Vu la requête, enregistrée le 18 février 2013 au greffe de la Cour, présentée pour la société civile La Loi Corly, dont le siège est au 4 rue des Artisans ZAC des Erables à Vetraz-Monthoux (74100) ;
La société civile La Loi Corly demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0803797 du 14 décembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à obtenir la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2003 ainsi que des pénalités correspondantes ;
2°) de prononcer la décharge de l'imposition contestée et des pénalités y afférentes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- une procédure d'office n'était pas applicable en l'espèce, seule la procédure contradictoire était applicable puisque portant sur la rectification de la valeur vénale réelle d'un bien soumis à la taxe sur la valeur ajoutée ;
- la société a été privée du recours à la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires, garantie substantielle, ce qui rend irrégulière la procédure d'imposition ;
- Il ne pouvait, en l'absence de preuve de fraude ou d'évasion fiscale commise par le contribuable résultant notamment de l'absence de sanctions pour mauvaise foi ou manquement délibéré, y avoir de rehaussement de la base soumise à la taxe sur la valeur ajoutée fondé sur une valeur vénale du bien objet de la vente, supérieure au prix de vente convenu entre les parties, en vertu de la directive n°77/388/CEE du 17/05/1977 ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 juin 2013, présenté par le ministre de l'économie et des finances, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
- l'administration était fondée à faire usage de la procédure de taxation d'office, la société n'ayant pas souscrit de déclaration annuelle de taxe sur la valeur ajoutée de l'année 2003 malgré une mise en demeure restée sans effet ;
- l'administration n'était pas tenue de consulter la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;
- M. A...et M.B..., en relation d'intérêt avec la société civile La Loi Corly, ont acquis de cette dernière deux immeubles à un prix inférieur à la valeur vénale desdits immeubles, permettant ainsi de présumer la volonté d'évasion fiscale ;
- la réévaluation effectuée par l'administration entre dans le champ d'application de la dérogation de l'article 27 de la directive n°77/388/CEE du 17/05/1977, la non application des sanctions pour manquements délibérés ou manoeuvres frauduleuses n'excluant pas la qualification de fraude ou d'évasion fiscale ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 11 septembre 2013, présenté pour la société civile La Loi Corly qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ; Elle porte en outre le montant de sa demande de remboursement des frais non compris dans les dépens à 3 000 euros ;
Elle soutient en outre que :
- l'administration, par le bulletin officiel des impôts BOI 8 A-3-04 du 07/06/2004 a admis la nécessité d'établir la preuve de la fraude ou de l'évasion fiscale pour mettre en oeuvre un redressement en matière de taxe sur la valeur ajoutée sur la valeur vénale et non sur le prix stipulé dans l'acte ;
- le non dépôt de la déclaration annuelle de régularisation CA12 au titre de 2003 constitue une erreur et ne résulte pas de la volonté délibérée de la société d'échapper à l'impôt ;
- une insuffisance de prix ne peut pas à elle seule établir une volonté de fraude ou d'évasion fiscale ;
- l'existence de liens d'intérêts entre vendeur et acquéreur en présence d'un écart significatif entre le prix et la valeur vénale ne peuvent permettre de présumer la volonté délibérée de fraude ou d'évasion fiscale en l'absence d'application par l'administration des sanctions fiscales appropriées ;
- l'administration a porté atteinte au principe de proportionnalité issu du droit communautaire en mettant en oeuvre de manière générale et systématique la procédure de taxation d'office en cas de non respect des délais déclaratifs, privant ainsi la société notamment du recours devant la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires et de la procédure de rectification contradictoire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la 6ème directive n° 77/388/CEE du Conseil des communautés européennes en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires du 17/05/1977 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 mars 2014 :
- le rapport de M. Bourrachot, président,
- les conclusions de M. Lévy Ben Cheton, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., représentant la société La Loi Corly ;
1. Considérant que la société civile de construction-vente La Loi Corly, détenue conjointement à parts égales par la SARL Victoria et la SARL SLD a, par actes des 11 et 14 avril 2003, vendu deux maisons, chacune au prix de 304 898 euros, toutes taxes comprises, à M. A..., propriétaire de l'intégralité des parts de la SARL Victoria, et à M.B..., propriétaire de l'intégralité des parts de la SARL SLD ; que la société La Loi Corly a vendu une troisième maison similaire aux deux premières, le 17 juin 2003, au prix de 435 000 euros toutes taxes comprises ; qu'à la suite de la vérification de la comptabilité de la société La Loi Corly, l'administration a considéré que les deux premières ventes immobilières avaient été consenties à un prix inférieur à la valeur vénale de ces biens ;
Sur la procédure d'imposition :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 17 du livre des procédures fiscales : " En ce qui concerne les droits d'enregistrement et la taxe de publicité foncière ou la taxe sur la valeur ajoutée lorsqu'elle est due au lieu et place de ces droits ou taxe, l'administration des impôts peut rectifier le prix ou l'évaluation d'un bien ayant servi de base à la perception d'une imposition lorsque ce prix ou cette évaluation paraît inférieur à la valeur vénale réelle des biens transmis ou désignés dans les actes ou déclarations. / La rectification correspondante est effectuée suivant la procédure de rectification contradictoire prévue à l'article L. 55, l'administration étant tenue d'apporter la preuve de l'insuffisance des prix exprimés et des évaluations fournies dans les actes ou déclarations " ; qu'aux termes de l'article L. 56 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors en vigueur : " La procédure de rectification contradictoire n'est pas applicable : (...) 4° Dans les cas de taxation ou évaluation d'office des bases d'imposition ; (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 66 du même livre dans sa rédaction alors en vigueur : " Sont taxés d'office : (...) 3° aux taxes sur le chiffre d'affaires et à la taxe différentielle sur les véhicules à moteur, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes (...) " ;
3. Considérant que pour l'application des dispositions législatives précitées, lorsqu'un contribuable, redevable de la taxe sur la valeur ajoutée sur le fondement du 7° de l'article 257 du code général des impôts, se trouve en situation de taxation d'office faute d'avoir déposé dans le délai légal les déclarations qu'il est tenu de souscrire en tant que redevable de cette taxe, l'administration fiscale est en droit d'asseoir l'imposition sur la valeur vénale réelle des biens dont la transmission est soumise à la taxe, sans qu'y fassent obstacle les dispositions du second alinéa de l'article L. 17 du livre des procédures fiscales ;
4. Considérant que la société civile La Loi Corly n'a pas souscrit de déclaration annuelle de taxe sur la valeur ajoutée pour l'année 2003 à raison de la vente des immeubles à M. A... et M. B... ; que la société se trouvait ainsi en situation de taxation d'office ; que les moyens tirés de l'inapplicabilité d'une procédure d'office ou de l'irrégularité de la procédure résultant de l'absence de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires doivent donc être écartés ;
Sur la charge de la preuve :
5. Considérant que lorsque le contribuable conteste la valeur fixée d'office en établissant que la mutation ou l'apport en cause a eu pour contrepartie effective le paiement d'une somme inférieure à celle initialement retenue par le service et égale au montant de l'indemnité, de la valeur des droits sociaux ou du prix de cession stipulé par les parties à l'opération en cause dans un acte ayant date certaine, déduction faite des sommes visées au II de l'article 267 du code général des impôts et compte tenu des charges qui s'y ajoutent, l'administration fiscale ne conserve le droit d'écarter le prix résultant de la volonté des parties, qui, en vertu des dispositions de l'article 11 de la 6ème directive, constitue en principe l'assiette de la taxe, et d'asseoir l'imposition d'office sur une base plus élevée qu'à la condition d'établir que celle-ci correspond à la valeur vénale réelle des biens en cause ;
Sur le bien-fondé :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
6. Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la 6ème directive n° 77/388/CEE du Conseil des communautés européennes en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires : " A. À l'intérieur du pays 1. La base d'imposition est constituée : a) pour les livraisons de biens et les prestations de services autres que celles visées sous b), c) et d), par tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers (...) " ; qu'aux termes de l'article 27 de la même directive : " 1. Le Conseil (...) peut autoriser tout État membre à introduire des mesures particulières dérogatoires à la présente directive, afin de simplifier la perception de la taxe ou d'éviter certaines fraudes ou évasions fiscales (...) 5. Les États membres qui appliquent, au 1er janvier 1977, des mesures particulières du type de celles visées au paragraphe 1 peuvent les maintenir, à la condition de les notifier à la Commission avant le 1er janvier 1978 (...) " ; qu'aux termes de l'article 257 du code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur : " Sont (...) soumis à la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 7° Les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles (...) " ; qu'aux termes de l'article 266 du même code dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) 2. En ce qui concerne les opérations entrant dans le champ d'application du 7° de l'article 257, la taxe sur la valeur ajoutée est assise (...) b. pour les mutations à titre onéreux ou les apports en société sur : (...) la valeur vénale réelle des biens, établie dans les conditions prévues à l'article L17 du livre des procédures fiscales, si cette valeur est supérieure au prix (...) " ;
7. Considérant, d'une part, que pour l'application des dispositions de l'article L. 17 du livre des procédures fiscales les termes de comparaison choisis par l'administration doivent être appropriés ; que, d'autre part, il y a lieu de procéder à la comparaison entre le prix ou l'évaluation retenue par les parties à l'opération imposée en prenant en considération non seulement les caractéristiques du bien mais également les conditions juridiques et économiques de l'opération taxable ;
8. Considérant que, sous la condition que la minoration de prix en cause soit significative et délibérée, la réévaluation faite par l'administration, en application des dispositions citées plus haut du 2e alinéa du b du 2 de l'article 266 du code général des impôts dans les conditions définies ci-dessus, entre dans le champ d'application de la dérogation notifiée le 23 décembre 1977 à la Commission, sur le fondement du 5 de l'article 27 de la directive précitée ; que, dans ce cas, l'administration ne fait que rétablir les véritables conditions de l'opération et permet un assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée dans des conditions qui, compte tenu des exigences pesant sur l'administration, ne sont pas excessives et permettent de respecter les principes régissant la taxe sur la valeur ajoutée, notamment celui de neutralité ; que le pouvoir de l'administration de s'écarter du prix de vente stipulé d'un bien pour y substituer la valeur vénale de ce bien n'est dès lors pas incompatible avec les objectifs de la directive du 16 mai 1977 et ne méconnait pas le principe de proportionnalité issu du droit de l'Union européenne ;
9. Considérant que par la référence aux conditions de la troisième vente intervenue dans les conditions susrappelées, l'administration établit, ainsi qu'il lui incombe de le faire, que les minorations de prix lors de la vente des immeubles à M. A...et M. B...par la société civile La Loi Corly sont significatives ; que M. A...et M. B...avaient, par les deux sociétés interposées dont ils détenaient l'intégralité des parts, des liens étroits avec la société venderesse ; qu'ainsi, alors même qu'elle n'a pas assorti la rectification d'une pénalité pour manquement délibéré, l'administration apporte la preuve qui lui incombe d'une volonté d'évasion fiscale ;
En ce qui concerne le bénéfice de la doctrine administrative :
10. Considérant que les prévisions de la doctrine administrative contenue dans le bulletin officiel des impôts BOI 8 A-3-04 du 7 juin 2004, au demeurant postérieure à l'imposition litigieuse, selon lesquelles il appartient à l'administration d'établir la preuve de la fraude ou de l'évasion fiscale pour mettre en oeuvre un redressement en matière de taxe sur la valeur ajoutée sur la valeur vénale et non sur le prix stipulé dans l'acte, ne contiennent aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle qui a été énoncée ci-dessus ; que la requérante n'est dés lors pas fondée à s'en prévaloir sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société civile La Loi Corly n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la société civile La Loi Corly la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société civile La Loi Corly est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile La Loi Corly et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience du 4 mars 2014, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Samson, président-assesseur,
Mme Terrade, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 avril 2014.
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N° 13LY00505