Vu la requête, enregistrée à la Cour le 11 juillet 2014 sous le n° 14LY02143, présentée par le préfet du Rhône ;
le préfet du Rhône demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1403806, du 27 mai 2014, en tant que, par les articles 2 et 3 de ce jugement, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 22 mai 2014 par laquelle il a décidé du placement en rétention administrative de M. A...C...et a mis à la charge de l'Etat une somme de 400 euros, à verser au conseil de ce dernier ;
2°) de rejeter les conclusions présentées par M.C... devant le tribunal administratif de Lyon ;
il soutient que :
- sa requête est recevable ;
- le premier juge ne pouvait sans erreur de droit à la fois estimer que l'urgence et la menace à l'ordre public que représente M. C...justifiaient l'absence de délai de départ volontaire, et juger que sa décision de placement en rétention méconnaissait les dispositions de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; en effet, l'intéressé présentait un risque de se soustraire à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;
- les perspectives raisonnables de reconduire M. C...sans le placer en rétention administrative étaient, sans erreur manifeste d'appréciation, vouées à l'échec dès lors qu'il s'était soustrait à une première décision d'éloignement, en raison de son comportement, de l'urgence et de la menace grave qu'il représentait pour l'ordre public ;
- l'intéressé ne justifiait pas offrir des garanties de représentation suffisantes ;
- le premier juge a commis une erreur de droit en mettant à la charge de l'Etat une somme de 400 euros à verser au conseil de M.C..., alors que les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 n'avaient pas été invoquées ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 avril 2015, M. C...conclut au rejet de la requête, à l'annulation de la décision l'obligeant à quitter sans délai le territoire et à la condamnation de l'Etat à verser à Me B...une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour cette dernière de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
- il fait valoir qu'au jour de la décision litigieuse, le préfet ne disposait d'aucun élément propre à caractériser un risque de soustraction à la mesure d'éloignement pris à son encontre ; que l'ensemble des décisions notifiées le 22 mai 2014 doivent être annulées à raison d'une insuffisance de motivation ; que ne constituant aucune menace pour l'ordre public, l'obligation de quitter le territoire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu la lettre en date du 22 avril 2015 informant les parties, conformément à l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de soulever d'office un moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions incidentes de M.C..., présentées après l'expiration du délai de recours et soulevant un litige différent de celui qui résulte de l'appel principal du préfet du Rhône ;
Vu la décision du 20 novembre 2014 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section cour administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M.C... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Vu la décision par laquelle le président de la formation de jugement, sur proposition du rapporteur public, a dispensé celui-ci d'exposer ses conclusions à l'audience, en application de l'article L. 732-1 du code de justice administrative ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 mai 2015 :
- le rapport de M. Martin, président ;
1. Considérant que, par le jugement attaqué du 27 mai 2014, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 22 mai 2014 par laquelle le préfet du Rhône a décidé du placement en rétention administrative de M.C..., ressortissant roumain, au motif que cette décision méconnaissait les dispositions de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur les conclusions de l'appel incident de M. C... :
2. Considérant que le tribunal administratif de Grenoble a, par l'article 2 du jugement attaqué, annulé la décision du 22 mai 2014 par laquelle le préfet du Rhône a ordonné le placement en rétention de M. C...et, par l'article 4 du même jugement, rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de la décision distincte du même jour par laquelle le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français ; que l'appel du préfet du Rhône est limité à la contestation des articles 2 et 3 de ce jugement ; que les conclusions de l'appel incident de M. C..., dirigées contre l'article 4, enregistrées au greffe de la Cour le 10 avril 2015, après l'expiration du délai imparti pour former appel contre le jugement attaqué, dont M. C... doit être regardé comme ayant reçu notification le 13 juin 2014, et alors qu'il a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 26 novembre 2014 et notifiée le 10 décembre 2014, soulève un litige différent de celui qui résulte de l'appel principal ; que, dès lors, elles ne sont pas recevables ;
Sur l'appel principal :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...). " ; qu'aux termes de l'article L. 554-1 du même code : " Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toute diligence à cet effet. " ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation (...). " et qu'aux termes de l'article L. 511-1-II de ce code : " (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. (...). " ;
4. Considérant que pour décider de placer en rétention administrative M. C...sur le fondement du 6° de l'article L. 551-1 du code précité, le préfet du Rhône s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé, qui avait été mis en cause dans une affaire de recel de vol, ne justifiait ni de circonstances exceptionnelles, ni d'un document de voyage en cours de validité, obligeant ainsi l'administration à solliciter auprès des autorités roumaines la délivrance d'un laissez-passer consulaire ; que l'absence de moyen de transport immédiat ne permettait pas son départ, et qu'il ne présentait pas les garanties de représentation suffisantes dès lors qu'il était sans domicile effectif, ne justifiait pas d'une activité professionnelle et ne disposait pas de ressources suffisantes ; que pour annuler cette décision au motif qu'elle avait méconnu les dispositions précitées, le tribunal administratif a relevé que l'intéressé établissait disposer avec sa famille d'une résidence dans un foyer et qu'il était en possession d'un passeport roumain en cours de validité lui permettant notamment de voyager de France vers son pays d'origine ;
5. Considérant, toutefois, que M. C...n'a remis son passeport au service de la police aux frontières qu'après son placement en rétention ; qu'il n'est pas contesté, comme le relève la décision attaquée, que l'absence de transport immédiat ne permettait pas son départ sans délai ; que s'il a produit deux attestations d'hébergement établies par le foyer Notre Dame des Sans Abris à Lyon, il avait déclaré lors de son interpellation le 22 mai 2014 en flagrant délit de vol avec dégradation, être sans domicile fixe et sans titre de séjour, qu'après son entrée en France, plus d'un an auparavant, il s'était installé à Lyon dans un camp et en région parisienne dans un hôtel ; qu'il avait auparavant fait l'objet, le 21 juin 2012, d'une décision du préfet de police de Paris lui faisant obligation de quitter le territoire français ; que M. C...a reconnu au cours de son audition être déjà connu des services de police et de justice pour recel et vol à l'étalage ; que, certes après la décision attaquée, il ne s'est pas présenté à l'embarquement du vol à destination de Bucarest pour lequel il avait été convoqué, se soustrayant ainsi une nouvelle fois à la décision d'éloignement, et a de nouveau été interpellé en flagrant délit de tentative de vol avec destruction et dégradation, faits pour lesquels il a été condamné à un mois d'emprisonnement et incarcéré ; qu'enfin, il ressort des pièces du dossier que M. C...a utilisé plusieurs identités au cours de son séjour en France ; que, dans ces conditions, il ne pouvait être regardé comme présentant les garanties de représentation permettant l'exécution de la mesure d'éloignement ; que par suite, le préfet du Rhône est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé sa décision ordonnant le placement en rétention de l'intéressé au motif qu'elle méconnaissait les dispositions précitées ;
6. Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés au soutien des conclusions présentées à l'encontre de la décision de placement en rétention devant le tribunal administratif ;
7. Considérant que, pour les motifs précédemment exposés, le moyen tiré de ce que la décision ordonnant le placement en rétention de M. C...serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que le préfet pouvait se borner, conformément à l'exigence alléguée de proportionnalité de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, à prendre une mesure d'assignation à résidence, doit être écarté ;
Sur la mise à la charge de l'Etat d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
9. Considérant qu'aux termes de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 : " Les auxiliaires de justice rémunérés selon un tarif peuvent renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et poursuivre contre la partie condamnée aux dépens et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle le recouvrement des émoluments auxquels ils peuvent prétendre./ Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à payer à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, partielle ou totale, une somme qu'il détermine et qui ne saurait être inférieure à la part contributive de l'Etat, au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. (...). " ;
10. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que l'Etat, compte-tenu de ce qui a précédemment été exposé, n'étant plus partie perdante, c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a mis à sa charge, à verser au conseil de M. C..., une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que le préfet du Rhône est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 22 mai 2014 ordonnant le placement en rétention administrative de M. C... et a mis à la charge de l'Etat le paiement au conseil de celui-ci d'une somme de 400 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Sur les conclusions de M. C...tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme quelconque au titre des frais exposés à l'occasion de la présente instance par M. C...et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement n° 1403806, en date du 27 mai 2014, du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Lyon tendant à l'annulation de la décision du préfet du Rhône, en date du 22 mai 2014 ordonnant son placement en rétention administrative et à ce qu'une somme au titre des frais non compris dans les dépens, soit mise à la charge de l'Etat, à verser à son conseil, est rejetée.
Article 3 : Les conclusions incidentes de M. C...ainsi que celles qu'il a présentées au titre des frais non compris dans les dépens sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 19 mai 2015 à laquelle siégeaient :
M. Martin, président de chambre,
Mme Courret, président-assesseur,
Mme Dèche, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 juin 2015.
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