Vu l'ordonnance n° 373441 du 4 décembre 2013 par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, a attribué le jugement des requêtes de M. C...et de Mme C...à la cour administrative d'appel de Lyon ;
Vu, I, sous le n° 12LY22665, la requête, enregistrée le 3 juillet 2012, présentée pour M. A... C..., domicilié ... ;
M. C...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement nos 1102163-1102170 du 14 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant, à l'annulation, d'une part, de la décision du 25 mai 2011 par laquelle le président du conseil général du Gard a suspendu son agrément d'assistant familial pour une durée de quatre mois et, d'autre part, de celle du 9 juin 2011 par laquelle la même autorité l'a suspendu de ses fonctions pour une durée de quatre mois ;
2°) d'annuler lesdites décisions ;
3°) d'enjoindre au président du conseil général du Gard de réexaminer sa situation conformément au sens de l'arrêt prononcé dans un délai de deux mois ;
4°) de mettre à la charge du département du Gard une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
il soutient que :
- le principe de la présomption d'innocence consacré par l'article 9 de la Déclaration de 1789 et par l'article 6§2 de la convention européenne des droits de l'homme doit prévaloir dès lors qu'aucune enquête administrative n'a été diligentée afin de vérifier la crédibilité des accusations formulées par l'enfant et qu'à ce jour, la véracité des faits reprochés n'est pas établie ;
- les principes qui s'appliquent en matière de retrait d'agrément doivent prévaloir également en matière de suspension ;
- compte tenu de ses conséquences financières, la suspension n'a pas un caractère conservatoire mais constitue une sanction disciplinaire ;
- la sécurité des enfants étant assurée par leur placement dans un autre foyer, l'administration a la possibilité de l'affecter à un autre emploi ;
- la présomption d'innocence prise en compte dans le cadre des procédures pénales, doit également s'appliquer dans le cadre d'une procédure administrative disciplinaire ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu la mise en demeure adressée le 27 janvier 2014 à la SCP Vinsonneau-Palies Noy Gauer et Associés, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;
Vu l'ordonnance en date du 27 janvier 2014 fixant la clôture d'instruction au 7 mars 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 février 2014, présenté pour le département du Gard qui conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. C...d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
il soutient que :
- la requête est irrecevable dès lors que le requérant ne justifie ni s'être acquitté de la contribution pour l'aide juridique, ni avoir déposé une demande d'aide juridictionnelle ;
- la suspension d'agrément est une mesure provisoire qui est prise afin d'assurer la protection immédiate des mineurs à partir d'un faisceau d'éléments objectifs établissant une suspicion de mauvais traitements ;
- la suspension de l'agrément, liée à l'engagement d'une action pénale à l'encontre de M.C..., fait suite à un dépôt de plainte et a été l'objet d'une enquête diligentée par le pôle médico-judiciaire ;
- suite au placement de ce dernier sous contrôle judicaire, avec obligation de cesser ses activités d'assistant familial, il était dans l'obligation de suspendre l'agrément du requérant qui ne pouvait plus accueillir d'enfants à son domicile ;
- cette mesure n'a pas pour effet de porter atteinte à la présomption d'innocence ;
- le président du conseil général était tenu de prendre une décision de suspension de fonction à la suite de la suspension d'agrément ;
- en cas d'annulation du jugement de première instance, il y aura lieu pour la Cour de constater que les décisions litigieuses ne sont entachées d'aucune incompétence et que les dispositions obligatoires du code de l'action sociale et des familles ont été mentionnées ;
Vu l'ordonnance du 3 mars 2014, portant réouverture de l'instruction, en application de l'article R. 613-4 du code de justice administrative ;
Vu, II, sous le n° 12LY22666, la requête, enregistrée le 3 juillet 2012, présentée pour Mme D...C..., domiciliée... ;
Mme C...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement nos 1102173-1102177 du 14 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de la décision du 25 mai 2011 par laquelle le président du conseil général du Gard a suspendu son agrément d'assistante familiale pour une durée de quatre mois et, d'autre part, de celle du 9 juin 2011 par laquelle la même autorité l'a suspendue de ses fonctions pour une durée de quatre mois ;
2°) d'annuler lesdites décisions ;
3°) d'enjoindre au président du conseil général du Gard de réexaminer sa situation conformément au sens de l'arrêt prononcé dans un délai de deux mois ;
4°) de mettre à la charge du département du Gard une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elle soutient que :
- le principe de la présomption d'innocence consacré par l'article 9 de la Déclaration de 1789 et par l'article 6 §2 de la convention européenne des droits de l'homme doit prévaloir dès lors qu'aucune enquête administrative n'a été diligentée afin de vérifier la crédibilité des accusations formulées par l'enfant à l'encontre de son conjoint et qu'à ce jour, la véracité des faits reprochés n'est pas établie ;
- la sécurité des enfants étant assurée par leur placement dans un autre foyer, l'administration a la possibilité de l'affecter à un autre emploi ;
- la présomption d'innocence prise en compte dans le cadre des procédures pénales, doit également s'appliquer dans le cadre d'une procédure administrative disciplinaire ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu la mise en demeure adressée le 27 janvier 2014 à la SCP Vinsonneau-Palies Noy Gauer et Associés, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;
Vu l'ordonnance en date du 27 janvier 2014 fixant la clôture d'instruction au 7 mars 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 février 2014, présenté pour le département du Gard qui conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme C...d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
il soutient que :
- la requête est irrecevable dès lors que la requérante ne justifie ni s'être acquittée de la contribution pour l'aide juridique, ni avoir déposé une demande d'aide juridictionnelle ;
- la suspension d'agrément est une mesure provisoire qui est prise afin d'assurer la protection immédiate des mineurs à partir d'un faisceau d'éléments objectifs établissant une suspicion de mauvais traitements ;
- la suspension de l'agrément est liée à l'engagement d'une action pénale à l'encontre de son époux, fait suite à un dépôt de plainte et a été l'objet d'une enquête diligentée par le pôle médico-judiciaire ;
- suite au placement de son époux sous contrôle judicaire, avec obligation de cesser ses activités d'assistant familial, il était dans l'obligation de suspendre l'agrément de la requérante qui ne pouvait plus accueillir d'enfants à son domicile ;
- cette mesure n'a pas pour effet de porter atteinte à la présomption d'innocence ;
- le président du conseil général était tenu de prendre une décision de suspension de fonction à la suite de la suspension d'agrément ;
- en cas d'annulation du jugement de première instance, il y aura lieu pour la Cour de constater que les décisions litigieuses ne sont entachées d'aucune incompétence et que les dispositions obligatoires du code de l'action sociale et des familles ont été mentionnées ;
Vu l'ordonnance du 3 mars 2014, portant réouverture de l'instruction, en application de l'article R. 613-4 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de l'action sociale et des familles ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 mai 2014 :
- le rapport de Mme Courret, président-assesseur ;
- les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;
- et les observations de MeB..., représentant le département du Gard ;
1. Considérant que les requêtes susvisées n° 12LY22665 et n° 12LY22666, présentées pour M. A...C...et Mme D...C...présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
2. Considérant que M. et Mme C...qui disposaient d'un agrément en qualité d'assistant familial salarié du département du Gard, relèvent appel des jugements du 14 juin 2012 par lesquels le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leurs demandes tendant, à l'annulation, d'une part, des décisions du 25 mai 2011 par lesquelles le président du conseil général du Gard a suspendu leur agrément d'assistant familial pour une durée de quatre mois et, d'autre part, celles du 9 juin 2011 par lesquelles cette même autorité les a suspendus de leurs fonctions pour une durée de quatre mois ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 421-2 du code de l'action sociale et des familles : " L'assistant familial est la personne qui, moyennant rémunération, accueille habituellement et de façon permanente des mineurs et des jeunes majeurs de moins de vingt et un ans à son domicile. Son activité s'insère dans un dispositif de protection de l'enfance, un dispositif médico-social ou un service d'accueil familial thérapeutique. Il exerce sa profession comme salarié de personnes morales de droit public ou de personnes morales de droit privé dans les conditions prévues par les dispositions du présent titre ainsi que par celles du chapitre III du présent livre, après avoir été agréé à cet effet. / L'assistant familial constitue, avec l'ensemble des personnes résidant à son domicile, une famille d'accueil. " ; qu'aux termes de l'article L. 421-6 du même code : " (...) Si les conditions de l'agrément cessent d'être remplies, le président du conseil général peut, après avis d'une commission consultative paritaire départementale, modifier le contenu de l'agrément ou procéder à son retrait. En cas d'urgence, le président du conseil général peut suspendre l'agrément. Tant que l'agrément reste suspendu, aucun enfant ne peut être confié (...). " ; qu'aux termes de l'article L. 423-8 dudit code : " En cas de suspension de l'agrément, l'assistant maternel ou l'assistant familial relevant de la présente section est suspendu de ses fonctions par l'employeur pendant une période qui ne peut excéder quatre mois. (...). " ;
4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il incombe au président du conseil général de s'assurer que les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des enfants accueillis et de procéder au retrait de l'agrément si ces conditions ne sont plus remplies ; qu'à cette fin, dans l'hypothèse où il est informé de suspicions de comportements susceptibles de compromettre la santé, la sécurité ou l'épanouissement d'un enfant, notamment de suspicions d'agression sexuelle, de la part du bénéficiaire de l'agrément ou de son entourage, il lui appartient de tenir compte de tous les éléments portés à la connaissance des services compétents du département ou recueillis par eux et de déterminer si ces éléments sont suffisamment établis pour lui permettre raisonnablement de penser que l'enfant est victime des comportements en cause ou risque de l'être ; qu'il peut, en outre, si la première appréciation de ces éléments révèle une situation d'urgence, procéder à la suspension de l'agrément ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, qu'à la suite d'une plainte pour atteinte d'ordre sexuel, déposée le 9 mai 2011, par la mère d'une des enfants accueillis par M. C... dans le cadre de son agrément d'assistant familial, et l'audition de l'enfant par le pôle médico-judiciaire, centre d'accueil en urgence des victimes d'agression, le requérant a été placé en garde à vue pour les faits qui lui étaient reprochés ; que, par une ordonnance du 25 mai 2011 du juge des libertés et de la détention, M. C...a été placé sous contrôle judiciaire qui lui a notamment interdit tout contact avec les mineurs actuellement accueillis et ceux qui ont été placés au cours des années précédentes ainsi que d'exercer toute activité de contact, d'accueil et d'hébergement de mineurs de 18 ans ; que dans ces circonstances, sans qu'il soit besoin d'organiser des investigations supplémentaires, et eu égard au caractère de mesure conservatoire que revêt une décision de suspension d'agrément, le président du département du Gard pouvait considérer, ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, que M.C..., et par voie de conséquence son épouse qui exerçait son activité au domicile familial, comme ne présentant plus les garanties requises pour l'accueil de mineurs et comme pouvant légalement faire l'objet d'une mesure de suspension de leurs agréments et, par voie de conséquence, d'une suspension de leurs fonctions ;
6. Considérant que la mesure de suspension est une mesure conservatoire prise dans l'intérêt du service et ne constitue pas une sanction disciplinaire ; que par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à la présomption d'innocence et de ce que les faits reprochés ne sont toujours pas établis ne peuvent, en tout état de cause, qu'être écartés ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée en défense, que M. et Mme C...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leurs demandes ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions des requêtes à fin d'annulation, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que les conclusions des requérants à fin d'injonction ne peuvent donc qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département du Gard, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, les sommes demandées par M. et MmeC..., au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme C...la somme demandée par le département du Gard, au même titre ;
DECIDE :
Article 1er : Les requêtes de M. C... et de Mme C...sont rejetées.
Article 2 : Les conclusions du département du Gard tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Mme D...C...et au département du Gard.
Délibéré après l'audience du 20 mai 2014, à laquelle siégeaient :
- M. Martin, président de chambre,
- Mme Courret, président-assesseur,
- Mme Déche, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 juin 2014.
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