Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 30 juillet 2012, présentée pour M. D... B... et Mme A...C..., épouseB..., domiciliés à la Croix Rouge, 1, quai des Clarisses à Annecy (74000) ;
M. et Mme B...demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement nos 1201947-1201954 du 29 juin 2012 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés en date du 1er mars 2012 par lesquels le préfet de la Haute-Savoie a refusé de les admettre au séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir lesdits arrêtés ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que les arrêtés attaqués violent l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que les arrêtés attaqués violent également les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'ils sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu l'ordonnance en date du 20 novembre 2012 fixant la clôture d'instruction au 26 décembre 2012, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu la mise en demeure adressée le 20 novembre 2012 au préfet de la Haute-Savoie, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;
Vu l'ordonnance du 2 septembre 2013 par laquelle l'instruction a été rouverte ;
Vu la lettre du 2 septembre 2013 adressée aux parties en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire enregistré le 5 septembre 2013, présenté pour Mme B...; elle conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français compte tenu de la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour d'une durée de six mois en qualité d'étranger malade ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-467 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Sur sa proposition, le rapporteur public a été dispensé de prononcer des conclusions à l'audience en application de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative par le président de la formation de jugement ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 septembre 2013 le rapport de M. Bourrachot, président ;
1. Considérant que M. et MmeB..., ressortissants kosovars nés respectivement en 1976 et 1980, sont entrés irrégulièrement sur le territoire national le 23 octobre 2010 avec leurs trois enfants nés en 2003, 2006 et 2009 ; que les demandes d'asile qu'ils ont déposées ont été rejetées par des décisions en date du 28 mars 2011 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides confirmées par des décisions en date du 2 février 2012 de la Cour nationale du droit d'asile ; que, par arrêtés en date du 1er mars 2012, le préfet de la Haute-Savoie a refusé de les admettre au séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ; qu'ils relèvent appel du jugement du 29 juin 2012 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés ;
Sur l'obligation faite à Mme B...de quitter le territoire français à destination du Kosovo :
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, postérieurement à l'introduction de la requête, Mme B...a été mise en possession d'un récépissé valable six mois suite à une demande de titre de séjour qu'elle a présentée en qualité d'étranger malade ; que ce document a implicitement mais nécessairement abrogé les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ; que les conclusions de la requête tendant à l'annulation de ces deux décisions sont par suite devenues sans objet ;
Sur les refus de séjour :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue à l'article L. 313-11 est délivrée de plein droit à l'étranger qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire en application de l'article L. 712-1 du présent code, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. (...) La carte délivrée au titre du présent article donne droit à l'exercice d'une activité professionnelle. " ; qu'aux termes de l'article L. 314-11 du même code : " Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : (...) 8° A l'étranger qui a obtenu le statut de réfugié en application du livre VII du présent code ainsi qu'à son conjoint et à ses enfants dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3 lorsque le mariage est antérieur à la date de cette obtention ou, à défaut, lorsqu'il a été célébré depuis au moins un an, sous réserve d'une communauté de vie effective entre les époux ainsi qu'à ses ascendants directs au premier degré si l'étranger qui a obtenu le statut de réfugié est un mineur non accompagné (...) " ;
4. Considérant, d'une part, que lorsque le préfet refuse la délivrance d'un titre de séjour à un étranger auquel la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire ont été refusés, cette décision doit être regardée comme prise en réponse à une demande d'admission au séjour en qualité de demandeur d'asile, la reconnaissance du statut de réfugié impliquant la délivrance immédiate d'une carte de résident et le bénéfice de la protection subsidiaire celui d'une carte de séjour temporaire ;
5. Considérant, d'autre part, que le préfet ne pouvant délivrer à un étranger un titre de séjour fondé sur la reconnaissance d'une qualité dont ce dernier ne peut justifier, il ne peut que rejeter une demande présentée en ce sens ;
6. Considérant qu'il est constant que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté les demandes d'asile de M. et Mme B...par décisions en date du 28 mars 2011 ; que ces décisions sont devenues définitives après que la Cour nationale du droit d'asile eut rejeté leurs recours le 2 février 2012 ; que, dès lors, le préfet de la Haute-Savoie ne pouvait que rejeter les demandes d'admission au séjour en qualité de demandeur d'asile de M. et Mme B...; que, par suite, les moyens tirés de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, en tout état de cause, des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers sont inopérants ;
7. Considérant, il est vrai, que les décisions litigieuses emportent, subsidiairement, refus de délivrance d'un titre de séjour de régularisation ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ; (...) " ;
9. Considérant que M. et Mme B...soutiennent que la perte de leur deuxième enfant, décédé en France à l'âge de cinq ans, a profondément affecté la famille, que la requérante a déposé une demande de titre de séjour sur le fondement de la santé en raison de la dépression dont elle souffre à la suite de ce décès, qu'ils justifient d'une parfaite intégration, laquelle est facilitée par les qualifications de M. B...en matière de plomberie, et qu'ils ont vendu tous leurs biens au Kosovo pour s'établir durablement en France ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que les requérants résident en France, dans une situation de précarité, depuis seulement un an et quatre mois à la date des décisions attaquées, qu'ils ont vécu la majeure partie de leur vie dans leur pays devenu le Kosovo, qu'ils ne sont pas dépourvus de tous liens familiaux dans ce pays où vivent les parents et des frères et soeurs de chacun d'eux, et qu'ils n'établissent pas que la cellule familiale ne pourrait se reconstituer sans risque au Kosovo ; que, dans les circonstances de l'espèce, eu égard à la durée et aux conditions de leur séjour en France, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les arrêtés en litige auraient méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, qui ne constituaient d'ailleurs pas le fondement de leurs demandes de titre de séjour ; qu'à défaut de tout autre élément avancé par les requérants, ils ne sont pas davantage entachés d'erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur leurs situations personnelles ;
10. Considérant que les requérants ne peuvent utilement invoquer les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre d'une décision de refus de séjour, dès lors qu'une telle décision n'a ni pour objet ni pour effet de fixer le pays de destination où l'intéressé devrait être reconduit ;
Sur l'obligation faite à M. B...de quitter le territoire français :
11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) " ;
12. Considérant que la décision attaquée refusant le séjour à M.B..., il se trouvait dans le cas prévu par les dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
13. Considérant qu'un étranger ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en application des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lorsque la loi prescrit qu'il doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour ;
14. Considérant que si le requérant peut être regardé comme soutenant qu'il se trouvait dans le cas prévu par les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ressort des pièces du dossier que tel n'est pas le cas pour les motifs indiqués ci-dessus ;
15. Considérant que pour les motifs indiqués ci-dessus, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté en litige aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'à défaut de tout autre élément avancé par le requérant, la décision attaquée n'est davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
16. Considérant que M. B...ne peut pas utilement invoquer les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre d'une obligation de quitter le territoire français, dès lors qu'une telle décision n'a ni pour objet ni pour effet de fixer le pays de destination où l'intéressé devrait être reconduit ;
Sur la décision fixant le pays de destination de M. B...:
17. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;
18. Considérant que si M. B...soutient qu'il est menacé au Kosovo par des personnes à qui il a emprunté de l'argent pour financer les soins rendus nécessaires par l'état de santé de leur deuxième enfant, M.B..., dont la demande d'asile a d'ailleurs été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile, n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité et l'actualité de ces menaces ; qu'ainsi, il n'est pas fondé à soutenir que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ; qu'à défaut de tout autre élément avancé par le requérant, la décision attaquée n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
19. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus de leurs demandes ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à leurs conclusions tendant au remboursement des frais d'instance non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête dirigées contre l'obligation qui a été faite à Mme B...de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination de cette dernière en cas de reconduite forcée.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme B...est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...B..., à Mme A...C..., épouseB..., et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2013 à laquelle siégeaient :
M. Chanel, président de chambre,
M. Bourrachot, président-assesseur,
M. Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 septembre 2013.
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N° 12LY02027