La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/02/2016 | FRANCE | N°14LY02986

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 11 février 2016, 14LY02986


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL B...Vins Fins a demandé au tribunal administratif de Dijon de lui accorder la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2009 et 2010 ainsi que des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée réclamés au titre de la période du 1er juin 2008 au 31 décembre 2009 et des pénalités correspondant à ces impositions ;

Par un jugement n°1301763 du 24 juin 2014, le tribunal admin

istratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL B...Vins Fins a demandé au tribunal administratif de Dijon de lui accorder la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2009 et 2010 ainsi que des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée réclamés au titre de la période du 1er juin 2008 au 31 décembre 2009 et des pénalités correspondant à ces impositions ;

Par un jugement n°1301763 du 24 juin 2014, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 septembre 2014 et un mémoire complémentaire enregistré le 25 mars 2015, la SARL B...Vins Fins, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon en date du 24 juin 2014 ;

2°) de lui accorder la décharge des impositions contestées et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que:

- l'administration a méconnu l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, la vérification de comptabilité ayant excédé la durée de trois mois applicable en l'espèce alors que sa comptabilité ne peut être regardée comme entachée de graves irrégularités ;

- l'administration a méconnu les articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales, faute pour la proposition de rectification de donner le détail des éléments retenus pour établir la minoration des marchandises acquises le 1er juin 2008 retenue pour reconstituer les chiffre d'affaires et les bénéfices ;

- la reconstitution du montant des recettes taxables est sommaire et radicalement viciée et aboutit à une exagération des bases imposables ;

- les conditions d'application des majorations de 40 % pour manquement délibéré ne sont pas remplies.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 février 2015 et un mémoire complémentaire enregistré le 19 octobre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la comptabilité étant entachée de graves irrégularités, le délai de vérification pouvait, en application de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, excéder la durée de trois mois ;

- la reconstitution du montant des recettes taxables se fonde sur des éléments concrets et tangibles ; qu'ainsi, l'état du stock initial revalorisé par l'administration l'a été dans le cadre de la vérification de comptabilité de l'activité de commerce exercée par Mme B...jusqu'au 31 mai 2008 ; qu'ont été ajoutés les achats du 1er exercice puis retranchées les ventes de la même période ; que ce stock, ainsi calculé, a été comparé au stock établi par la société au 31 décembre 2009 ; qu'en conséquence de quoi, les bouteilles ne figurant pas au stock final établi par la société ont été considérées comme vendues, les bouteilles figurant au stock final établi par la société mais ne figurant pas dans le stock reconstitué par le service ont été considérées comme des charges malgré l'absence de factures et qu'enfin, le prix d'achat a été fixé après application d'un coefficient de marge déterminé selon les achats revendus par la société au cours de la période ;

- la proposition de rectification est suffisamment motivée ;

- les conditions d'application des majorations de 40 % pour manquement délibéré sont remplies, eu égard à la répétition et à l'importance des omissions de la société.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bourion, rapporteur,

- et les conclusions de Mme Chevalier-Aubert, rapporteur public.

1. Considérant que la SARL B...Vins Fins, constituée entre M. et MmeB..., a acquis, le 3 juin 2008 avec effet rétroactif au 1er juin, le fonds de commerce de vins auparavant exploité par Mme B...; que la SARL B...Vins Fins a fait l'objet en 2011 d'une vérification de comptabilité portant, en matière d'impôt sur les sociétés, sur les résultats de l'exercice couvrant la période du 1er juin 2008 au 31 décembre 2009 et de l'exercice clos le 31 décembre 2010 et, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période du 1er juin 2008 au 31 décembre 2010 ; que le vérificateur ayant estimé que la comptabilité présentée était dépourvue de valeur probante, a reconstitué les chiffres d'affaires et les bénéfices de la société et a également procédé à d'autres rectifications ponctuelles des résultats imposables à l'impôt sur les sociétés et de la taxe sur la valeur ajoutée déclarée ; qu'en conséquence de ce contrôle, la SARL B...Vins Fins a été soumise, suivant la procédure contradictoire, à un complément d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2009 et à des rappels de droits de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er juin 2008 au 31 décembre 2010 ; que la SARL B...Vins Fins relève appel du jugement, en date du 24 juin 2014, par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande de décharge de ces impositions et des majorations de 40 % pour manquement délibéré appliquées aux droits de taxe sur la valeur ajoutée ;

Sur la régularité de la vérification de comptabilité :

2. Considérant qu'aux termes l'article L. 52 du livre des procédures fiscales : " I.-Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : 1° Les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts / (...) II.-Par dérogation au I, l'expiration du délai de trois mois n'est pas opposable à l'administration : (...) 4° En cas de graves irrégularités privant de valeur probante la comptabilité. Dans ce cas, la vérification sur place ne peut s'étendre sur une durée supérieure à six mois " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SARL B...Vins Fins a été avisée de la vérification de comptabilité dont elle a été l'objet au moyen d'un avis remis en mains propres le 31 mai 2011 ; que les investigations sur place auxquelles il a été procédé ont donné lieu à une réunion de synthèse le 30 novembre 2011 ; que le ministre ne conteste pas que le contrôle de la société s'est déroulé sur une période de plus de trois mois ; qu'en vertu des dispositions du II précité de l'article L. 52 précité du livre des procédures fiscales, la vérification de comptabilité peut donc être tenue pour régulière, compte tenu des chiffre d'affaires de la société, si la comptabilité est entachée de graves irrégularités la privant de valeur probante ;

4. Considérant que, pour écarter la comptabilité présentée, le vérificateur s'est fondé, d'une part, sur le défaut de présentation d'un inventaire physique du stock d'entrée au 1er juin 2008 et, d'autre part, sur l'existence d'anomalies importantes révélées par la reconstitution des chiffres d'affaires et des résultats à laquelle il a procédé en ce qui concerne les inventaires physiques des stocks au 31 décembre 2009 et 2010, ceux-ci faisant apparaître des bouteilles ne figurant ni dans les achats ni dans le stock d'entrée, sur l'existence de ventes de bouteilles ne figurant ni dans les achats ni dans les stocks antérieurs et sur l'existence d'achats de bouteilles ne correspondant à aucune vente facturée et ne figurant pas dans les stocks de sortie ;

5. Considérant que, selon la proposition de rectification du 6 décembre 2011, le vérificateur a reconstitué le stock de la SARL B...Vins Fins au 1er juin 2008 à partir de l'état d'inventaire physique annexé à l'acte de cession du fonds de commerce, lequel donnait une liste, avec leur valeur, des marchandises reprises par la société ; qu'il a rectifié la valeur de cet inventaire en y incluant des éléments recueillis à l'occasion de la vérification de comptabilité de Mme B...qu'il avait menée parallèlement ; que, partant de ce stock ainsi retraité, le vérificateur a ajouté les achats de bouteilles de la période du 1er juin au 31 décembre 2009 et retranché les ventes de la même période pour reconstituer le stock physique et en valeur de la SARL B...Vins Fins au 31 décembre 2009, date de clôture de l'exercice ; qu'il a estimé que la discordance constatée entre le stock déclaré au 31 décembre 2009 par la société et le stock reconstitué par ses soins correspondait nécessairement à des ventes de bouteilles sur l'exercice non retranscrites en comptabilité et a considéré que les bouteilles figurant dans le stock déclaré mais pas dans le stock reconstitué étaient des achats à comptabiliser en charges malgré l'absence de facture ; qu'ayant pu isoler les bouteilles ne figurant pas dans le stock déclaré au 31 décembre 2009, qui avaient été vendues au cours de l'exercice suivant ou qui ne figuraient pas dans le stock déclaré au 31 décembre 2010, il les a rattachées au stock reconstitué au 31 décembre 2009 et a calculé le prix d'achat hors taxe des bouteilles en appliquant un coefficient de marge calculé à partir des achats et stocks revendus sur la période ; que, pour l'exercice clos en 2010, le vérificateur a appliqué la même méthode en comparant le stock reconstitué au 31 décembre 2009 avec le stock déclaré par la SARL B...Vins Fins au 31 décembre 2010, ce qui l'a conduit à considérer que les bouteilles ne figurant pas dans le stock de clôture de l'exercice 2010 avaient été revendues au cours de cet exercice et que les bouteilles figurant dans le stock déclaré mais pas dans le stock reconstitué étaient des achats à comptabiliser en charges malgré l'absence de facture : que ces rectifications ont conduit à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée de, respectivement, 19 895 euros et 13 845 euros correspondant à des chiffres d'affaires omis de 101 506 euros pour l'exercice clos en 2009 et de 70 484 euros pour l'exercice clos en 2010 ; que le vérificateur a également rehaussé les résultats déclarés des deux exercices de ces montants, en retranchant, par " souci de réalisme économique ", la valorisation des marchandises figurant dans les stocks déclarés mais pas dans les stocks reconstitués et les marchandises vendues au cours des deux exercices sans achats ou non comptabilisées dans les stocks, ce qui l'a conduit à rectifier à la hausse le résultat imposable à l'impôt sur les sociétés de l'exercice clos en 2009 et à constater un déficit supplémentaire au titre de l'exercice clos en 2010 ;

6. Considérant que la circonstance que la société n'a pas présenté d'inventaire permettant de connaitre le montant de son stock d'entrée, n'est pas de nature, en l'absence de tout autre élément, à priver la comptabilité de son caractère probant ; que, si l'administration invoque des anomalies en ce qui concerne les stocks déclarés au 31 décembre 2009 et au 31 décembre 2010, il est constant que les discordances dont elle fait état ne sont que la résultante du recours à une méthode de reconstitution extra comptable des chiffres d'affaires, laquelle repose, au demeurant, sur un stock d'entrée rectifié à partir d'éléments tirés de l'activité du précédent exploitant dont la consistance n'est pas justifiée ; que l'administration n'invoque aucune autre omission ou manquement du contribuable dans la tenue des documents comptables et n'allègue même pas que les inventaires de stock à la clôture des exercices 2009 et 2010 n'étaient pas régulièrement tenus ; qu'il suit de là que la SARL B...Vins Fins est fondée à soutenir que le vérificateur ne pouvait écarter la comptabilité comme non probante et que le moyen tiré de ce que les impositions en litige ont été établies à l'issue d'une procédure irrégulière, faute pour l'administration d'avoir respecté les prescriptions de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales relatives à la durée de la vérification de comptabilité, doit être accueilli ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête que la SARL B...Vins Fins est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ;

Sur les frais exposés en cours d'instance et non compris dans les dépens :

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à la SARL B...Vins Fins au titre des frais exposés en cours d'instance et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon, en date du 24 juin 2014, est annulé.

Article 2 : La SARL B...Vins Fins est déchargée de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2009, des droits de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er juin 2008 au 31 décembre 2010 et des pénalités correspondantes.

Article 3 : L'Etat versera à la SARL B...Vins Fins la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL B...Vins Fins et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2016 à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

M. Pourny, président-assesseur,

Mme Bourion, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 février 2016.

''

''

''

''

3

N° 14LY02986


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY02986
Date de la décision : 11/02/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-01-03-01-02 Contributions et taxes. Généralités. Règles générales d'établissement de l'impôt. Contrôle fiscal. Vérification de comptabilité.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Isabelle BOURION
Rapporteur public ?: Mme CHEVALIER-AUBERT
Avocat(s) : FIORESE

Origine de la décision
Date de l'import : 08/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-02-11;14ly02986 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award