Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A...B...a demandé au Tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du préfet de l'Isère du 8 novembre 2013 l'obligeant à quitter le territoire français, lui refusant un délai de départ volontaire, désignant le pays de renvoi et la plaçant en rétention administrative.
Par un jugement n° 1307676 du 12 novembre 2013, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé ces décisions.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 13 décembre 2013, le préfet de l'Isère demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 12 novembre 2013 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif.
Il soutient que le juge a commis une erreur en estimant que la décision faisant obligation à Mme B...de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 3° de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire enregistré le 11 mai 2015, présenté pour MmeB..., celle-ci conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que l'administration ne démontre pas que son comportement personnel constitue une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour l'ordre public.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Clot, président,
- et les observations de Me Matricon, avocat de MmeB....
Considérant ce qui suit :
1. MmeB..., ressortissante roumaine née le 28 juillet 1988, qui déclare être entrée sur le territoire français au début du mois de novembre 2013, a fait l'objet d'un contrôle par les services de police, le 8 novembre 2013, alors qu'elle se livrait sur la voie publique à une activité de racolage en vue de se prostituer. Le même jour, le préfet de l'Isère lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé tout délai de départ volontaire, a désigné la Roumanie comme pays à destination duquel elle pourrait être renvoyée d'office et a décidé son placement en rétention. Le préfet de l'Isère fait appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé ces décisions.
2. La directive du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres détermine les conditions dans lesquelles ceux-ci peuvent restreindre la liberté de circulation et de séjour d'un citoyen de l'Union européenne ou d'un membre de sa famille. L'article 27 de cette directive prévoit que, de manière générale, cette liberté peut être restreinte pour des raisons d'ordre public, de sécurité publique ou de santé publique, sans que ces raisons puissent être invoquées à des fins économiques. Ce même article prévoit que les mesures prises à ce titre doivent respecter le principe de proportionnalité et être fondées sur le comportement personnel de l'individu concerné, lequel doit représenter une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société. L'article 28 de la directive impose la prise en compte de la situation individuelle de la personne en cause avant toute mesure d'éloignement, notamment de la durée de son séjour, de son âge, de son état de santé, de sa situation familiale et économique, de son intégration sociale et culturelle et de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine. Ce même article prévoit une protection particulière pour les citoyens ayant acquis un droit de séjour permanent, à l'égard desquels des raisons impérieuses d'ordre public ou de sécurité publique doivent être établies, et pour ceux ayant séjourné dans l'Etat membre d'accueil pendant les dix années précédentes ainsi que pour les mineurs, dont l'éloignement doit reposer sur des motifs graves de sécurité publique.
3. Aux termes de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou un membre de sa famille à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : (...) / 3° (...) que, pendant la période de trois mois à compter de son entrée en France, son comportement personnel constitue une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française. / L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à sa situation, notamment la durée du séjour de l'intéressé en France, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle en France, et de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine. / L'étranger dispose, pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d'un délai qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à trente jours à compter de sa notification. A titre exceptionnel, l'autorité administrative peut accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. / L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel il est renvoyé en cas d'exécution d'office. (...) ".
4. Ces dispositions doivent être interprétées à la lumière des objectifs de la directive du 29 avril 2004 et notamment de ses articles 27 et 28 mentionnés au point 2. Il résulte à cet égard des termes mêmes du 3° de l'article L. 511-3-1, qui concerne des ressortissants d'un Etat membre qui ne sont pas entrés en France depuis plus de trois mois, qu'elles ne visent pas les personnes bénéficiant de la protection prévue à l'article 28 de la directive, quant au degré particulier de gravité des motifs d'ordre public dont un Etat membre doit justifier pour pouvoir prendre à leur encontre une mesure d'éloignement. Il appartient néanmoins à l'autorité administrative, qui ne saurait se fonder sur la seule existence d'une infraction à la loi, d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française, ces conditions étant appréciées en fonction de sa situation individuelle, notamment de la durée de son séjour en France, de sa situation familiale et économique et de son intégration.
5. Pour faire obligation à Mme B...de quitter le territoire français, le préfet de l'Isère s'est fondé sur les dispositions précitées du 3° de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sur la circonstance que l'intéressée, présente en France depuis moins de trois mois, a été contrôlée alors qu'elle se livrait sur la voie publique à une activité de racolage en vue de se prostituer, activité qui provoque des troubles à l'ordre public dans certaines parties des grands boulevards de la ville de Grenoble, et qu'ainsi, sa présence en France représente une menace, réelle, actuelle et suffisamment grave pour la sécurité publique au sens de ces dispositions.
6. Toutefois, si la prostitution qui s'exerce dans certains quartiers de Grenoble constitue une gêne pour le voisinage, il ne ressort pas des pièces du dossier que le comportement personnel de MmeB..., et spécialement les conditions dans lesquelles elle s'est adonnée à l'activité mentionnée ci-dessus, sont à l'origine de troubles à l'ordre public de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, ou représentent une menace réelle pour celle-ci. Les faits de racolage auxquels s'est livrée l'intéressée ne suffisent pas, en l'absence de circonstances particulières, à établir que sa présence en France est constitutive d'une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française. Ainsi, à la date de la décision l'obligeant à quitter le territoire français, Mme B... ne se trouvait pas dans le cas prévu au 3° de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Isère n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions en litige.
DECIDE :
Article 1er : La requête du préfet de l'Isère est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 21 mai 2015 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
Mme Cottier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 juin 2015.
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N° 13LY03253