Vu la requête, enregistrée le 9 juillet 2012, présentée pour Mlle A...B...domiciliée ... ;
Mlle B...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1003139 du 3 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 12 février 2010 par laquelle le proviseur du collège Claude Bernard de Villefranche-sur-Saône lui a infligé une sanction disciplinaire d'exclusion de trois jours, ensemble la décision du 16 mars 2010 confirmant ladite sanction ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- la décision en litige est entachée d'un défaut de motivation au titre de la loi du 11 juillet 1979, dès lors qu'il s'agit d'une motivation succincte et ne correspondant pas à la situation vécue ;
- la décision méconnaît son droit à l'éducation, reconnu par les stipulations de l'article 29 de la convention relative aux droits de l'enfant et par les dispositions de l'article L. 111-1 du code de l'éducation, ainsi que sa liberté d'expression, reconnue par l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et par les stipulations de l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, dans les établissements scolaires, par les dispositions de l'article L. 511-2 du code de l'éducation, dès lors que le port du " tee-shirt " " Palestine libre ", lors du cours d'histoire-géographie du vendredi après-midi du 29 janvier 2010, ne méconnaissait pas les limites de sa liberté d'expression et d'opinion, cette mention ne renvoyant pas à une opinion politique mais à l'état du droit et le port de ce " tee-shirt " ayant été toléré par le passé et notamment lors des cours du matin du même jour ;
- sa sortie de la classe et de l'établissement n'est intervenue qu'en raison du choc émotionnel dans lequel elle se trouvait au moment des faits, sans volonté de quitter un cours, une telle faute n'étant au demeurant sanctionnée que par quelques heures de retenue ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 6 mars 2013, présenté par le ministre de l'éducation nationale, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
- la décision en litige est motivée en fait et en droit ;
- au regard des perturbations des activités d'enseignement entraînées par l'attitude provocatrice de MlleB..., celle-ci a excédé les limites du droit d'exprimer et de manifester ses opinions et a méconnu l'obligation de neutralité qui s'impose aux élèves et, dès lors, la décision n'a méconnu ni l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni l'article L. 511-1 du code de l'éducation ;
- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 29 de la convention relative aux droits de l'enfant, qui est relatif à une obligation pour les Etats parties d'organiser une éducation à la citoyenneté, est dépourvu de toute précision permettant au juge administratif d'en apprécier le bien-fondé ;
Vu l'ordonnance en date du 6 mars 2013, par laquelle le président de la 6ème chambre de la Cour a prononcé la clôture de l'instruction au 29 mars 2013 ;
Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) du 4 avril 2013 refusant d'admettre Mlle B...au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son préambule ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 2010 ;
Vu la convention européenne relative à l'exercice des droits de l'enfant du 25 janvier 1996 ;
Vu le code de l'éducation ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 avril 2013 :
- le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;
- et les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;
1. Considérant que MlleB..., née le 18 mai 1993, alors élève en classe de 3ème au collège Claude Bernard à Villefranche-sur-Saône, qui portait, le 29 janvier 2010, lors du cours d'histoire-géographie, un " tee-shirt " portant la mention " Palestine libre " apposée sur un drapeau de l'autorité palestinienne, a refusé de déférer à la demande de l'enseignant, invoquant le respect du règlement intérieur, de fermer son blouson afin de masquer ce vêtement ; qu'elle a rangé ses affaires et, alors que l'enseignant lui avait demandé de regagner sa place, a quitté la classe, puis le collège ; que, par une décision du 12 février 2010, le proviseur du collège Claude Bernard lui a infligé la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de l'établissement pour une durée de trois jours, au motif d'un " acte de prosélytisme et départ d'un cours sans autorisation avec refus d'obéissance " ; que sur recours gracieux, formé le 19 février 2010, ledit proviseur a, par une décision du 16 mars 2010, confirmé la sanction, aux motifs du " non respect de la neutralité politique ", d'un " départ d'un cours sans autorisation avec refus d'obéissance " et d'un " départ du collège sans autorisation " ; que Mlle B... fait appel du jugement du 3 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande, présentée par elle-même et sa mère, devant être regardée comme tendant à l'annulation de la décision du 12 février 2010 par laquelle le proviseur du collège Claude Bernard de Villefranche-sur-Saône lui a infligé une sanction disciplinaire d'exclusion de trois jours, ensemble la décision du 16 mars 2010 confirmant ladite sanction ;
2. Considérant que le moyen, déjà soulevé en première instance, tiré de ce que la décision en litige est insuffisamment motivée et méconnaît ainsi les dispositions de la loi du 11 juillet 1979 susvisée doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux retenus par les premiers juges et qu'il y a lieu, pour la Cour, d'adopter, nonobstant la circonstance que la motivation de la décision prise sur recours gracieux est différente de celle de la décision initiale ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 511-13 du code de l'éducation, dans sa rédaction applicable à la date des décisions en litige : " Dans les lycées et collèges relevant du ministre chargé de l'éducation, les sanctions qui peuvent être prononcées à l'encontre des élèves sont les suivantes : 1° L'avertissement ; 2° Le blâme ; 3° L'exclusion temporaire, qui ne peut excéder un mois, de l'établissement ou de l'un de ses services annexes ; 4° L'exclusion définitive de l'établissement ou de l'un de ses services annexes. /Les sanctions peuvent être assorties d'un sursis total ou partiel. /Toute sanction, hormis l'exclusion définitive, est effacée du dossier administratif de l'élève au bout d'un an. /Le règlement intérieur reproduit l'échelle des sanctions. En outre, il peut prévoir des mesures de prévention, d'accompagnement et de réparation. " ; qu'aux termes de l'article R. 511-14 du même code : " Dans les lycées et collèges relevant du ministre chargé de l'éducation, le chef d'établissement peut prononcer seul les sanctions mentionnées du deuxième (1°) au quatrième (3°) alinéa de l'article R. 511-13, sous réserve que la durée de l'exclusion n'excède pas huit jours. " ;
4. Considérant que la sanction disciplinaire infligée à Mlle B..., en conséquence de laquelle l'intéressée n'a pas été admise en cours durant les journées des 2, 3 et 4 mars 2010, en raison de son comportement, caractérisé notamment par une sortie sans autorisation de la classe et de l'établissement, n'a pas porté atteinte à son droit à l'éducation, reconnu par les stipulations de l'article 29 de la convention relative aux droits de l'enfant, qui au demeurant ne produisent pas d'effet direct à l'égard des particuliers, et par les dispositions de l'article L. 111-1 du code de l'éducation ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n'empêche pas les Etats de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d'autorisations. / 2. L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire. " ; qu'aux termes de l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 : " Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi. " ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'éducation : " Les obligations des élèves consistent dans l'accomplissement des tâches inhérentes à leurs études ; elles incluent l'assiduité et le respect des règles de fonctionnement et de la vie collective des établissements. " ; que l'article L. 511-2 du même code dispose que : " Dans les collèges et les lycées, les élèves disposent, dans le respect du pluralisme et du principe de neutralité, de la liberté d'information et de la liberté d'expression. L'exercice de ces libertés ne peut porter atteinte aux activités d'enseignement. " ; qu'aux termes de l'article R. 511-6 de ce code : " Le chef d'établissement et le conseil d'administration veillent, en collaboration avec le conseil des délégués pour la vie lycéenne, à ce que la liberté d'expression dont les élèves disposent individuellement et collectivement s'exerce dans les conditions définies par l'article L. 511-2. " ; que l'article R. 511-1 dispose que : " Les modalités d'exercice des libertés d'information, d'expression et de réunion dont disposent les élèves des établissements publics locaux d'enseignement, des établissements d'Etat d'enseignement du second degré relevant du ministre chargé de l'éducation et des établissements d'enseignement du second degré relevant des communes ou des départements, ainsi que les obligations qui leur sont applicables, sont déterminées par le règlement intérieur de l'établissement.(...) " ; que le règlement intérieur de l'établissement, après avoir rappelé que " la finalité éducative ne peut s'accomplir que dans le respect de la laïcité, dans le respect de la neutralité politique, idéologique et religieuse, dans le refus de tout prosélytisme et de toute propagande (...) ", prévoit que " sont interdits aussi les attitudes provocatrices, les manquements aux obligations d'assiduité et de sécurité, les comportements susceptibles de constituer des pression sur d'autres élèves, de perturber le déroulement des activités d'enseignement ou de contrôler l'ordre dans l'établissement " ;
7. Considérant qu'il résulte, notamment, des dispositions précitées de l'article L. 511-2 du code de l'éducation que, dans les collèges, la liberté d'expression dont les élèves disposent, ne peut s'exercer que dans le respect du pluralisme et du principe de neutralité ; qu'en l'espèce, il ressort des pièces du dossier et des écritures mêmes de la requérante qu'elle avait décidé de porter un vêtement portant la mention " Palestine Libre ", durant le cours d'histoire-géographie, afin d'exprimer son désaccord avec la présentation par l'enseignant de cette matière, lors d'un cours dispensé quelques jours plus tôt, sur la guerre du Kippour entre Israël et les pays arabes en 1973 ; que, dès lors, compte tenu des conditions dans lesquelles Mlle B...a porté ce vêtement, en méconnaissance du principe de neutralité, le comportement de l'intéressée a excédé les limites de la liberté d'expression reconnue par les dispositions qu'elle invoque ; que son comportement, marqué tant par le port d'une telle tenue, destinée à exprimer son désaccord avec les propos d'un enseignant, que par son refus de demeurer en classe, contrairement à l'injonction de l'enseignant, puis au sein du collège, qui portait atteinte aux activités d'enseignement, était de nature à justifier la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de trois jours du collège qui lui a été infligée, qui n'est pas manifestement disproportionnée ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mlle B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle A...B...et au ministre de l'éducation nationale.
Délibéré après l'audience du 11 avril 2013 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
M. Poitreau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 mai 2013.
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N° 12LY01830