Vu la requête, enregistrée le 1er février 2013, présentée pour la société C.DIS, dont le siège est au 1 rue de la Vénétie à Annecy-le-Vieux (74940) ;
La société C.DIS demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1001206 du tribunal administratif de Grenoble
du 29 novembre 2012 qui a rejeté sa demande tendant à la restitution de la participation pour voirie et réseaux d'un montant de 430 513 euros qu'elle a versée à la commune de Cruseilles (Haute-Savoie) ;
2°) de condamner cette commune à lui verser :
. ladite somme de 430 513 euros, outre intérêts ;
. une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La société C.DIS soutient que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité ; qu'en effet, la motivation de ce jugement est insuffisante, le tribunal n'ayant pas répondu au moyen tiré de ce que les travaux pour lesquels la participation a été demandée n'étaient pas nécessaires à l'implantation du supermarché au sens de l'article L. 332-11-1 du code de l'urbanisme ; que, contrairement à ce que le tribunal a estimé, cet article n'est pas applicable dans l'hypothèse de l'implantation d'une seule construction ; que le tribunal a commis une erreur de droit en estimant qu'elle ne peut utilement invoquer la circulaire du 5 février 2004 relative aux modalités de mise en oeuvre de la participation pour voiries et réseaux ; qu'en tout état de cause, cette circulaire ne fait que reprendre les dispositions de l'article L. 332-11-1 du code de l'urbanisme ; que ces dispositions ne permettent d'exclure certains terrains que si ceux-ci sont déjà desservis par les réseaux d'eau et d'électricité et que les travaux portent exclusivement sur ces réseaux ; que les travaux qui ont été réalisés n'ont pas exclusivement porté sur les réseaux d'eau et d'électricité ; que, par suite, la délibération du 9 février 2005 ne pouvait exclure deux parcelles au motif que les travaux ne sont pas nécessaires à leur aménagement ; que le calcul de la participation est dès lors erroné ; que les travaux d'aménagement qui ont été réalisés ont excédé ce qui était nécessaire à l'implantation du supermarché ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 19 mars 2013, présenté pour la commune de Cruseilles, représentée par son maire, qui demande à la cour :
- de rejeter la requête ;
- de condamner la société C.DIS à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La commune de Cruseilles soutient que la société C.DIS n'a pas contesté dans le délai de deux mois qu'impose l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales le titre exécutoire qui a été émis à son encontre le 11 janvier 2006 ; que l'action en répétition prévue par l'article L. 332-30 du code de l'urbanisme n'est pas invocable en l'espèce ; que, par suite, la société requérante n'est pas recevable à demander la restitution de la somme de 430 513 euros ; que, subsidiairement, le jugement attaqué est suffisamment motivé, dès lors que le tribunal a répondu à tous les moyens invoqués par la société C.DIS ; que l'article L. 332-11-1 du code de l'urbanisme ne prévoit pas que la participation pour voirie et réseaux ne peut être mise en oeuvre dans l'hypothèse de l'implantation d'une seule construction ; qu'en tout état de cause, l'importance du supermarché justifie l'instauration d'un telle participation ; que les aménagements réalisés entrent dans le champ d'application de l'article L. 332-11-1 du code de l'urbanisme ; que l'article L. 332-8 du même code relatif à la réalisation d'équipements publics exceptionnels n'est pas applicable en l'espèce ; que les deux parcelles ne bénéficiant pas du nouvel aménagement ont pu être légalement exclues de la participation ; que tous les travaux qui ont été réalisés sont utiles et nécessaires à l'implantation du supermarché ;
En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du 17 avril 20136, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 mai 2013 ;
En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du 6 mai 2013, la clôture de l'instruction a été reportée au 23 mai 2013 ;
Vu le mémoire, enregistré le 16 mai 2013, présenté pour la société C.DIS, tendant aux mêmes fins que précédemment ;
La société requérante soutient, en outre, que l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales ne fait pas obstacle à la recevabilité de sa demande ;
En application de l'article R. 613-4 du code de justice administrative, par une ordonnance du 30 mai 2013, l'instruction a été rouverte ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 septembre 2013 :
- le rapport de M. Chenevey, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;
- et les observations de Me A...représentant Me Gonnet, avocat de la commune de Cruseilles ;
1. Considérant que, par une délibération du 11 février 2004, le conseil municipal de la commune de Cruseilles a institué la participation pour voirie et réseaux prévue par l'article
L. 332-11-1 du code de l'urbanisme ; que, par une délibération du 9 février 2005, le conseil municipal a de nouveau délibéré pour préciser le détail de la participation pour le secteur particulier du carrefour entre la route nationale 201 et la voie communale du Noiret, dans la perspective de l'implantation dans ce secteur d'un supermarché ; que la société C.DIS a été autorisée à édifier ce supermarché par un permis de construire du 8 décembre 2005, lequel mentionne que le propriétaire du terrain est assujetti à une participation pour voirie et réseaux d'un montant de 477 595,20 euros ; qu'un titre exécutoire a été émis le 11 janvier 2006 à l'encontre de la société C.DIS pour avoir paiement de cette somme ; que, toutefois, le coût des travaux réalisés étant inférieur au coût initialement prévu, la commune de Cruseilles a par la suite remboursé à cette société une somme de 47 082,20 euros ; que la société C.DIS, qui estime avoir été assujettie à une participation irrégulière, a demandé à la commune, par un courrier du 11 décembre 2007, de lui rembourser la somme restant à sa charge, qui s'établit au montant de 430 513 euros ; qu'en l'absence de toute réponse de la commune de Cruseilles, la société a saisi le tribunal administratif de Grenoble pour lui demander de condamner cette commune à lui restituer cette somme, outre intérêts ; que, par un jugement du 29 novembre 2012, le tribunal a rejeté cette demande ; que la société C.DIS relève appel de ce jugement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que, contrairement à ce que soutient la société C.DIS, le tribunal administratif de Grenoble a répondu au moyen tiré de ce que les travaux pour lesquels la participation a été demandée ne sont pas nécessaires à l'implantation du supermarché, en indiquant que : " la participation contestée a financé l'aménagement du carrefour de la RN 201 et de la route du Noiret dans le but de le sécuriser ; que si la requérante affirme qu'elle en a financé sa presque totalité alors que les travaux n'étaient pas utiles elle n'apporte aucun élément probant tendant à démontrer cette affirmation, notamment en ce qui concerne la fréquentation accrue de ce carrefour induite par ses clients et son impact sur le carrefour en termes de sécurité avant et après travaux ; qu'elle n'établit pas davantage, par les pièces produites que le montant des travaux serait anormalement élevé en comparaison d'aménagements similaires par leur consistance et leur importance ; que si le terrain était desservi par des réseaux d'eau potable, d'électricité et d'assainissement, il n'est pas établi que ces réseaux étaient suffisants et adaptés à la création de 3027 m² de SHON ; que la requérante n'a pris directement en charge que les branchements aux réseaux publics ainsi que la réalisation d'une voie reliant la nouvelle construction à la route nationale ; que le moyen tiré de l'inutilité des travaux réalisés par la commune doit en conséquence être écarté " ; que le jugement attaqué n'est dès lors entaché d'aucune irrégularité ;
Sur la demande de restitution :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 332-11-1 du code de l'urbanisme : " Le conseil municipal peut instituer une participation pour voirie et réseaux en vue de financer en tout ou en partie la construction des voies nouvelles ou l'aménagement des voies existantes ainsi que l'établissement ou l'adaptation des réseaux qui leur sont associés, lorsque ces travaux sont réalisés pour permettre l'implantation de nouvelles constructions. / Pour chaque voie, le conseil municipal précise les études, les acquisitions foncières et les travaux à prendre en compte pour le calcul de la participation, compte tenu de l'équipement de la voie prévu à terme. Peuvent être financés les études, les acquisitions foncières et les travaux relatifs à la voirie ainsi que les réseaux d'eau potable, d'électricité et d'assainissement. Les études, les acquisitions foncières et les travaux relatifs à la voirie comprennent l'éclairage public, le dispositif d'écoulement des eaux pluviales et les éléments nécessaires au passage des réseaux souterrains de communication. / Seuls les études, les acquisitions foncières et les travaux à réaliser, définis par le conseil municipal, sont mis à la charge des propriétaires. Lorsqu'une voie préexiste, si aucun aménagement supplémentaire de la voie n'est prévu par le conseil municipal, ces travaux peuvent ne concerner que les réseaux. (...) / Le conseil municipal arrête la part du coût mise à la charge des propriétaires riverains. Cette part est répartie entre les propriétaires au prorata de la superficie des terrains bénéficiant de cette desserte et situés à moins de quatre-vingts mètres de la voie. Le conseil municipal peut, en fonction des circonstances locales, modifier la distance de quatre-vingts mètres sans que celle qu'il fixe puisse être supérieure à cent mètres ni inférieure à soixante mètres. Le conseil municipal peut également exclure les terrains qui ne peuvent supporter de constructions du fait de contraintes physiques et les terrains non constructibles du fait de prescriptions ou de servitudes administratives dont l'édiction ne relève pas de la compétence de la commune ou de l'établissement public de coopération intercommunale. Lorsque, en application de l'alinéa précédent, le conseil municipal n'a prévu aucun aménagement supplémentaire de la voie et que les travaux portent exclusivement sur les réseaux d'eau et d'électricité, la commune peut également exclure les terrains déjà desservis par ces réseaux. / (...) " ;
4. Considérant, en premier lieu, que la société C.DIS fait valoir que l'article
L. 332-11-1 précité du code de l'urbanisme, qui prévoit que la participation pour voirie et réseaux peut être instituée quand les travaux d'aménagement prévus vont permettre l'implantation " de nouvelles constructions ", n'est pas applicable dans l'hypothèse dans laquelle l'aménagement envisagé ne vise qu'à l'implantation d'une seule construction ; que ce moyen manque toutefois en fait, l'aménagement du carrefour entre la route nationale 201 et la voie communale du Noiret, réalisé dans la perspective de l'implantation d'un supermarché, permettant également de desservir un autre terrain que le terrain d'assiette du projet de supermarché, en l'occurrence la parcelle cadastrée 15, dont la superficie a dès lors été prise en compte pour le calcul du montant de la participation ; qu'en outre, en tout état de cause, en dépit de la lettre de l'article L. 332-11-1, il ne résulte d'aucun élément que la participation pour voirie et réseaux ne pourrait pas être légalement instituée dans l'hypothèse dans laquelle l'aménagement d'une voie existante vise à permettre l'implantation d'une seule nouvelle construction ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'il n'est pas contesté que des constructions pouvaient être implantées sur les parcelles cadastrées 2034 et 2035 avant même la réalisation des travaux d'aménagement du carrefour entre la route nationale 201 et la voie communale du Noiret, pour le financement desquels la participation pour voirie et réseaux a été instituée ; que, par suite, ces parcelles ne peuvent être regardées comme bénéficiant de la desserte au sens de l'article L. 332-11-1 précité du code de l'urbanisme ; que, dès lors, elles n'avaient pas à être prises en compte pour le calcul du montant de la participation, sans qu'il soit besoin de savoir si les dispositions du 4ème alinéa précité de cet article, fixant les conditions dans lesquelles le conseil municipal peut exclure des terrains bénéficiant de la desserte, sont effectivement remplies en l'espèce ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la société C.DIS, le calcul du montant de la participation n'est pas erroné ;
6. Considérant, en dernier lieu que la société C.DIS fait valoir que les travaux d'aménagement qui ont été réalisés ont excédé ce qui était nécessaire à l'implantation du supermarché et qu'il n'était pas nécessaire, pour la sécurité des usagers des voies publiques, de procéder à un aménagement complet du carrefour entre la route nationale 201 et la voie communale du Noiret ; que, toutefois, alors que le supermarché va entraîner une modification substantielle des conditions de circulation et que l'accès à ce dernier se situe sur une route nationale, la société requérante ne produit aucun élément suffisant de justification pour démontrer que le carrefour aurait pu faire l'objet d'un aménagement plus limité, permettant néanmoins de garantir la sécurité des automobilistes, des piétons et des cyclistes ; qu'il n'est également pas établi que les travaux d'aménagement se seraient étendus au-delà du carrefour, s'agissant notamment des travaux de réfection des voies ; qu'ainsi, contrairement à ce qui est soutenu, il ne résulte pas de l'instruction que les caractéristiques des travaux d'aménagement dont la commune de Cruseilles a décidé la réalisation excèderaient les besoins des constructions rendues possibles par la nouvelle desserte ;
7. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par la commune de Cruseilles, la société C.DIS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Cruseilles, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, soit condamnée à payer à la société C.DIS la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de cette société le versement d'une somme de 1 500 euros au bénéfice de cette commune sur le fondement de ces mêmes dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société C.DIS est rejetée.
Article 2 : La société C.DIS versera à la commune de Cruseilles une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société C.DIS et à la commune de Cruseilles.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2013, à laquelle siégeaient :
M. Riquin, président,
M. Picard, président-assesseur,
M. Chenevey, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er octobre 2013.
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N° 13LY00261
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