Vu la requête, enregistrée le 17 avril 2013, présentée pour la Société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Bertherat et Van Le, dont le siège est 22 impasse Pasteur à Chamallières (63 400), représentée par ses gérants ;
La SELARL Bertherat et Van Le demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1102326 du 21 février 2013 par lequel le Tribunal de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'établissement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) " la maison de retraite les Cordeliers " à lui verser la somme de 60 000 euros hors taxe, outre les intérêts et la capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice subi du fait de son éviction irrégulière du marché de maîtrise d'oeuvre portant sur la restructuration, l'extension et la mise aux normes des bâtiments composant l'établissement ;
2°) de condamner l'EHPAD la maison de retraite les Cordeliers à lui verser la somme de 60 000 euros hors taxe et de faire application des articles 1153 et 1154 du code civil ;
3°) de mettre à la charge de l'EHPAD la maison de retraite les Cordeliers une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- elle avait une chance sérieuse d'emporter le marché dès lors qu'elle était l'architecte systématiquement retenu par le maître d'ouvrage dans le passé et qu'elle était associée à ses démarches ; c'est à tort que les premiers juges ont estimé que, malgré l'ancienneté de ses relations contractuelles avec le maître d'ouvrage, elle ne justifiait pas de ses capacités ; ils n'ont pas répondu aux moyens relatifs à l'ancienneté des relations contractuelles et relatif à la prise en compte d'attestation ; c'est à tort que le Tribunal a tenu compte d'une attestation faisant état d'un retard qui ne concerne pas le maître d'ouvrage et d'un incident qui n'était pas imputable à l'architecte ;
- son éviction est irrégulière du fait de l'irrégularité de la composition du jury qui méconnaît l'obligation de comporter au moins un tiers de membres ayant une qualification identique ou équivalente à celle requise des candidats, résultant de l'article 24 du code des marchés publics, dès lors que l'économiste de la construction et l'ingénieur fluides n'avaient pas des compétences équivalentes à celles d'un architecte ; c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'elle avait soutenu que le jury devait être composé exclusivement d'architecte ;
- dès lors qu'elle avait une chance très sérieuse d'emporter le marché, elle a droit à être indemnisée de l'intégralité de son manque à gagner, pour un montant de 60 000 euros, déterminé au regard des précédents honoraires qu'elle avait obtenus dans le cadre des marchés de maîtrise d'oeuvre relatifs à cette maison de retraite ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu, l'ordonnance en date du 19 septembre 2013, fixant la clôture de l'instruction au 21 octobre 2013 ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2013, présenté pour l'EHPAD la maison de retraite les Cordeliers, représenté par sa directrice, qui demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) de mettre à la charge de la SELARL Bertherat et Van Le une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- le groupement évincé ne démontrait pas suffisamment sa compétence en économie de la construction, contrairement à ce qui était demandé dans l'appel public à la concurrence ; il ne figurait pas parmi les trois meilleures candidatures ;
- il ne peut être reproché au maître de l'ouvrage d'avoir procédé à une sélection objective et égalitaire des candidatures, au regard des seuls documents requis lors de la consultation, en abandonnant les pratiques antérieures ;
- la composition du jury ne méconnaît pas l'article 24 du code des marchés publics, dès lors que la compétence de maître d'oeuvre ne se limite pas aux aspects architecturaux mais comprend les domaines de compétence technique et économique ; la requérante ne démontre pas en quoi cette irrégularité l'aurait privée d'une chance sérieuse de se voir attribuer le marché ;
- la somme demandée au titre du préjudice ne correspond à aucune réalité économique et n'a aucun lien avec le marché litigieux ;
Vu le mémoire, enregistré le 18 octobre 2012, présenté pour la SELARL Bertherat et Van Le qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;
Elle soutient en outre que tous les marchés qu'elle a obtenu précédemment ont été attribués de manière transparente ;
Vu l'ordonnance du 21 octobre 2013, reportant la clôture de l'instruction au 5 novembre 2013 ;
Vu le mémoire, enregistré le 5 novembre 2013, présenté pour l'EHPAD la maison de retraite les Cordeliers, qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;
Il soutient en outre qu'alors que la requérante considère que la présence d'un seul architecte n'était pas suffisante pour garantir la bonne analyse des candidatures, en raison de la prétendue complexité du projet, il n'a pas jugé utile de s'adjoindre les services d'un autre architecte ; que l'éviction du cabinet requérant résulte d'un processus de sélection qui n'est pas critiqué ;
Vu l'ordonnance du 14 novembre 2013, reportant la clôture de l'instruction au 2 décembre 2013 ;
Vu le mémoire, enregistré le 2 décembre 2013, présenté pour la SELARL Bertherat et Van Le, non communiqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 janvier 2014 :
- le rapport de M. Wyss, président rapporteur,
- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public,
- les observations de MeA..., représentant la SELARL Bertherat et Van Le et de MeB..., représentant l'EHPAD la maison de retraite les Cordeliers ;
1. Considérant que, par le jugement attaqué du 21 février 2013, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté la demande de la SELARL Bertherat et Van Le, tendant à la condamnation de l'EHPAD la maison de retraite les Cordeliers à lui verser la somme de 60 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de son éviction du marché de maîtrise d'oeuvre relatif à la restructuration, à l'extension et à la mise aux normes de l'établissement ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que les premiers juges ont répondu à l'ensemble des moyens invoqués par la SELARL Bertherat et Van Le dans ses écritures de première instance et en ont fait une correcte interprétation, en particulier s'agissant du moyen tiré de ce qu'elle avait une chance sérieuse d'emporter le marché dont elle a été évincée, en raison des relations qu'elle entretenait avec l'établissement ; qu'elle n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges ont estimé à tort qu'elle soutenait que le jury devait être composé exclusivement d'architectes dès lors que c'est ainsi que se présentait ce moyen dans ses écritures, en page 7 de ses mémoires enregistrés les 8 janvier et 1er février 2013 ;
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance ;
4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 24 du code des marchés publics, dans sa rédaction alors applicable : " I.-Le jury de concours est composé exclusivement de personnes indépendantes des participants au concours.(...) b) Pour les collectivités territoriales et les établissements publics locaux, les membres du jury sont désignés dans les conditions prévues aux I, II et III de l'article 22. Pour les établissements publics sociaux et médico-sociaux, ils sont désignés selon les règles propres à chaque établissement. d) Le président du jury peut en outre désigner comme membres du jury des personnalités dont il estime que la participation présente un intérêt particulier au regard de l'objet du concours, sans que le nombre de ces personnalités puisse excéder cinq. e) En outre, lorsqu'une qualification professionnelle est exigée des candidats pour participer à un concours, au moins un tiers des membres du jury ont cette qualification ou une qualification équivalente. Ils sont désignés par le président du jury " ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le contrat dont la société requérante a été évincée était un marché de maîtrise d'oeuvre nécessitant, d'après l'avis de concours, des compétences architecturales, techniques et en économie du bâtiment ; que, compte tenu de la diversité des qualifications exigées au titre de chacune de ces compétences, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que seuls des architectes présentaient des qualifications analogues ou équivalentes à celles exigées des candidats ; que le jury qui a examiné la candidature de la société requérante pouvait, dans ces conditions, être valablement composé, au titre des personnalités qualifiées, d'un architecte, d'un économiste et d'un ingénieur fluides ; que la SELARL Bertherat et Van Le n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 24 du code des marchés publics ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'il appartient au concurrent évincé demandant la réparation du préjudice subi, de démontrer qu'il existe une irrégularité ayant affecté la procédure qui a abouti à son éviction ; qu'il appartient ensuite au juge de vérifier que cette irrégularité est la cause directe de l'éviction du candidat et, par suite, qu'il existe un lien direct de causalité entre la faute en résultant et le préjudice dont le candidat demande l'indemnisation ; qu'enfin, le juge doit vérifier si l'entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter le marché ; qu'il suit de là que la circonstance qu'une entreprise avait une chance sérieuse d'emporter le marché dont elle a été évincée ne peut, à elle seule, en absence de toute démonstration d'une illégalité entachant la procédure de passation ou le choix de l'attributaire, ouvrir droit à indemnisation ;
7. Considérant, en troisième lieu, qu'à supposer que, dans le cadre de son moyen relatif à l'existence d'une chance sérieuse d'emporter le marché, la SELARL Bertherat et Van Le ait entendu, en réalité, soutenir que son éviction était irrégulière et que cette illégalité fautive engageait la responsabilité du pouvoir adjudicateur, une telle irrégularité n'est pas établie dès lors que la société requérante ne formule pas, en première instance comme en appel, la moindre allégation sur les mérites respectifs de sa candidature et de celles des candidats admis à présenter une offre ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SELARL Bertherat et Van Le n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Cour fasse bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais exposés à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ; que, par suite, les conclusions présentées par la société requérante doivent être rejetées ;
10. Considérant, en second lieu, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par l'EHPAD " la maison de retraite les Cordeliers " ;
DÉCIDE :
Article 1 : La requête n° 13LY00974 de la SELARL Bertherat et Van Le, est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'EHPAD la maison de retraite les Cordeliers tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SELARL Bertherat et Van Le, à l'EHPAD la maison de retraite les Cordeliers.
Délibéré après l'audience du 23 janvier 2014, où siégeaient :
- M. Wyss, président rapporteur,
- M. Gazagnes, président-assesseur,
- M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur.
Lu en audience publique, le 13 février 2014.
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N° 13LY00974