Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 mai et 23 septembre 2013, présentés pour M. B... C..., domicilié ...;
M. C... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1201175 du 6 novembre 2012 du tribunal administratif de Dijon ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 28 juin 2010 par lequel le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités locales et de l'immigration a prononcé sa révocation et de l'arrêté du 8 décembre 2011 par lequel il a maintenu la sanction ;
2°) d'annuler lesdits arrêtés ;
3°) d'enjoindre au ministre de le réintégrer, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) d'ordonner la restitution des demi-traitements retenus pendant la prolongation de la période de suspension de ses fonctions, comprise entre le 30 mai 2005 et le 3 août 2006, soit la somme de 17 131,52 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de l'arrêt à intervenir et capitalisation des intérêts ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour ce conseil de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
il soutient que :
- le tribunal administratif a outrepassé ses pouvoirs en indiquant que son épouse ne pouvait s'évader qu'au risque d'une escalade dangereuse ; il s'est ainsi livré à une interprétation des faits excédant l'autorité de la chose jugée quant au dispositif de l'arrêt de la cour d'appel de Paris, laquelle s'est bornée à requalifier les faits en se fondant sur les déclarations contradictoires des prévenus, sans porter d'appréciation sur les éléments matériels relevés par le juge correctionnel ;
- la décision de révocation se fonde sur des faits de violences répétitives qui auraient été commis avant le 23 octobre 2004, dont la matérialité n'est pas établie et qui n'ont pas été retenus par le juge judiciaire ;
- la sanction est disproportionnée au regard de ses états de service, du contexte familial dans lequel sont intervenus les faits qui lui sont reprochés et de leur caractère privé ; il a toujours contesté la réalité des faits qui lui sont reprochés ;
- sa suspension à demi-traitement ayant été prolongée de manière illégale, faute de mise en mouvement de l'action publique à l'expiration du délai de quatre mois prévu à l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983, il est fondé à solliciter la restitution des traitements non perçus au cours de la période comprise entre le 30 mai 2005 et le 3 août 2006 ; cette restitution résultera, en tout état de cause, de l'annulation des arrêtés prononçant sa révocation ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu l'ordonnance en date du 31 juillet 2013, par laquelle, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 septembre 2013 ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2013, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête ;
il soutient que :
- les constatations de faits retenues par le juge pénal s'imposent au juge administratif ;
- les faits qui ont fondé la sanction sont ceux pour lesquels M. C...a été condamné ; leur matérialité est établie ;
- la sanction retenue contre M. C...n'est pas disproportionnée, notamment au regard des obligations qui s'attachent à sa fonction ;
- à titre principal, l'exception d'illégalité invoquée par le requérant est irrecevable ; à titre subsidiaire, l'arrêté du 30 mai 2005 est légal, dès lors que M. C...faisait l'objet de poursuites pénales à la date à laquelle il a été pris ;
Vu l'ordonnance en date du 1er octobre 2013, par laquelle, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 octobre 2013 ;
Vu la lettre en date du 6 novembre 2014 par laquelle la cour administrative d'appel a informé les parties qu'elle était susceptible, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de soulever d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité, pour tardiveté, des conclusions dirigées contre l'arrêté du 30 mai 2005 prononçant la suspension à demi-traitement de M.C... ;
Vu la décision du 17 mars 2013 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section cour administrative d'appel) a accordé à M. C... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
Vu le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale ;
Vu le décret n° 86-592 du 18 mars 1986 portant code de déontologie de la police nationale ;
Vu le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 novembre 2014 :
- le rapport de Mme Peuvrel, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Clément, rapporteur public ;
- et les observations de MeA..., représentant M.C... ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation des arrêtés du 28 juin 2010 et du 8 décembre 2011 :
1. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 18 mars 1986 susvisé, dans sa version en vigueur à la date des actes contestés : " La police nationale concourt, sur l'ensemble du territoire, à la garantie des libertés et à la défense des institutions de la République, au maintien de la paix et de l'ordre public et à la protection des personnes et des biens. " ; qu'aux termes de l'article 6 du même texte : " Tout manquement aux devoirs définis par le présent code expose son auteur à une sanction disciplinaire, sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale. " ; que selon son article 7 : " Le fonctionnaire de la police nationale est loyal envers les institutions républicaines. Il est intègre et impartial ; il ne se départit de sa dignité en aucune circonstance. / Placé au service du public, le fonctionnaire de police se comporte envers celui-ci d'une manière exemplaire. / Il a le respect absolu des personnes, quelles que soient leur nationalité ou leur origine, leur condition sociale ou leurs convictions politiques, religieuses ou philosophiques. " ; que son article 8 dispose : " Le fonctionnaire de la police nationale est tenu, même lorsqu'il n'est pas en service, d'intervenir de sa propre initiative pour porter assistance à toute personne en danger, pour prévenir ou réprimer tout acte de nature à troubler l'ordre public et protéger l'individu et la collectivité contre les atteintes aux personnes et aux biens. " ; qu'enfin, aux termes de l'article 29 du décret du 9 mars 1995 susvisé : " Le fonctionnaire actif des services de la police nationale doit, en tout temps, qu'il soit ou non en service, s'abstenir en public de tout acte ou propos de nature à porter la déconsidération sur le corps auquel il appartient ou à troubler l'ordre public. " ;
2. Considérant que M. C...a été recruté au sein de la police nationale le 5 janvier 1999 et titularisé en qualité de gardien de la paix le 1er janvier 2001 ; qu'ayant été placé en garde à vue le 25 janvier 2005 pour violences et complicité d'enlèvement et de séquestration sur son épouse, il a été suspendu de ses fonctions à plein traitement à compter du 31 janvier 2005, puis à demi-traitement par arrêté du 31 mai 2005 ; qu'il a été réintégré le 3 août 2006 ; que, par un arrêt du 10 décembre 2009, la cour d'appel de Paris a condamné M. C... à un an d'emprisonnement avec sursis assorti d'une mise à l'épreuve de deux ans avec obligation de réparer en tout ou partie les dommages causés ; que le conseil de discipline du corps d'encadrement d'application des compagnies républicaines de sécurité (CRS), réuni le 6 mai 2010, n'a pas proposé de sanction, aucune proposition n'ayant recueilli la majorité des voix ; que, par arrêté du 28 juin 2010, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales a prononcé la révocation de M. C...pour manquement grave à ses obligations statutaires et déontologiques et comportement portant atteinte à la dignité de ses fonctions et à la considération du corps auquel il appartient, incompatible avec sa qualité de fonctionnaire de la police nationale ; qu'après avis de la commission de recours du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat, le ministre de l'intérieur a maintenu la sanction de révocation par arrêté du 8 décembre 2011 ; que M. C...relève appel du jugement du 6 novembre 2012 du tribunal administratif de Dijon ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés ;
3. Considérant, en premier lieu, que l'autorité de la chose jugée au pénal s'impose aux autorités et juridictions administratives en ce qui concerne les constatations de faits que les juges répressifs ont retenues et qui sont le support nécessaire de leurs décisions ; qu'il ressort des termes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Dijon a exposé les faits reprochés à M. C...tels qu'ils ont été constatés dans l'arrêt de la cour d'appel de Paris, laquelle, pour fonder sa décision, en a établi la matérialité sans que cette reconnaissance se borne à requalifier ceux retenus par le tribunal correctionnel ; que, par suite, M. C...n'est pas fondé à soutenir que le tribunal administratif aurait outrepassé ses pouvoirs en se livrant à une interprétation des faits excédant l'autorité de la chose jugée s'attachant au dispositif de l'arrêt de la cour d'appel de Paris ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que la décision de révocation se fonde exclusivement sur les faits pour lesquels M. C...a été condamné pénalement, et notamment sur les violences commises sur son épouse le 23 novembre 2004, dont la matérialité est établie ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que les arrêtés contestés auraient été pris en tenant compte de violences répétitives qui seraient survenues avant cette date doit être écarté comme manquant en fait ;
5. Considérant qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes ;
6. Considérant, en troisième lieu, que l'épouse du requérant a porté plainte contre lui le 2 décembre 2004 pour des faits de violence subis le 23 novembre 2004 et pour avoir été enlevée le 23 octobre 2004 par sa belle-mère et la mère de cette dernière, puis séquestrée chez les grands-parents de son époux jusqu'au 6 novembre 2004, période au cours de laquelle elle a été séparée de leur enfant, ces événements s'étant déroulés avec l'accord de son conjoint, lequel se trouvait alors en déplacement professionnel ; que la cour d'appel de Paris a considéré ces faits établis et déclaré M. C...coupable de violences volontaires sur conjoint ayant entraîné une incapacité totale de travail d'un jour, le 23 novembre 2004, et de complicité d'enlèvement, séquestration ou détention arbitraire suivie d'une libération avant le septième jour, faits pour lesquels elle l'a condamné à un an d'emprisonnement avec sursis assorti d'une mise à l'épreuve de deux ans avec obligation de réparer en tout ou partie les dommages causés ; que, dans son avis rendu le 5 avril 2011, la commission de recours du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat a recommandé au ministre de l'intérieur de substituer à la sanction de révocation une sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de vingt-quatre mois ;
7. Considérant que les agissements de M. C...constituent des fautes de nature à justifier une sanction disciplinaire ; que, si M. C...soutient qu'ils présentent un caractère isolé, sont intervenus dans un contexte de fortes tensions au sein du couple et de la famille, en particulier entre son épouse et sa mère, qu'il se trouvait en déplacement professionnel au moment des faits, que la cour d'appel n'a pas prononcé de peine complémentaire et a exclu la mention de la condamnation au casier judiciaire, qu'il justifie d'états de service satisfaisants et que son fils souffre d'une maladie génétique rare nécessitant à vie des frais médicaux lourds, ces circonstances ne permettent pas de considérer que la sanction de révocation prise par le ministre de l'intérieur le 28 juin 2010 et confirmée le 8 décembre 2011 serait disproportionnée eu égard aux manquements aux obligations déontologiques dont s'est rendu coupable M.C..., qui sont de nature à porter une atteinte grave à la dignité de ses fonctions et à la réputation du corps auquel il appartient et sont incompatibles avec la qualité d'agent de la police nationale ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés ministériels des 28 juin 2010 et 8 décembre 2011 ;
Sur les conclusions devant être regardées comme tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 mai 2005 prononçant la suspension de M. C...avec demi-traitement :
9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté susmentionné a été notifié à M. C...le 31 mai 2005, date à laquelle il a pris effet ; que, par suite, les conclusions de la requête tendant à son annulation sont irrecevables ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
10. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation des arrêtés attaqués, n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; que, par suite, les conclusions de M. C...tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au ministre de l'intérieur de le réintégrer dans ses fonctions ne peuvent être accueillies ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que M. C...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 18 novembre 2014, à laquelle siégeaient :
M. Martin, président de chambre,
Mme Courret, président-assesseur,
Mme Peuvrel, premier conseiller.
Lu en audience publique le 9 décembre 2014.
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N° 13LY01259