Vu la requête, enregistrée à la Cour le 30 juin 2014, présentée pour Mme A...B...épouseC..., domiciliée... ;
Mme B...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1400357 du 28 mai 2014 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 23 décembre 2013 par lesquelles le préfet de la Haute-Savoie a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
2°) d'annuler les décisions susmentionnées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elle soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle présente un syndrome du canal carpien bilatéral opéré à gauche et qu'une intervention est prévue à droite en cas de persistance des troubles ; que les conséquences d'une interruption de la prise en charge de son état de santé pourraient être graves au plan fonctionnel ; son médecin indique ne détenir aucune information sur les possibilités de prise en charge au Kosovo ; elle ne sera pas en mesure de suivre les soins appropriés à sa pathologie dans ce pays ; elle peut, nonobstant l'existence d'un traitement adapté dans son pays d'origine, bénéficier d'un titre de séjour en raison de circonstances humanitaires exceptionnelles ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en raison de l'ancienneté de son séjour sur le territoire national, où elle s'est réfugiée avec son époux et où sont nés en 2009 et 2012 ses deux enfants alors qu'elle a conservé peu de liens avec son pays d'origine ; investie dans la scolarité de son fils, elle s'est intégrée, avec sa famille, par ses efforts pour maîtriser la langue française et pour accéder au monde du travail ;
- le refus de séjour méconnaît, en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour, les dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du même code en raison de l'impossibilité d'accès aux soins au Kosovo et de la faiblesse de ses ressources ;
- l'arrêté en litige méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison des graves menaces dont elle a été victime de la part de son beau-père ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été notifiée au préfet de la Haute-Savoie qui n'a pas produit d'observations ;
Vu la décision du 6 août 2014 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section cour administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à MmeB... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Sur sa proposition, le rapporteur public a été dispensé de prononcer des conclusions à l'audience, en application de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative, par le président de la formation de jugement ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 mai 2015 :
- le rapport de M. Martin, président ;
1. Considérant que Mme A...B..., de nationalité kosovare, née en 1989, est entrée irrégulièrement sur le territoire français le 27 juin 2009 en compagnie de son époux ; que le couple a donné naissance en août 2009 et en février 2012 à deux enfants ; que sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 11 février 2010 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile, le 14 mars 2011 ; qu'elle a obtenu le 16 décembre 2011, au titre des dispositions de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une autorisation provisoire de séjour renouvelée du 8 juin 2012 au 7 décembre 2012 ; qu'une carte de séjour temporaire valable jusqu'au 20 décembre 2013 portant la mention " vie privée et familiale " lui a été délivrée le 21 décembre 2012 ; que le 23 septembre 2013, elle a sollicité le renouvellement de sa carte de séjour temporaire sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par les décisions contestées du 23 décembre 2013, le préfet de la Haute-Savoie a rejeté cette demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays à destination duquel elle serait reconduite d'office à l'issue de ce délai ; que Mme B...relève appel du jugement du 28 mai 2014 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;
Sur la décision de refus de délivrance de titre de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence(...). Le médecin de l'agence régionale de santé (...) peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. (...). / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. (...). / Le préfet peut, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, prendre en considération une circonstance humanitaire exceptionnelle pour délivrer la carte de séjour temporaire même s'il existe un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. " ;
3. Considérant que Mme B...soutient que les soins dont elle a besoin ne sont pas disponibles au Kosovo ; que, toutefois, le médecin de l'agence régionale de santé, dans son avis rendu le 10 octobre 2013, a indiqué que l'état de santé de la requérante nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il existe un traitement approprié dans son pays d'origine, et que les soins devaient en l'état actuel être poursuivis pendant une période minimale de trois mois ; que l'intéressée produit un certificat établi le 26 septembre 2013 par un médecin agréé qui précise qu'elle présente un syndrome du canal carpien bilatéral opéré à gauche et qu'une intervention est prévue à droite en cas de persistance des troubles ; que ce certificat indique également que l'interruption de la prise en charge temporaire de son état de santé pourrait avoir des conséquences graves au plan fonctionnel et souligne l'absence d'informations dont ce praticien dispose sur la capacité de prise en charge, au Kosovo, de cette pathologie ; que, toutefois, en se bornant à citer ces mentions ainsi que les autres observations du même ordre que ce certificat comporte, en se référant de manière générale à un rapport de l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR) daté du 1er septembre 2010 et à un document de conseil aux voyageurs édité par le ministère des affaires étrangères, Mme B...ne présente aucun élément de nature à contredire sérieusement l'avis précité du médecin de l'agence régionale de santé selon lequel le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il existe un traitement approprié dans son pays d'origine ; qu'elle ne justifie pas davantage, par les mêmes éléments, nonobstant l'ancienneté de son séjour et l'intégration alléguées, des circonstances humanitaires exceptionnelles prévues par les dispositions précitées dont elle n'établit d'ailleurs pas s'être prévalue à l'appui de sa demande et que le préfet aurait illégalement écartées ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes du 7° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; " ;
5. Considérant que Mme B...fait valoir la durée de son séjour en France avec son époux, la naissance sur le sol français, en 2009 et 2012, de ses enfants, l'intégration de sa famille, ses efforts pour maîtriser la langue française et son implication dans la scolarité de son fils aîné ; qu'elle produit les contrats à durée déterminée, les attestations et bulletins de paye relatifs aux emplois à temps partiel qu'elle a occupés et aux formations qu'elle a suivies de 2013 jusqu'en mai 2014 ; que, toutefois, entrée irrégulièrement en France le 27 juin 2009, en dépit des attestations favorables et des promesses d'embauche, au demeurant hypothétiques et postérieures à la décision attaquée, qu'elle produit, elle ne démontre pas l'existence d'autres liens privés ou familiaux en France alors que son père, sa mère, ses deux soeurs et quatre frères se trouvent dans son pays d'origine ; que rien ne s'oppose, au Kosovo, à la reconstitution de son foyer avec son époux concerné par la même mesure de police et avec ses enfants dont il n'est pas démontré qu'ils ne pourraient pas y être scolarisés ; que, dès lors, dans les circonstances de l'espèce et eu égard aux conditions et à la durée de son séjour en France, la décision de refus de séjour ne porte pas au droit de Mme B...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus ; qu'elle n'a, dès lors, méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour (...). " ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 de ce même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. (...). " ;
7. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du titre de séjour du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; que Mme B...ne remplissant pas les conditions du 7° et du 11° de cet article, le préfet de la Haute-Savoie n'était pas tenu de consulter la commission du titre de séjour avant de lui refuser la délivrance d'un titre de séjour sur ces fondements ;
Sur la décision faisant obligation de quitter le territoire français :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ; (...). " ; que Mme B...se borne à citer les considérations générales d'un rapport de l'OSAR du 1er septembre 2010 sur la situation sanitaire et sur l'indisponibilité des soins au Kosovo, les recommandations du ministère du travail ainsi que celles adressées par le ministère des affaires étrangères aux voyageurs français qui se rendent dans ce pays, et invoque, sans au demeurant en apporter la justification, la faiblesse de ses ressources qui lui interdirait cet accès aux soins ; que, toutefois, ce faisant, elle ne contredit utilement l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ni en ce qu'il mentionne l'existence d'un traitement approprié à sa pathologie dans son pays d'origine ni, à plus forte raison, en ce qu'il estime que le défaut de prise en charge de son état de santé ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité ; qu'en conséquence et compte-tenu de ce qui a été dit ci-dessus au point 3, le moyen tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;
Sur la décision désignant le pays de destination :
9. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants. " ; que Mme B..., dont la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile, ne produit aucune pièce de nature à établir la réalité des menaces dont elle pourrait être victime au Kosovo ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par elle et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...épouse C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.
Délibéré après l'audience du 19 mai 2015 à laquelle siégeaient :
M. Martin, président de chambre,
Mme Courret, président-assesseur,
Mme Dèche, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 juin 2015.
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N° 14LY02027