Vu le recours, enregistré le 12 novembre 2012, du ministre de l'économie et des finances ;
Le ministre de l'économie et des finances demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 1 à 3 du jugement n° 0902008 du 28 septembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a réduit les cotisations d'impôt sur les sociétés et de contribution à l'impôt sur les sociétés auxquelles la SA Conagra France a été assujettie au titre des années 2003 et 2004 du fait des exercices clos au cours des mêmes années et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de remettre à la charge de la SA Conagra France les impositions déchargées et les pénalités y afférentes ;
Il soutient que c'est à tort que le Tribunal a estimé que les sommes versées à la SA Conagra France par la société Gelazur correspondaient à des distributions de dividendes et que, si une opération de distribution de dividendes donne lieu à la constatation de produits financiers chez les associés à la date de l'assemblée générale ayant décidé cette distribution, en revanche, la mise en paiement de dividendes ne donne pas lieu, chez les associés, à la constatation de produits, mais à la diminution de la créance sur la société détenue ; qu'aucune créance et aucun produit correspondant n'avait été préalablement enregistré relativement à ces montants ; que c'est également à tort que le Tribunal a en conséquence estimé que la requérante était en droit de demander la correction de l'erreur comptable alléguée, à savoir la comptabilisation des dividendes Gelazur lors de leur mise en paiement, dès lors que cette erreur avait eu pour effet de majorer les résultats imposables de la société ; qu'en application du 2ème alinéa de l'article 158-3-1° du code général des impôts, les dividendes doivent être pris en comptes dans les résultats imposables de l'exercice au cours de leur perception ; qu'en l'espèce, en l'absence d'inscription antérieur en compte courant, les dividendes ne pouvaient être rattachés aux années 1991 et 1992 mais devaient être rattachés aux années 2003 et 2004 ; que le raisonnement du Tribunal conduirait à ne soumettre les dividendes à aucune imposition ; que les autres moyens de la demande de première instance ne sont pas fondés, la SA Conagra France ne pouvant revendiquer le régime des sociétés mère et filiales pour lequel elle n'a pas opté ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu la mise en demeure adressée le 14 mai 2013 à Liberalis société d'avocats, avocat de la société Conagra Europe BV venant aux droits de la SA Conagra France, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 juin 2013, présenté pour la société Conagra Europe BV venant aux droits de SA Conagra France ; elle conclut, à titre principal, au rejet du recours et, titre subsidiaire à la réformation du jugement en ramenant les rectifications en bases de 269 835 à 13 492 euros au titre de l'exercice clos en 2003 et de 391 489 à 19 574 euros au titre de l'exercice clos en 2004 ; elle demande à la Cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3. 000 euros au titre de ses frais d'instance non compris dans les dépens ; elle fait valoir qu'aucun des moyens du recours n'est fondé ; que le bénéficiaire des sommes est la société Conagra International Inc. ; que si elle doit être désignée comme bénéficiaire des sommes, l'action de l'administration est prescrite ; que c'est à tort que l'administration refuse l'application du régime des sociétés mères ;
Vu le mémoire, enregistré le 10 juillet 2013, présenté par le ministre de l'économie et des finances tendant aux mêmes fins que le recours susvisé par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 6 septembre 2013, présenté pour la société Conagra Europe BV tendant aux mêmes fins que le mémoire en défense susvisé par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 29 octobre 2013, présenté par le ministre de l'économie et des finances tendant aux mêmes fins que le recours et le mémoire susvisés par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré 13 novembre 2013, présenté pour la société Conagra Europe BV tendant aux mêmes fins que les mémoires susvisés par les mêmes moyens ;
Vu l'ordonnance en date du 15 novembre 2013 fixant au 18 décembre 2013 la date de la clôture de l'instruction ;
Vu le mémoire, enregistré le 20 novembre 2013, présenté par le ministre de l'économie et des finances tendant aux mêmes fins que le recours et les mémoires susvisés par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré 13 décembre 2013, présenté pour la société Conagra Europe BV tendant aux mêmes fins que les mémoires susvisés par les mêmes moyens ;
Vu l'ordonnance en date du 17 décembre 2013 reportant la date de la clôture de l'instruction au 8 janvier 2014 ;
Vu le mémoire, enregistré le 6 janvier 2014, présenté par le ministre de l'économie et des finances tendant aux mêmes fins que le recours et les mémoires susvisés par les mêmes moyens ;
Vu l'ordonnance en date du 7 janvier 2014 reportant la date de clôture de l'instruction au 14 janvier 2014 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de commerce ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 janvier 2014 :
- le rapport de M. Bourrachot, président,
- les conclusions de M. Levy Ben Cheton, rapporteur public,
- les observations de Me C...représentant la société Conagra Europe BV ;
1. Considérant que la SA Conagra France, dont le siège social se situait à Evian-les-Bains (Haute-Savoie), a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour la période du 1er mai 2000 au 30 avril 2004, étendue au 30 septembre 2004 en matière de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôts sur les sociétés ; que la société a pour objet de concourir à la constitution et au renforcement des ressources financières des entreprises ; qu'en l'absence de dépôt des déclarations de résultats relatives à la période vérifiée, la procédure de taxation d'office, prévue par les dispositions du 2° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, a été appliquée aux rehaussements effectués au titre des exercices clos en 2001, 2002 et 2003 tandis que la procédure de rectification contradictoire a été mise en oeuvre pour l'exercice clos en 2004 compte-tenu de l'absence d'envoi de mise en demeure sur cet exercice ; que les rectifications ont été effectuées au vu d'une ébauche de comptabilité présentée en fin de contrôle, lors de la dernière intervention ; qu'au titre des exercices clos en 2003 et 2004, les produits de la société comprenaient notamment des produits exceptionnels d'un montant respectif de 269 834,69 euros et 391 489 euros, enregistrés au compte 771400 avec l'intitulé " rentrée sur créance amortie " ; qu'en définitive, ont été retenus les déficits ou bénéfices ressortant des éléments comptables présentés, excepté pour l'exercice clos au 30 avril 2001, pour lequel le vérificateur a exclu des charges déductibles une provision qu'il a estimé non justifiée d'un montant de 339 000 francs, soit 51 680 euros ; que les rehaussements correspondants ont été notifiés à la société par une proposition de rectifications du 21 décembre 2004 pour l'exercice clos en 2001 et du 4 mars 2005 pour les exercices clos en 2002, 2003 et 2004 ; que ces rehaussements ont été assortis des intérêts de retard et des majorations pour dépôt tardif prévues par l'article 1728 du code général des impôts ; que la société n'a formulé aucune observation suite aux rectifications proposées ; qu'à l'issue du contrôle, les rappels ont été mis en recouvrement le 11 mai 2005 ; que, postérieurement à la mise en recouvrement, le 16 septembre 2005, la société a souscrit des déclarations de résultat relatives aux exercices clos en 2003 et 2004 ; que le 8 novembre 2007, la société a transmis au service des impôts des entreprises de Thonon les Bains des déclarations rectificatives relatives à ces mêmes exercices ; que ces déclarations, qu'elles soient initiales ou rectificatives, mentionnaient, en produits exceptionnels, des montants identiques à ceux pris en compte par le vérificateur, à savoir 269 835 euros au titre de l'exercice clos en 2003 et 391 489 euros au titre de l'exercice clos en 2004 ; que la SA Conagra France a contesté les rappels mis à sa charge au titre des exercices clos en 2003 et 2004 par une réclamation en date du 31 décembre 2008 en remettant en cause le caractère imposable des sommes comptabilisées par elle en produits exceptionnels au titre de ces deux exercices ; qu'après le rejet de sa réclamation par décision en date du 16 février 2009, la SA Conagra France a saisi le Tribunal administratif de Grenoble par une demande enregistré le 20 avril 2009 ; que le ministre relève appel du jugement du 28 septembre 2012 par lequel le tribunal administratif a réduit les cotisations d'impôt sur les sociétés et de contribution à l'impôt sur les sociétés auxquelles la SA Conagra France a été assujettie au titre des années 2003 et 2004 du fait des exercices clos au cours des mêmes années et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2. Considérant que l'accord de remboursement de compte courant signé le 19 mars 1998 entre la SA Conagra France et la SA Gelazur, d'une part, rappelait que la SA Conagra France détenait, jusqu'à la date de l'accord, un nombre d'actions de la société Gelazur représentant 50 % du capital de cette dernière, que la société Gelazur avait, au cours des années 1991 et 1992, distribué des dividendes dont une partie a été laissée à la disposition de cette dernière par la société Conagra France, à titre d'avance d'actionnaire, qu'à la date de l'accord, la créance détenue par la société Conagra France à l'encontre du débiteur se monte à 9 568 000 francs ( 1 458 632 euros ), et, d'autre part, stipulait que la société Conagra ayant cédé sa participation dans le capital de la société Gelazur, elle souhaitait désormais voir établir les modalités de remboursement de sa créance par un premier remboursement de 3 000 000 francs payable à la date de l'accord, par un deuxième remboursement de 2 000 000 francs payable le 15 janvier 2002, par un troisième remboursement de 2 000 000 francs payable le 15 janvier 2003 et par un quatrième remboursement de 2 568 000 francs payable le 15 janvier 2004 ; qu'en application de cet accord, le solde des remboursements a été comptabilisé en produits exceptionnels à hauteur respectivement de 269 835 euros en 2003 et 391 489 euros en 2004 ; que l'administration fiscale estimant qu'aucune créance et aucun produit correspondant n'avait été préalablement enregistré relativement à ces montants, les a taxés comme dividendes ;
3. Considérant que pour prononcer la réduction des bases d'imposition de la SA Conagra France au titre des années 2003 et 2004, le Tribunal administratif de Grenoble a jugé " qu'une opération de distribution de dividendes donne lieu à la constatation de produits financiers chez les associés à la date de l'assemblée générale ayant décidé cette distribution et qu'en revanche, la mise en paiement de dividendes ne donne pas lieu, chez les associés, à la constatation de produits, mais à la diminution de la créance sur la société détenue " ;
4. Considérant que le ministre soutient que ce raisonnement, qui fait application des règles de la comptabilisation des créances acquises, est erroné dès lors qu'il méconnait les dispositions de l'article 158 du code général des impôts qui prévoient que " 1. Les revenus nets des diverses catégories entrant dans la composition du revenu net global sont évalués d'après les règles fixées aux articles 12 et 13 et dans les conditions prévues aux 2 à 6 ci-après, sans qu'il y ait lieu de distinguer suivant que ces revenus ont leur source en France ou hors de France. Toutefois, en ce qui concerne les entreprises et exploitations situées hors de France, les règles fixées par le présent code pour la détermination forfaitaire des bénéfices imposables ne sont pas applicables (...) 3. Les revenus de capitaux mobiliers comprennent tous les revenus visés au VII de la 1ère sous-section de la présente section, à l'exception des revenus expressément affranchis de l'impôt en vertu de l'article 157 et des revenus ayant supporté le prélèvement visé à l'article 125 A. Lorsqu'ils sont payables en espèces les revenus visés au premier alinéa sont soumis à l'impôt sur le revenu au titre de l'année soit de leur paiement en espèces ou par chèques, soit de leur inscription au crédit d'un compte (...) " ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 209 du code général des impôts : " I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45, 53 A à 57 et 302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (...) " ; qu'aux termes de l'article 38 du même code : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés (...) " ; qu'aux termes de l'article 38 quater de l'annexe III au code général des impôts : " les entreprises doivent respecter les définitions édictées par le plan comptable général, sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l'assiette de l'impôt " ;
6. Considérant que, contrairement à ce que soutient le ministre, en l'absence de renvoi des dispositions de l'article 209 du code général des impôts aux dispositions du 3 de l'article 158 qui régissent la taxation des revenus de capitaux mobiliers à l'impôt sur le revenu, ces dispositions ne sont pas applicables en matière d'impôt sur les sociétés ; qu'une société passible de l'impôt sur les sociétés est en droit de comptabiliser en produits des dividendes et de les comprendre dans ses bénéfices à la date de l'assemblée générale ayant décidé leur distribution indépendamment de leur paiement ;
7. Considérant toutefois que le ministre soutient également qu'aucune créance et ni aucun produit correspondant aux sommes litigieuses n'avait été comptabilisé avant les exercices clos au cours des années 2003 et 2004 de sorte que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la mise en paiement de dividendes ne donne pas lieu, chez les associés, à la constatation de produits, mais à la diminution de la créance sur la société détenue ;
8. Considérant qu'en application des articles L. 193 et R. 193 du livre des procédures fiscales, il incombe à la requérante taxée d'office en vertu des dispositions du 2° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales d'apporter la preuve du caractère exagéré de l'imposition à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2003 ;
9. Considérant qu'aux termes de l'article R.*194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. Il en est de même lorsqu'une imposition a été établie d'après les bases indiquées dans la déclaration souscrite par un contribuable ou d'après le contenu d'un acte présenté par lui à la formalité de l'enregistrement. " ;
10. Considérant que l'article R.*194-1 du livre des procédures fiscales, en assimilant à une acceptation le silence conservé par le contribuable pendant le délai qui lui est imparti pour répondre à une proposition de rectification, et en lui attribuant dans ce cas la charge d'établir l'exagération de l'imposition, ne fait que tirer les conséquences des dispositions des articles L. 11, L. 54 B et L. 57 du livre des procédures fiscales ; qu'en revanche, en application des mêmes principes, lorsque le contribuable n'a pas accepté les rectifications qui lui ont été proposées, et hors le cas dans lequel sa comptabilité comporte de graves irrégularités et l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission prévue à l'article L. 59 du livre des procédures fiscales, il appartient à l'administration d'établir le bien-fondé des impositions qu'elle a mis à la charge du contribuable ;
11. Considérant qu'il est constant que la SA Conagra France n'a pas formulé d'observations en réponses à la proposition de rectification qui lui a été adressée par l'administration fiscale au titre de l'année 2004 ; que, par suite, la SA Conagra France, qui a d'ailleurs ultérieurement déclaré en produits exceptionnels, des montants identiques à ceux pris en compte par le vérificateur, à savoir 269 835 euros au titre de l'exercice clos en 2003 et 391 489 euros au titre de l'exercice clos en 2004, supporte la charge de la preuve du mal fondé des impositions en litige ;
12. Considérant qu'il est constant que les montants en litige ont été enregistrés dans le compte 7714 " rentrée sur créance amortie " retraçant les produits liés aux créances comptabilisées antérieurement en pertes sur créances irrécouvrables ; que selon le Plan comptable général, une rentrée sur créance amortie constitue un produit exceptionnel enregistré dans le compte 771400 ; que la comptabilisation des sommes litigieuses en " rentrée sur créance amortie " sans comptabilisation d'une perte du même montant révèle en principe l'absence de comptabilisation des dividendes en comptes de produits antérieurement à leur perception ;
13. Considérant que la société requérante a indiqué qu'un remboursement de 3 000 000 francs serait intervenu le 19 mars 1998, à la date de signature de l'accord de remboursement ; qu'au 1er mai 2000, début de la période soumise à contrôle, Gelazur devait donc à Conagra France un montant de 6 568 000 francs (9 568 000 - 3 000 000), soit 1 001 285 euros ; que la requérante a également précisé que le compte courant Gelazur no 455104 ouvert dans la comptabilité de Conagra France présentait au 1er mai 2000, date d'ouverture du premier exercice vérifié, un " à nouveau débiteur " de 2 230 000 francs seulement, soit 339 961 euros, alors que si l'intégralité de la créance sur Gelazur avait été comptabilisée en produits via une inscription en compte courant lors de la décision de distribution des dividendes, l'à nouveau du compte courant Gelazur au 1er mai 2000 aurait dû se chiffrer à 6 568 000 francs (1 001 285 euros), montant représentant les versements restant à effectuer à cette date ; que sur le montant de 2 230 000 francs figurant en " à nouveau" au débit du compte courant Gelazur, au 1er mai 2000, ont été imputés les 2 000 000 francs (304 898 euros) versés début 2002 ainsi que 230 000 francs (35 063 euros) sur les 2 000 000 francs versés début 2003 ; que le vérificateur a d'ailleurs lui aussi relevé, dans la proposition de rectification du 4 mars 2005, que sur la somme de 304 898 euros encaissée en février 2003 était venu s'imputer le solde de la créance Gelazur enregistré au compte 455104 pour 35 063 euros ; que si les remboursements des 15 janvier 2002 et 15 janvier 2003 sont venus solder le compte débiteur ouvert au nom de Gelazur chez Conagra France, à hauteur respectivement de 304 898 euros et de 35 063 euros, c'est à juste titre, compte tenu des termes mêmes de l'accord de remboursement, que le solde des remboursements a été comptabilisé en produits exceptionnels à hauteur respectivement de 269 835 euros et 391 489 euros sur 2003 et 2004 ; que le ministre fait valoir qu'il en résulte que la majorité des dividendes mis en paiement en 2003 et la totalité de ceux mis en paiement en 2004 n'ont jamais été comptabilisés en produits antérieurement à leur paiement ; qu'invitée par lettre du greffier en chef en date du 22 octobre 2013, à produire dans le délai de 15 jours, les écritures comptables des exercices 1991 et 1992 ou de tout autre exercice postérieur à ces années, mais antérieur aux années 2003 et 2004, retraçant la comptabilisation en produit des dividendes versés par la société Gelazur à la SA Conagra France et leur mise à disposition de Gelazur et à produire dans le même délai les procès-verbaux d'assemblée de la société Gelazur décidant les distributions de dividendes mentionnées dans la convention de remboursement, la requérante a déféré à cette invitation en produisant seulement des éléments établissant la créance dont elle se prévalait au titre des exercices clos en 1991 et 1992 ; que par une seconde lettre du 18 novembre 2013, la requérante a été invitée à produire les éléments comptables antérieurs à l'exercice clos au cours de l'année 2003 démontrant l'existence de l'erreur comptable retenue par le tribunal administratif pour censurer les redressements pourtant fondés sur l'analyse des sommes comptabilisées et déclarées par la société ; que la requérante n'a pas déféré à cette seconde invitation ; qu'elle ne peut se borner à demander à la Cour de faire jouer une dialectique de la preuve dans un sens qui lui est favorable alors qu'aucun élément comptable probant n'a été produit retraçant l'évolution de ses créances à l'égard de Gelazur entre 1992 et 2003 ; que l'erreur comptable alléguée n'est pas établie ; que l'administration est dès lors fondée à soutenir qu'aucun produit ni aucune créance n'ayant été enregistrés entre 1992 et 2003 relativement à ces montants, c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la constatation de produits ne constituait pas un bénéfice mais la diminution de la créance détenue sur la société Gelazur ;
14. Considérant qu'il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par la SA Conagra, tant devant le Tribunal administratif de Grenoble que devant la Cour ;
15. Considérant que la requérante, qui a la charge de la preuve, ne démontre ni qu'elle n'était pas le bénéficiaire réel des distributions de Gelazur, visées dans la convention de remboursement précitée, ni, en tout état de cause, qu'elle aurait reversé ces dividendes à Conagra international Inc. ou à Conagra Europe BV ; que la requérante ne démontre pas davantage une erreur comptable, le mode de comptabilisation des produits, pour peu orthodoxe qu'il soit, étant conforme aux stipulations claires de la convention de remboursement ;
16. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit plus haut la requérante n'établissant aucune comptabilisation des sommes en litige sur un exercice antérieur aux années 2003 et 2004, les moyens tirés d'une erreur de rattachement des produits aux exercices 2003 et 2004 et de leur rattachement à un exercice prescrit doivent être écartés ;
17. Considérant qu'il résulte des termes mêmes des dispositions des articles 145 et 216 du code général des impôts que la possibilité de retrancher les produits nets des participations est une faculté offerte à la société qui est libre d'en user ou non ; que l'exercice de cette option s'exerce par l'indication, portée sur l'un des imprimés que les entreprises doivent joindre à leur déclaration de résultats ; que la requérante taxée d'office pour défaut de déclaration en application des dispositions du 2° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales ne peut être regardée comme ayant opté pour le régime des sociétés mères ; qu'il est constant que la requérante n'a pas opté pour un tel régime dans la déclaration de ses bénéfices de l'exercice clos en 2004 ; que la requérante ne peut utilement soutenir qu'elle a déposé, postérieurement à la mise en recouvrement des impositions litigieuse, des déclarations rectificatives aux fins de réparer l'erreur qu'elle aurait commise dès lors qu'elle a pris, en ne déclarant pas sa quote-part du boni de liquidation et, par là-même en n'exerçant pas l'option prévue par l'article 216 lors de la souscription de sa déclaration de résultat initiale, une décision de gestion qui lui est opposable ; qu'elle ne peut, par suite, prétendre que cette absence de déclaration procéderait d'une erreur qui pourrait être rectifiée après l'expiration du délai de déclaration ; qu'elle n'est pas fondée à se prévaloir d'une instruction n° 88 du 13 octobre 1998 4-H-12-93 dès lors que les prévisions qu'elle invoque se bornent à indiquer que les revenus réputés distribués ouvrent droit, sous les conditions prévues aux articles 145 et 216 du code général des impôts, au régime des sociétés mères et ne contiennent donc pas, en tout état de cause, d'interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il vient d'être fait application ;
18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie et des finances est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué et la remise à la charge de la SA Conagra France des impositions déchargées par le tribunal administratif de Grenoble ; que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la société Conagra Europe BV la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 1 à 3 du jugement du Tribunal Administratif de Grenoble en date du 28 septembre 2012 sont annulés.
Article 2 : Les cotisations d'impôt sur les sociétés et de contribution à l'impôt sur les sociétés auxquelles la SA Conagra France a été assujettie au titre des années 2003 et 2004 du fait des exercices clos au cours des mêmes années sont remises à sa charge.
Article 3 : Les conclusions de la société Conagra Europe BV sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie et des finances et à la société Conagra Europe BV venant aux droits de la SA Conagra France.
Délibéré après l'audience du 21 janvier 2014, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
M. A...et MmeB..., premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 11 février 2014.
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N° 12LY02778