Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La Société Granimond a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler le marché public relatif à la fourniture et à la pose de columbariums au cimetière des Iles, conclu le 17 février 2012 par la commune d'Annecy avec la société Marbrerie Annecienne ; de condamner la commune d'Annecy à lui verser la somme de 125 000 euros en réparation des préjudices subis, assortie des intérêts au taux légal, capitalisés et de mettre à la charge de la commune d'Annecy, la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1202679 du 20 juin 2014, le tribunal administratif de Grenoble a annulé le marché public conclu entre la commune d'Annecy et la société Marbrerie Annecienne ; a rejeté les conclusions en réparation des préjudices subis et a condamné la commune d'Annecy à verser à la Société Granimond une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 août 2014, la société Granimond, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) de condamner la commune d'Annecy, en réparation de la perte du marché de fourniture et pose de columbariums au cimetière des Iles, à lui verser, avec intérêts au taux légal et avec la capitalisation des intérêts, les sommes de :
- 7 800,76 euros au titre des frais de présentation de l'offre ;
- 3 000 euros au titre du préjudice moral ;
- 60 500 euros au titre de la perte de chance d'obtenir le contrat et du manque à gagner ;
2°) de mettre à la charge de la commune d'Annecy la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation du marché public relatif à la fourniture et à la pose de columbariums au cimetière des Iles conclu le 17 février 2012 par la commune d'Annecy avec la Société Marbrerie Annecienne ;
- dès lors qu'elle avait une chance sérieuse de se voir attribuer le marché, elle doit être indemnisée des gains qu'elle n'a pu réaliser ; que la marge qu'elle aurait dû réaliser dans le cadre du marché se serait élevée à 120 000 euros ; que les frais de présentation de l'offre doivent être indemnisés à hauteur de 2 000 euros ; que le préjudice moral qui a été le sien en raison de l'atteinte à sa réputation, doit être évalué à 3 000 euros ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 septembre 2015, la commune d'Annecy, représentée par la SELARL CDMF-avocats, conclut à la confirmation de l'article 3 du jugement du 20 juin 2014 du tribunal administratif de Grenoble ; au rejet de la requête d'appel ; à ce que le versement de la somme de 3 000 euros soit mis à la charge de la Société Granimond au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à bon droit que le tribunal administratif de Grenoble a rejeté les conclusions indemnitaires de la Société Granimond dès lors que son offre était irrégulière en ce que celle-ci n'était pas conforme aux prescriptions du cahier des charges ;
- le caractère irrégulier de l'offre de la Société Granimond suffit à justifier son absence de chance de remporter le marché ;
- les montants sollicités au titre du manque à gagner, des frais de présentation de l'offre et du préjudice moral ne sont pas justifiés ni sur leur principe, ni sur leur quantum.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le décret n° 78-87 du 21 janvier 1976 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur,
- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant la commune d'Annecy.
1. Considérant que par un avis d'appel public à la concurrence en date du 19 octobre 2011, la commune d'Annecy a lancé une procédure de mise en concurrence selon la procédure adaptée en vue de la signature d'un marché ayant pour objet la fourniture et la pose de columbariums au cimetière des Iles ; que la société Granimond a présenté une offre en vue de se voir attribuer ce marché ; que la commune d'Annecy a conclu ce contrat, le 17 février 2012, avec la société Marbrerie Annecienne ; que, par décision en date du 12 mars 2012, la commune d'Annecy a informé la société Granimond que son offre n'avait pas été retenue ; qu'en réponse à une demande formulée par celle-ci le 21 mars 2012, la commune d'Annecy, par courrier du 12 avril 2012, a communiqué à la société Granimond le rapport d'analyse des offres établi le 13 février 2012 ; que la société Granimond qui soutient que l'offre qu'elle avait présentée demeurait la plus avantageuse, relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 20 juin 2014 qui, après avoir, conformément à sa demande, annulé le marché en cause, a rejeté ses conclusions aux fins d'indemnisation des préjudices qu'elle aurait subis du fait de son éviction ;
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Considérant que lorsqu'un candidat à l'attribution d'un contrat public demande la réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'irrégularité ayant, selon lui, affecté la procédure ayant conduit à son éviction, il appartient au juge, si cette irrégularité est établie, de vérifier qu'elle est la cause directe de l'éviction du candidat et, par suite, qu'il existe un lien direct de causalité entre la faute en résultant et le préjudice dont le candidat demande l'indemnisation ; que, si tel est le cas, il appartient au juge de vérifier d'abord si l'entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter le marché ; que, dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité ; que, dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre ; qu'il convient ensuite de rechercher si l'entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le marché ; que, dans un tel cas, l'entreprise a droit à être indemnisée de son manque à gagner, incluant nécessairement les frais de présentation de l'offre qui n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le rapport d'analyse des offres présentées par les entreprises désirant se voir attribuer le marché litigieux, indiquait expressément que les deux offres concurrentes, que ce soit celle de la société Granimond ou celle de la société Marbrerie Annecienne qui a vu son offre retenue, présentaient toutes deux des " non conformités mineures " au regard des prescriptions contenues dans le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) dudit marché ; que s'agissant précisément de l'offre de la société Granimond, il est constant que le diamètre du plateau de son modèle de columbarium était supérieur de 3 à 5 cm au diamètre du socle, alors que le CCTP exigeait un diamètre supérieur à celui du socle d'au moins 15 cm ; que si la société Granimond pour contester son éviction, soutient qu'elle était fondée à ne pas s'être conformée, pour des raisons de sécurité, à cette stipulation du cahier des clauses particulières du marché et fait valoir que le choix qu'elle a opéré pour un plateau de moindre largeur était justifié par le besoin de prévenir tout risque pour une personne plaçant l'urne funéraire dans son logement de se heurter les bras ou la tête contre l'arrête inférieure de ce dernier, et qu'il ne saurait en conséquence lui être reproché d'avoir présenté une offre qui présentât une non conformité mineure auxdites prescriptions, cette seule circonstance n'est toutefois pas de nature à rendre son offre régulière ; que, par suite, et quand bien même l'offre de la société concurrente était elle-même irrégulière, elle ne pouvait prétendre à aucune indemnisation ;
4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Granimond n'est pas fondée à demander l'annulation de l'article 3 du jugement du 20 juin 2014 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune d'Annecy à lui verser la somme de 71 300,76 euros en réparation des préjudices qu'elle aurait subis ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
5. Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Annecy, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la société Granimond au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
6. Considérant, en second lieu, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Granimond la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune d'Annecy et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Granimond est rejetée.
Article 2 : La société Granimond versera à la commune d'Annecy une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la commune d'Annecy est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Granimond et à la commune d'Annecy.
Délibéré après l'audience du 10 mars 2016 à laquelle siégeaient :
Mme Verley-Cheynel, président de chambre,
M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur,
Mme Gondouin, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 31 mars 2016.
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N° 14LY02759