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07/11/2013 | FRANCE | N°13LY00950

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 07 novembre 2013, 13LY00950


Vu la décision n° 352536 du 27 mars 2013, enregistrée au greffe de la Cour les 2 et 25 avril 2013 sous les nos 13LY00950 et 13LY01043, par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé les articles 1er et 2 de l'arrêt de la Cour n°s 10LY01092-10LY01193 du 7 juillet 2011 en tant qu'il statue sur les conséquences de la faute commise par le centre hospitalier de Sens ;

Vu l'arrêt nos 10LY01092-10LY01193 du 7 juillet 2011 par lequel la Cour, a :

- annulé le jugement n° 0701150 du 18 mars 2010 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a condamné le centre

hospitalier de Sens à verser la somme de 48 000 euros à Mme A... en r...

Vu la décision n° 352536 du 27 mars 2013, enregistrée au greffe de la Cour les 2 et 25 avril 2013 sous les nos 13LY00950 et 13LY01043, par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé les articles 1er et 2 de l'arrêt de la Cour n°s 10LY01092-10LY01193 du 7 juillet 2011 en tant qu'il statue sur les conséquences de la faute commise par le centre hospitalier de Sens ;

Vu l'arrêt nos 10LY01092-10LY01193 du 7 juillet 2011 par lequel la Cour, a :

- annulé le jugement n° 0701150 du 18 mars 2010 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a condamné le centre hospitalier de Sens à verser la somme de 48 000 euros à Mme A... en réparation des préjudices qu'elle a subis à la suite de son accouchement et à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Yonne la somme de 3 325,83 euros ;

- rejeté la requête et la demande de Mme A... ;

- mis à la charge du centre hospitalier de Sens les frais d'expertise ;

Vu, sous le n° 10LY01092, la requête enregistrée le 11 mai 2010, présentée pour Mme B...A...domiciliée... ;

Mme A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Dijon n° 0701150 du 18 mars 2010 en tant qu'il a fait une évaluation insuffisante de ses préjudices résultant de la faute commise par le centre hospitalier de Sens ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Sens à lui verser la somme de 1 000 000 euros ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Sens une somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient qu'elle subit une gêne importante et ne peut avoir une vie normale ; que la COTOREP lui a reconnu un taux d'invalidité de 80 % ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 8 décembre 2010, présenté pour Mme A... tendant aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Elle soutient, en outre, que l'expert relève que les lésions rectale et sphinctérienne ont été provoquées lors de l'accouchement et étaient plus importantes que ne le pensait l'obstétricien ; que cela est constitutif d'une faute ; qu'à défaut d'être suturées, les lésions ont provoqué une fistule ; que la déficience périnéale est à rattacher à l'apparition de la fistule ; qu'elle ne peut plus envisager de travailler ; qu'elle a subi des douleurs jusqu'au 29 août 2000 ; que le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel sont importants ; qu'elle est atteinte d'un déficit fonctionnel permanent de 25 % ;

Vu les mises en demeure adressées le 3 février 2011 au centre hospitalier de Sens et à la CPAM de l'Yonne, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et les avis de réception de ces mises en demeure ;

Vu le mémoire, enregistré le 4 mars 2011, présenté pour le centre hospitalier de Sens qui conclut au rejet de la requête en conséquence de l'annulation du jugement attaqué résultant de sa requête n° 10LY01193 ;

Vu, sous le n° 10LY01193, la requête enregistrée le 18 mai 2010, présentée pour le centre hospitalier de Sens ;

Le centre hospitalier de Sens demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701150 du 18 mars 2010 par lequel le Tribunal administratif de Dijon l'a condamné à verser à Mme A...la somme de 48 000 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Yonne la somme de 3 325,83 euros ainsi qu'une somme de 926 euros au titre de l'indemnité forfaitaire ;

2°) de rejeter la demande de Mme A...et les conclusions de la CPAM de l'Yonne devant le tribunal administratif ;

Il soutient que le jugement est insuffisamment motivé ; que c'est à tort que le Tribunal a retenu une faute du centre hospitalier ainsi que l'existence d'un lien de causalité entre l'accouchement et l'incontinence dont Mme A...reste atteinte ; que l'évaluation des préjudices est excessive ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires, enregistrés le 19 juillet 2010 et le 4 mars 2011, présentés pour le centre hospitalier de Sens, tendant aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Il soutient en outre que le raisonnement de l'expert est fondé sur la connaissance rétrospective du dossier ; que les données cliniques au moment de l'accouchement ne permettaient pas de penser que Mme A...avait été victime de lésions périnéales ; que l'hypothèse d'une blessure du rectum lors de la suture de l'épisiotomie est peu crédible car la fistule est située à plus de 10 cm du sphincter anal ; que le lien entre la fistule et l'incontinence n'est pas établi ; que celle-ci s'explique par l'évolutivité d'une déficience du plancher pelvien qui est indépendante de l'accouchement ; que c'est à tort que le tribunal a indemnisé une incapacité permanente de 25 %, alors que l'expert estime à 13 % le taux imputable à la faute du centre hospitalier ; que la somme de 45 000 euros attribuée à Mme A... au titre des troubles dans les conditions d'existence est excessive ;

Vu le mémoire, enregistré le 8 décembre 2010, présenté pour Mme A... qui conclut à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a fait une évaluation insuffisante de ses préjudices résultant de la faute commise par le centre hospitalier de Sens, à la condamnation du centre hospitalier de Sens à lui verser la somme de 1 000 000 euros et à ce qu'une somme de 10 000 euros soit mise à la charge de ce dernier en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient qu'elle subit une gêne importante et ne peut avoir une vie normale ; que la COTOREP lui a reconnu un taux d'invalidité de 80 % ; que l'expert relève que les lésions rectale et sphinctérienne ont été provoquées lors de l'accouchement et étaient plus importantes que ne le pensait l'obstétricien ; que cela est constitutif d'une faute ; qu'à défaut d'être suturées, les lésions ont provoqué une fistule ; que la déficience périnéale est à rattacher à l'apparition de la fistule ; qu'elle ne peut plus envisager de travailler ; qu'elle a subi des douleurs jusqu'au 29 août 2000 ; que le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel sont importants ; qu'elle est atteinte d'un déficit fonctionnel permanent de 25 % ;

Vu les mises en demeure adressées le 3 février 2011 à Mme A...et à la CPAM de l'Yonne, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et les avis de réception de ces mises en demeure ;

Vu les mémoires, enregistrés le 29 mai 2013, sous les n° 13LY00950 et 13LY01043, présentés pour le centre hospitalier de Sens qui conclut aux mêmes fins que sa requête susvisée n° 10LY01193, par les mêmes moyens ;

Il soutient en outre que :

- à la suite de la décision du Conseil d'État du 27 mars 2013, il appartient à la Cour de trancher la question de savoir s'il existe un lien de causalité entre l'incontinence dont souffre Mme A...et la fistule dont elle a été victime ;

- Mme A...ne rapporte pas la preuve du lien entre le retard de diagnostic relatif à la présence d'une fistule et l'incontinence dont elle souffre ;

- si la Cour s'estime insuffisamment informée, il lui appartiendra d'ordonner une nouvelle expertise ;

- c'est à tort que le Tribunal a indemnisé Mme A...sur la base d'une incapacité permanente partielle de 25 % en lien avec la faute du centre hospitalier de Sens alors que l'expert a estimé que le taux d'incapacité permanente partielle qui peut être attribué à cette faute est de 13 % ;

- les premiers juges ont procédé à une évaluation excessive des préjudices subis en lui allouant la somme de 45 000 euros pour une incapacité permanente partielle fixée à 25 % ;

Vu les mémoires, enregistrés le 4 juillet 2013, présentés pour Mme A...qui conclut aux mêmes fins que sa requête susvisée n° 10LY01092 ;

Elle soutient que :

- la faute commise lors de sa prise en charge par le centre hospitalier de Sens implique que cet établissement soit condamné à réparer l'intégralité des préjudices résultant de cette faute ;

- ses préjudice patrimoniaux, comprenant des dépenses de santé futures (frais de couches et suivi psychologique) et l'incidence professionnelle, doivent être évalués à 20 000 euros ;

- ses préjudices personnels correspondant à des souffrances de 3/7, une incapacité permanente partielle de 25 %, un préjudice d'agrément et un préjudice sexuel importants doivent être évalués à 980 000 euros ;

Vu les mémoires, enregistrés le 17 juillet 2013, présentés pour le centre hospitalier de Sens qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu les ordonnances du 28 juin 2013 fixant au 19 juillet 2013 la date de clôture de l'instruction dans chacune des instances n° 13LY00950 et 13LY01043 ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 octobre 2013 :

- le rapport de M. Poitreau, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;

1. Considérant que les requêtes de Mme A...et du centre hospitalier de Sens sont dirigées contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

2. Considérant qu'après avoir accouché, le 8 août 2000, au centre hospitalier de Sens, Mme A...a présenté une fistule recto-vaginale, traitée chirurgicalement le 29 août 2000 au centre hospitalier de Colombes ; qu'à la suite de l'apparition en 2003 d'une incontinence anale et urinaire, elle a recherché la responsabilité du centre hospitalier de Sens ; que, par un jugement du 28 mars 2010, le Tribunal administratif de Dijon, retenant une méconnaissance fautive par l'obstétricien d'une plaie rectale et d'une déchirure sphinctérienne à l'issue de l'accouchement, à l'origine de la survenue de la fistule recto-vaginale, et un lien de causalité entre cette fistule et l'incontinence de MmeA..., a condamné le centre hospitalier de Sens à lui verser une indemnité et au remboursement des débours de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Yonne ; que, par un arrêt du 7 juillet 2011, la Cour, statuant sur les requêtes de Mme A...et du centre hospitalier de Sens, a annulé ce jugement et rejeté la demande de l'intéressée ; que, sur le pourvoi formé par MmeA..., le Conseil d'Etat, par la décision susvisée du 27 mars 2013, a annulé les articles 1er et 2 de l'arrêt de la Cour en tant qu'il statue sur les conséquences de la faute commise par le centre hospitalier de Sens, et lui a, dans cette mesure, renvoyé le jugement de l'affaire ;

Sur le principe de la responsabilité :

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction et en particulier du rapport de l'expert désigné par le tribunal administratif que, eu égard au poids de l'enfant, l'accouchement de Mme A...a nécessité une épisiotomie et une extraction instrumentale qui a provoqué des déchirures vaginales et cervicales ; que, selon l'expert, lors de la suture de cette épisiotomie et de ces lésions, l'obstétricien a commis une faute en méconnaissant l'existence d'une plaie rectale et d'une déchirure sphinctérienne qui a entraîné l'apparition d'une fistule recto- vaginale qui est elle-même, pour partie, à l'origine de l'état d'incontinence de MmeA... ; que si l'expert a relevé que les troubles de l'incontinence ne sont apparus qu'à partir de l'année 2003, il estime toutefois que cette circonstance, en l'absence d'événements nouveaux pouvant expliquer cette évolution anatomique, ne permet pas de remettre en cause le fait que " l'état actuel de Mme A...est bien évidemment le résultat de la survenue d'une fistule recto-vaginale " lors de son accouchement ; que, dès lors, la responsabilité du centre hospitalier de Sens se trouve engagée à l'égard de Mme A...à raison de cette faute ;

Sur les préjudices :

En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :

Quant aux dépenses de santé :

4. Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Yonne a justifié devant le tribunal administratif de ses débours pour un montant de 3 325,83 euros, correspondant à l'hospitalisation de Mme A... du 28 août au 1er septembre 2000 au centre hospitalier de Colombes pour le traitement de la fistule recto-vaginale dont elle était alors atteinte en conséquence de la faute commise lors de son accouchement au centre hospitalier de Sens ;

5. Considérant que si MmeA... soutient que son état va entraîner pour elle des dépenses de santé futures correspondant à des " frais de couches et suivi psychologique " pour un montant de 10 000 euros, elle ne fournit aucune justification propre à établir ce préjudice qui n'est du reste pas retenu par l'expert ;

Quant à l'incidence professionnelle :

6. Considérant que, selon l'expert, Mme A...n'est pas dans l'incapacité d'exercer une activité professionnelle ; que, par suite, elle ne peut, en se bornant à invoquer son état d'incontinence, être indemnisée d'une incidence professionnelle du dommage corporel ;

En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel :

7. Considérant que si Mme A...demeure atteinte d'une incapacité permanente évaluée à 25 %, il ressort toutefois du rapport d'expertise que le taux de l'incapacité liée à la fistule recto-vaginale provoquée par l'accouchement, imputable au centre hospitalier de Sens, n'est que de 13 %, et non de 25 %, comme l'ont retenu les premiers juges ;

8. Considérant que, selon l'expert, la faute commise par le centre hospitalier de Sens est également à l'origine de souffrances qu'il évalue à trois sur une échelle de un à sept ainsi que d'un préjudice d'agrément et d'un préjudice sexuel qu'il qualifie d'importants ; qu'il sera fait une juste appréciation de l'ensemble des préjudices personnels de Mme A...en les évaluant à la somme de 30 000 euros ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, d'une part, le centre hospitalier de Sens est seulement fondé à demander que l'indemnité de 48 000 euros que le Tribunal administratif de Dijon l'a condamné à verser à Mme A...par son jugement du 18 mars 2010 soit ramenée à 30 000 euros ; que, d'autre part, Mme A...n'est pas fondée à demander la majoration de l'indemnité allouée ; que, par voie de conséquence, les conclusions de Mme A...tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La somme de 48 000 euros que le centre hospitalier de Sens a été condamné à verser à Mme A...par l'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Dijon du 18 mars 2010 est ramenée à 30 000 euros.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Dijon du 18 mars 2010 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du centre hospitalier de Sens et la requête de Mme A...sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A..., au centre hospitalier de Sens et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Yonne.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2013 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Poitreau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 novembre 2013.

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N°s 13LY00950... 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY00950
Date de la décision : 07/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Gérard POITREAU
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : LION

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-11-07;13ly00950 ?
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