation, sa présence en France de 2003 à 2008 ; que l'absence de bénéfice d'un visa de long séjour ne pouvait pas lui être légalement opposée en tant que fondement du refus de délivrance du titre de séjour sollicité ; que cette décision, entachée d'erreur manifeste d'appréciation, viole encore les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la décision l'obligeant à quitter le territoire français, entachée d'exception d'illégalité, méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'enfin, la décision fixant le pays de destination est signée par une autorité incompétente et est illégale par voie d'exception ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 novembre 2012, présenté par le préfet de la Savoie, tendant au rejet de la requête ;
Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par M. A...n'est fondé ;
Vu la décision du 25 avril 2012, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. A...;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989, signée par la France le 26 janvier 1990 ;
Vu l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 février 2013 :
- le rapport de M. Reynoird, premier conseiller ;
- et les conclusions de Mme Jourdan, rapporteur public ;
Sur la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :
1. Considérant, en premier lieu, qu'en se bornant à faire valoir que la décision litigieuse mentionne son entrée en France " le 2 juillet 2008 sous couvert d'un visa de long séjour ", M. A... n'établit pas que le préfet de la Savoie aurait omis de tenir compte, dans le cadre de l'instruction de sa demande de titre de séjour, de sa situation particulière et notamment de ses séjours périodiques en France compris entre 2003 et 2008 en qualité de travailleur saisonnier ; que, dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Savoie s'est abstenu de procéder à un examen complet de sa situation ;
2. Considérant, en deuxième lieu, que l'article L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que ce code s'applique " sous réserve des conventions internationales " ; qu'aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum et qui ne relèvent pas de l'article 1er du présent accord, reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention salarié éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles. (...) " ; qu'aux termes de l'article 9 de ce même accord bilatéral : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour " compétences et talents " sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois " ;
3. Considérant que, le 31 mai 2011, M.A..., ressortissant marocain, a saisi le préfet de la Savoie d'une demande de titre de séjour mention " salarié " en produisant notamment un contrat de travail à durée indéterminée en qualité d'ouvrier agricole et en indiquant être entré en France le 7 août 2010 ; que la circonstance que M. A...ait auparavant bénéficié d'un droit au travail en qualité de " travailleur saisonnier " ne fait pas obstacle à ce que, sollicitant un titre de séjour mention " salarié ", il soit soumis aux conditions fixées par les stipulations précitées de l'article 3 de l'accord franco-marocain ; qu'à cet égard, il ressort des pièces du dossier que, d'une part, M. A...n'était pas muni d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes et que, d'autre part, il n'était pas titulaire d'un visa de long séjour, le titre de séjour en qualité de " travailleur salarié " dont il bénéficiait à la date de la demande de titre de séjour ne pouvant pas légalement se substituer au visa de long séjour exigé par les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain susmentionnée ; que, dès lors, M. A...n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée lui refusant la délivrance d'un titre de séjour mention " salarié " a méconnu ces dernières stipulations ;
4. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) " ;
5. Considérant qu'il appartient à M. A...de faire valoir des motifs exceptionnels ou des considérations humanitaires justifiant que lui soit octroyé un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en se bornant à soutenir qu'il a travaillé en France en qualité de saisonnier agricole entre 2003 et 2009, qu'à la date de sa demande de titre de séjour il était titulaire tant d'un titre de séjour en cette qualité que d'un contrat de travail à durée indéterminée et qu'il apporte une assistance quotidienne à son hôte dans la réalisation des tâches de la vie quotidienne, M. A...ne justifie pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance d'une carte de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la décision contestée n'est pas davantage entachée à cet égard d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction modifiée par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) " ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour par décision du 26 octobre 2011 ; qu'ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, le 26 octobre 2011, il était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;
8. Considérant, en premier lieu, que compte tenu de ce qui a été dit dans le cadre de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour, le moyen tiré, par la voie de l'exception d'illégalité, de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour sur laquelle elle se fonde, doit être écarté ;
9. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
10. Considérant que M.A..., ressortissant marocain né le 20 mars 1983, se prévaut de sa vie privée menée en France se caractérisant notamment par les liens qu'il a tissés avec Mme E..., à laquelle il apporte, comme il a été précédemment dit, une aide matérielle et morale ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que M.A..., célibataire et sans enfant à charge, et dont il ressort des propres déclarations qu'il est entré en France, pour la dernière fois, le 7 août 2010, soit depuis moins de deux ans à la date de la décision attaquée, n'établit ni y avoir tissé des liens privés et familiaux anciens, intenses et stables, ni procurer à Mme E...une assistance quotidienne nécessitée par l'altération de son autonomie, dont la réalité n'est d'ailleurs pas justifiée par les pièces du dossier ; qu'en outre, la circonstance que M. A...ait travaillé en France en qualité d'ouvrier agricole saisonnier de 2003 à 2009, à raison d'une durée de six mois par an, n'est pas susceptible de justifier du caractère continu de son séjour sur le territoire à compter de 2003, alors qu'il produit, par ailleurs, plusieurs visas d'entrée en France ; qu'enfin, le requérant n'établit pas être dépourvu d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à sa récente entrée en France en vue de s'y installer définitivement ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la durée et des conditions d'entrée et de séjour du requérant en France, et eu égard aux effets d'une mesure d'éloignement, la décision contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la décision désignant le pays de destination :
11. Considérant, en premier lieu, que compte tenu de ce qui a été dit dans le cadre de l'examen de la légalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, le moyen tiré, par la voie de l'exception d'illégalité, de ce que la décision désignant le pays de destination est illégale en conséquence de l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire sur lesquelles elle se fonde doit être écarté ;
12. Considérant, en deuxième lieu, que la décision litigieuse a été signée par Mme D...B..., directrice de la réglementation à la préfecture de la Savoie ; que Mme B...bénéficiait de la part du préfet de la Savoie, par arrêté préfectoral du 18 octobre 2011, publié le 19 octobre 2011 au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Savoie, d'une délégation spéciale de signature l'autorisant notamment à signer tous actes, y compris les arrêtés, en matière d'éloignement des étrangers et en particulier les obligations de quitter le territoire français et décisions prises pour leur exécution : que, par suite, Mme B...était compétente pour signer la décision désignant le pays de destination, qui constitue une mesure accessoire à la mesure d'éloignement ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision désignant le pays de destination en litige doit être écarté ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M.A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'injonction et à fin d'application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence :
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Savoie.
Délibéré après l'audience du 14 février 2013, à laquelle siégeaient :
M. Montsec, président,
Mme Mear, président assesseur,
M. Reynoird, premier conseiller.
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N° 12LY01469