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26/11/2015 | FRANCE | N°15LY01185

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 26 novembre 2015, 15LY01185


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...D...veuve C...a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- d'une part, d'annuler les décisions du 5 mai 2014 du préfet du Rhône portant refus de délivrance d'un titre de séjour, assorti de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et prescrivant qu'à l'expiration de ce délai, elle serait reconduite d'office à destination du pays dont elle a la nationalité ou de tout pays dans lequel elle serait légalement admissible ;

- d'autre part, d'enjoind

re au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...D...veuve C...a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- d'une part, d'annuler les décisions du 5 mai 2014 du préfet du Rhône portant refus de délivrance d'un titre de séjour, assorti de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et prescrivant qu'à l'expiration de ce délai, elle serait reconduite d'office à destination du pays dont elle a la nationalité ou de tout pays dans lequel elle serait légalement admissible ;

- d'autre part, d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation.

Par un jugement n° 1406275 du 2 décembre 2014, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 avril 2015, présentée pour Mme E...D...veuveC..., domiciliée... :

1°) d'annuler ce jugement n° 1406275 du tribunal administratif de Lyon du 2 décembre 2014 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ainsi que la décision portant reconduite d'office ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour "vie privée et familiale";

Elle soutient que :

- le refus de titre méconnaît les stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien modifié, dès lors que le préfet, par les documents anciens auxquels il se réfère, alors qu'elle a produit des pièces récentes, ne démontre pas la possibilité d'un suivi médical effectif en Algérie, et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; ce refus est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire méconnait les stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision de reconduite d'office méconnait les stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire, enregistré le 22 octobre 2015, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête en s'en rapportant à ses écritures de première instance.

Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 février 2015, du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel).

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 27 décembre 1968 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leur famille ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique du 5 novembre 2015 le rapport de M. Seillet, président.

1. Considérant que MmeD..., de nationalité algérienne, qui est née le 19 février 1950 en France, où elle a vécu jusqu'à l'âge de seize ans, avant de partir vivre en Algérie où elle s'est mariée avec un compatriote et a donné naissance à cinq enfants, est entrée pour la dernière fois en France, le 8 juillet 2011, sous couvert d'un visa de court séjour et s'est vu délivrer un certificat de résidence algérien d'un an, valable du 8 juillet 2012 au 7 juillet 2013, en raison de son état de santé ; qu'elle a sollicité, le 8 juillet 2013 le renouvellement de son certificat de résidence algérien ; que sa demande a été rejetée par une décision du préfet du Rhône du 5 mai 2014, assortie d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et d'une décision fixant le pays de destination ; que Mme D... fait appel du jugement du 2 décembre 2014, par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation desdites décisions préfectorales du 5 mai 2014 ; qu'elle demande également l'annulation d'une décision de reconduite d'office ;

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...); (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...). " ;

3. Considérant que, si le préfet n'est pas lié par l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé, il lui appartient néanmoins, lorsque ce médecin a estimé que l'état de santé de l'étranger nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existait pas de traitement approprié dans le pays dont il est originaire, de justifier des éléments, relatifs à la gravité de la pathologie présentée par l'étranger intéressé et à la nature des traitements qu'il doit suivre, qui l'ont conduit à considérer, nonobstant l'avis médical émis par ledit médecin de l'agence régionale de santé, que le demandeur ne remplissait pas les conditions posées par les stipulations précitées de l'article 6 de l'accord franco-algérien pour se voir délivrer une carte de séjour temporaire en raison de son état de santé ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme D...a été soignée en France pour un cancer du sein à compter du mois de juillet 2011 ; que, par deux certificats médicaux rédigés les 10 juillet 2013 et 16 mai 2014 par un médecin spécialiste en médecine interne et en oncologie médicale, il est attesté de ce qu'à la date de la décision en litige, Mme D..., en état de rémission complète avec un risque non nul de rechute, bénéficiait en France de mesures de suivi consistant en une surveillance régulière tous les quatre mois et d'un traitement médicamenteux consistant en une prise journalière d'arimidex ; que le médecin de l'agence régionale de santé de Rhône-Alpes a estimé, dans un avis du 26 novembre 2013, que l'état de santé de l'intéressée nécessitait un traitement dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'elle ne pouvait avoir accès à un traitement approprié dans son pays d'origine et que les soins devaient être poursuivis durant une période de vingt-quatre mois ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier, et en particulier des documents produits par le préfet du Rhône, notamment de l'annuaire des établissements hospitaliers algériens, dont certains sont spécialisés en cancérologie, et des articles sur l'ouverture d'un centre de lutte contre le cancer du sein en 2013, sur le dépistage du sein à Constantine et sur la commercialisation de l'arimidex en Algérie, que l'offre de soin pour la pathologie de Mme D... existe dans son pays d'origine ; que les certificats que produit la requérante, en particulier ceux établis respectivement, le 12 mai 2014, au demeurant à une date postérieure à la décision en litige, par un oncologue du centre hospitalier universitaire de Constantine faisant état de " la non disponibilité des thérapies spécifiques à sa maladie " et, le 28 octobre 2013, par un médecin de l'association Médecins du monde, indiquant que " la disponibilité de l'Arimidex semble aléatoire ", ne sont pas de nature à contredire les éléments relatifs au système de santé algérien produits par le préfet du Rhône dont il ne ressort pas des pièces du dossier que bien qu'anciens ils ne seraient plus actuels ; que les articles de presse produits par la requérante, relatifs à la situation générale des soins de traitement du cancer en Algérie, ne sont pas davantage de nature à contredire l'appréciation portée par le préfet sur la disponibilité dans ce pays d'un traitement adapté à l'état de santé de Mme D...caractérisé, ainsi qu'il a été dit, à la date de la décision en litige, par la nécessité d'un suivi et d'un traitement médicamenteux, dans les suites d'une intervention de mastectomie et d'un traitement par radiothérapie dont elle avait auparavant bénéficié ; que, dès lors, le préfet du Rhône n'a pas fait une inexacte application du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

5. Considérant, en second lieu, que Mme D...affirme qu'elle vit dans une grande précarité en Algérie, sans revenu ni logement, son frère ne pouvant l'accueillir ; que, toutefois, MmeD..., âgée de soixante-quatre ans à la date de la décision en litige, ne résidait sur le territoire français que depuis quatre années à cette même date alors qu'elle a vécu l'essentiel de sa vie en Algérie, où elle est partie à l'âge de 16 ans, où elle s'est mariée avec un compatriote et où elle a donné naissance a cinq enfants, et où elle dispose ainsi nécessairement d'attaches familiales, alors même que résident en France plusieurs de ses frères et sa soeur de nationalité française ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision de refus de séjour en litige n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'elle pourrait comporter pour la situation personnelle de Mme D...;

Sur la légalité de la décision préfectorale portant obligation de quitter le territoire français :

6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) " ;

7. Considérant qu'ainsi qu'il vient d'être exposé, le préfet du Rhône a refusé le 5 mai 2014 la délivrance d'un titre de séjour à Mme D... ; qu'ainsi, à la date de la décision litigieuse, celle-ci était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit que Mme D... n'est pas fondée à exciper, au soutien des conclusions de sa demande dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

9. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) " ;

10. Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, il ressort des pièces du dossier qu'il existe pour Mme D... un traitement approprié dans le pays dont elle possède la nationalité ; que, dès lors, la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas les dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

11. Considérant, en dernier lieu, qu'il convient d'écarter, pour les mêmes motifs que ceux précédemment indiqués dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision de refus de titre de séjour, les moyens, dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, tirés de l'erreur manifeste d'appréciation et de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'annulation d'une prétendue décision de reconduite d'office, qui, au demeurant, ne résulte pas de l'arrêté préfectoral litigieux et contre laquelle aucune conclusion n'avait été présentée en première instance ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône

Délibéré après l'audience du 5 novembre 2015 à laquelle siégeaient :

M. Seillet, président,

M. A...et MmeB..., premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 26 novembre 2015.

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N° 15LY01185


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY01185
Date de la décision : 26/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. SEILLET
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : DUPLAN

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-11-26;15ly01185 ?
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