Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SAS Lim a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer le remboursement, à hauteur de 173 555 euros, d'un crédit d'impôt recherche au titre de son exercice clos en 2010.
Par un jugement n° 1108055 du 10 décembre 2013, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 février 2014, et un mémoire enregistré le 18 juillet 2014, la SAS Lim, représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 10 décembre 2013 ;
2°) de prononcer la restitution du crédit d'impôt recherche litigieux ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle est une petite et moyenne entreprise au sens de l'annexe I du règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission du 6 août 2008 et pouvait, par suite, solliciter le remboursement immédiat de son crédit d'impôt recherche sur le fondement du II de l'article 199 ter B du code général des impôts ;
- la circonstance que, postérieurement à la naissance de la décision implicite de rejet de la demande de remboursement, l'administration a engagé une vérification de comptabilité et remis en cause le montant de son crédit d'impôt recherche est sans incidence sur son droit au remboursement immédiat de ce crédit d'impôt.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juin 2014, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- faute de justifier qu'elle remplit les caractéristiques d'une petite et moyenne entreprise au sens du règlement (CE) n° 800/2008, la SAS Lim ne peut prétendre au remboursement immédiat du crédit d'impôt recherche ;
- la plupart des travaux effectués par la société ne sont pas éligibles au crédit d'impôt recherche, ainsi que l'a révélé une vérification de comptabilité ; ce crédit est donc limité à 40 967 euros et seule la créance de 19 363 euros non imputée sur l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice clos en 2010 pourra lui être remboursée.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission du 6 août 2008 déclarant certaines catégories d'aide compatible avec le marché commun en application des articles 87 et 88 du traité (Règlement général d'exemption par catégorie) ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Meillier,
- les conclusions de Mme Chevalier-Aubert, rapporteur public.
1. Considérant que la SAS Lim, qui exerce une activité de conception, de fabrication et de commercialisation d'appareillages électroniques de mesure et des logiciels associés, a déclaré au titre de son exercice clos en 2010 un crédit d'impôt en faveur de la recherche d'un montant de 213 877 euros, l'a partiellement imputé sur l'impôt sur les sociétés dû au titre de cet exercice et en a sollicité le remboursement immédiat, à hauteur de 173 555 euros, en déposant le 9 septembre 2011 auprès de l'administration un relevé de solde à l'impôt sur les sociétés et une déclaration n° 2069 A tous deux datés du 15 mars 2011 ; qu'en l'absence de réponse de l'administration sur cette réclamation, elle a saisi le tribunal administratif de Lyon, lequel a rejeté, par jugement du 10 décembre 2013, sa demande tendant au remboursement, à hauteur de 173 555 euros, de ce crédit d'impôt recherche ; que la SAS Lim relève appel de ce jugement ;
Sur les conclusions à fin de remboursement :
2. Considérant qu'aux termes du I de l'article 244 quater B du code général des impôts : " Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. Le taux du crédit d'impôt est de 30 % pour la fraction des dépenses de recherche inférieure ou égale à 100 millions d'euros (...) " ; qu'aux termes de l'article 199 ter B du même code général des impôts : " I. - Le crédit d'impôt pour dépenses de recherche défini à l'article 244 quater B est imputé sur l'impôt sur le revenu dû par le contribuable au titre de l'année au cours de laquelle les dépenses de recherche prises en compte pour le calcul du crédit d'impôt ont été exposées. L'excédent de crédit d'impôt constitue au profit de l'entreprise une créance sur l'Etat d'égal montant. Cette créance est utilisée pour le paiement de l'impôt sur le revenu dû au titre des trois années suivant celle au titre de laquelle elle est constatée puis, s'il y a lieu, la fraction non utilisée est remboursée à l'expiration de cette période. / (...) II. - La créance mentionnée au premier alinéa du I est immédiatement remboursable lorsqu'elle est constatée par l'une des entreprises suivantes : / (...) 4° Les entreprises qui satisfont à la définition des micro, petites et moyennes entreprises donnée à l'annexe I au règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission, du 6 août 2008, déclarant certaines catégories d'aide compatibles avec le marché commun en application des articles 87 et 88 du traité (règlement général d'exemption par catégorie) (...) " ;
En ce qui concerne le principe du remboursement immédiat :
3. Considérant que les premiers juges ont relevé que faute de satisfaire à la définition des petites et moyennes entreprises donnée à l'annexe I au règlement (CE) n° 800/2008, la SAS Lim n'était pas fondée à demander, sur le fondement du II de l'article 199 ter B du code général des impôts, le remboursement immédiat d'un crédit d'impôt recherche ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 2, paragraphe 1, de l'annexe I au règlement (CE) n° 800/2008 susvisé : " La catégorie des micro, petites et moyennes entreprises ("PME") est constituée des entreprises qui occupent moins de deux cent cinquante personnes et dont le chiffre d'affaires annuel n'excède pas 50 millions d'euros ou dont le total du bilan annuel n'excède pas 43 millions d'euros " ; qu'aux termes de l'article 4 de la même annexe : " 1. Est une "entreprise autonome" toute entreprise qui n'est pas qualifiée comme entreprise partenaire au sens du paragraphe 2 ou comme entreprise liée au sens du paragraphe 3. / 2. Sont des "entreprises partenaires" toutes les entreprises qui ne sont pas qualifiées comme entreprises liées au sens du paragraphe 3 et entre lesquelles existe la relation suivante : une entreprise (entreprise en amont) détient, seule ou conjointement avec une ou plusieurs entreprises liées au sens du paragraphe 3, 25 % ou plus du capital ou des droits de vote d'une autre entreprise (entreprise en aval) / (...) 3. Sont des "entreprises liées" les entreprises qui entretiennent entre elles l'une ou l'autre des relations suivantes : / a) une entreprise a la majorité des droits de vote des actionnaires ou associés d'une autre entreprise ; / b) une entreprise a le droit de nommer ou de révoquer la majorité des membres de l'organe d'administration, de direction ou de surveillance d'une autre entreprise ; / c) une entreprise a le droit d'exercer une influence dominante sur une autre entreprise en vertu d'un contrat conclu avec celle-ci ou en vertu d'une clause contenue dans les statuts de celle-ci ; / d) une entreprise actionnaire ou associée d'une autre entreprise contrôle seule, en vertu d'un accord conclu avec d'autres actionnaires ou associés de cette autre entreprise, la majorité des droits de vote des actionnaires ou associés de celle-ci. / Il y a présomption qu'il n'y a pas d'influence dominante, dès lors que les investisseurs énoncés au paragraphe 2, deuxième alinéa, ne s'immiscent pas directement ou indirectement dans la gestion de l'entreprise considérée, sans préjudice des droits qu'ils détiennent en leur qualité d'actionnaires ou d'associés. / Les entreprises qui entretiennent l'une ou l'autre des relations visées au premier alinéa à travers une ou plusieurs autres entreprises, ou avec des investisseurs visés au paragraphe 2, sont également considérées comme liées. / Les entreprises qui entretiennent l'une ou l'autre de ces relations à travers une personne physique ou un groupe de personnes physiques agissant de concert, sont également considérées comme entreprises liées pour autant que ces entreprises exercent leurs activités ou une partie de leurs activités dans le même marché en cause ou dans des marchés contigus. / Est considéré comme "marché contigu" le marché d'un produit ou service se situant directement en amont ou en aval du marché en cause (...) " ; qu'aux termes de l'article 6 de la ladite annexe : " 1. Dans le cas d'une entreprise autonome, la détermination des données, y compris de l'effectif, s'effectue uniquement sur la base des comptes de cette entreprise. / 2. Les données, y compris l'effectif, d'une entreprise ayant des entreprises partenaires ou liées, sont déterminées sur la base des comptes et autres données de l'entreprise, ou - s'ils existent - des comptes consolidés de l'entreprise, ou des comptes consolidés dans lesquels l'entreprise est reprise par consolidation. / Aux données visées au premier alinéa sont agrégées les données des éventuelles entreprises partenaires de l'entreprise considérée, situées immédiatement en amont ou en aval de celle-ci. L'agrégation est proportionnelle au pourcentage de participation au capital ou des droits de vote (le plus élevé de ces deux pourcentages). En cas de participation croisée, le plus élevé de ces pourcentages s'applique. / Aux données visées aux premier et deuxième alinéas sont ajoutées 100 % des données des éventuelles entreprises directement ou indirectement liées à l'entreprise considérée et qui n'ont pas déjà été reprises dans les comptes par consolidation. / 3. Pour l'application du paragraphe 2, les données des entreprises partenaires de l'entreprise considérée résultent de leurs comptes et autres données, consolidés s'ils existent, auxquelles sont ajoutées 100 % des données des entreprises liées à ces entreprises partenaires, sauf si leurs données ont déjà été reprises par consolidation. / Pour l'application du paragraphe 2, les données des entreprises liées à l'entreprise considérée résultent de leurs comptes et autres données, consolidés s'ils existent. À celles-ci sont agrégées proportionnellement les données des éventuelles entreprises partenaires de ces entreprises liées, situées immédiatement en amont ou en aval de celles-ci, si elles n'ont pas déjà été reprises dans les comptes consolidés dans une proportion au moins équivalente au pourcentage défini au paragraphe 2, deuxième alinéa. / 4. Lorsque les comptes consolidés ne font pas apparaître l'effectif d'une entreprise donnée, le calcul de celui-ci s'effectue en agrégeant de façon proportionnelle les données relatives aux entreprises avec lesquelles cette entreprise est partenaire, et par addition de celles relatives aux entreprises avec lesquelles elle est liée. " ;
5. Considérant qu'il est constant que la SAS Lim est détenue à hauteur de 74,78 % du capital et de 77,57 % des droits de vote par la société de droit luxembourgeois SA Lim Investment ; qu'ainsi, les seuils fixés par l'article 2, paragraphe 1, de l'annexe I au règlement n° 800/2008 doivent être appréciés en tenant compte des données non seulement de la SAS Lim mais également de celles de sa société mère, avec qui elle est liée, ainsi que de celles des entreprises liées à cette société mère et des entreprises partenaires de cette société mère, dans les conditions prévues aux articles 4 et 6 de la même annexe ; que la SAS Lim précise, pour la première fois en appel, que la SA Lim Investment possède également des participations dans d'autres filiales, à savoir la SA Geovariances, l'Eurl Lim Immobilière, la société de droit luxembourgeois SA Lim Logging et la société de droit belge SPRL Diaptase Finances, que le chiffre d'affaires consolidé du groupe s'élève à 6 516 621 euros hors taxe, que le total des bilans des sociétés du groupe s'élève à 13 928 997 euros et que ces sociétés occupent un effectif cumulé de cinquante cinq personnes ; qu'elle justifie également que le capital de la SA Lim Investment est détenu à hauteur de 99,97 % par M. B...et de 0,03 % par MmeA..., son épouse ; qu'il résulte de ces éléments, non contestés par le ministre, que le groupe Lim dans son ensemble occupe moins de deux cent cinquante personnes, réalise un chiffre d'affaires annuel inférieur à 50 millions d'euros et a, en outre, un bilan annuel n'excédant pas 43 millions d'euros ; qu'ainsi, la SAS Lim satisfait à la définition des micro, petites et moyennes entreprises donnée à l'annexe I au règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission ; que, dès lors, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la société requérante peut prétendre au remboursement immédiat de son crédit d'impôt recherche sur le fondement du II de l'article 199 ter B du code général des impôts ;
En ce qui concerne le montant du crédit d'impôt :
6. Considérant, toutefois, que le ministre fait valoir qu'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2008, 2009 et 2010 a révélé que le crédit d'impôt revendiqué par la SAS Lim n'est justifié qu'à hauteur de 40 967 euros, ce qui devrait limiter le remboursement de la créance non imputée au montant de 19 363 euros ;
7. Considérant qu'aux termes du II de l'article 244 quater B du code général des impôts : " Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : / (...) b) Les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche directement et exclusivement affectés à ces opérations (...) / c) les autres dépenses de fonctionnement exposées dans les mêmes opérations ; ces dépenses sont fixées forfaitairement à 75 % des dépenses de personnel mentionnées à la première phrase du b (...) " ; qu'aux termes de l'article 49 septies F de l'annexe III au même code : " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts, sont considérées comme opérations de recherche scientifique ou technique : / (...) c. Les activités ayant le caractère d'opérations de développement expérimental effectuées, au moyen de prototypes ou d'installations pilotes, dans le but de réunir toutes les informations nécessaires pour fournir les éléments techniques des décisions, en vue de la production de nouveaux matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services ou en vue de leur amélioration substantielle. Par amélioration substantielle, on entend les modifications qui ne découlent pas d'une simple utilisation de l'état des techniques existantes et qui présentent un caractère de nouveauté " ; qu'aux termes de l'article 49 septies I de la même annexe : " Pour la détermination des dépenses de recherche visées aux (...) b (...) du II de l'article 244 quater B du code général des impôts, il y a lieu de retenir : / b. Au titre des dépenses de personnel, les rémunérations et leurs accessoires ainsi que les charges sociales, dans la mesure où celles-ci correspondent à des cotisations sociales obligatoires. " ;
8. Considérant qu'il appartient au juge de l'impôt de constater, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de tous éléments produits par l'une ou l'autre des parties, que l'entreprise remplit ou non les conditions lui permettant de se prévaloir de l'avantage fiscal institué par l'article 244 quater B du code général des impôts ; que l'administration peut faire état, pour la première fois, des constatations résultant d'une vérification de comptabilité ayant donné lieu à la remise en cause du principe ou du montant du crédit d'impôt, alors même que ce contrôle et les procédures de rectification consécutives ont été engagés ou achevés postérieurement à l'intervention de la décision, expresse ou implicite, statuant sur la réclamation contentieuse du contribuable ;
9. Considérant que si la SAS Lim a déclaré au titre de son exercice clos en 2010 un crédit d'impôt en faveur de la recherche d'un montant de 213 877 euros et a sollicité en 2011 le remboursement de ce crédit d'impôt à hauteur de 173 555 euros, l'administration fiscale a ultérieurement remis en cause ce crédit d'impôt, d'abord dans sa totalité par une proposition de rectification du 4 mai 2013 puis à hauteur de 172 910 euros dans la réponse aux observations du contribuable du 10 octobre 2013, aux motifs que certains projets n'étaient pas éligibles et que des frais afférents à l'intéressement des salariés et à une redevance de licence de marque ne pouvaient être pris en compte en tant que dépenses de personnel ; qu'alors que le ministre produit ces deux actes de procédure, rédigés de façon précise et circonstanciée, la société requérante ne conteste pas les éléments retenus par le vérificateur et se borne à soutenir qu'elle avait droit, en 2011, au remboursement immédiat de sa créance, indépendamment des procédures de rectification intervenues en 2012 et 2013 ; que, dans ces conditions, il y a lieu d'accueillir l'argumentation du ministre selon laquelle le crédit d'impôt recherche litigieux ne peut être admis qu'à hauteur de 40 967 euros et, du fait de son imputation à hauteur de 21 604 euros sur l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice 2010, être remboursé qu'à hauteur de 19 363 euros ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SAS Lim est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a refusé de prononcer le remboursement, à hauteur de 19 363 euros, de son crédit d'impôt recherche au titre de l'exercice clos en 2010 ;
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement à la SAS Lim d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : Il est accordé à la SAS Lim le remboursement d'un crédit d'impôt recherche d'un montant de 19 363 euros au titre de l'exercice clos en 2010.
Article 2 : Le jugement n° 1108055 du 10 décembre 2013 du tribunal administratif de Lyon est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à la SAS Lim une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SAS Lim est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Lim et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 8 octobre 2015 à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
M. Pourny, président-assesseur,
M. Meillier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 octobre 2015.
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N° 14LY00540