Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F...A...et Mme D...E...ont demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler plusieurs délibérations du conseil municipal de Châtillon-sur-Seine des 7 juillet et 9 décembre 2011, dont la délibération n° 2011-106 du 9 décembre 2011 intitulée " autorisation de vente des terrains du lotissement d'habitations Les Hauts de Cramont ".
Par le jugement n° 1200312 et 1200313 du 5 mars 2013, le tribunal administratif de Dijon a annulé cette délibération du 9 décembre 2011 en tant qu'elle prévoit la cession des parcelles cadastrées ZK n° 298 à ZK n° 311, autorise le maire à signer les actes nécessaires à son exécution et décide l'imputation des recettes afférentes à son exécution à l'article 7015 " vente de terrains " du budget annexe " Lotissement d'habitations Les Hauts de Cramont " et il a rejeté le surplus des requêtes.
Par une requête enregistrée le 10 mai 2013, la commune de Châtillon-sur-Seine a demandé à la cour administrative d'appel de Lyon d'annuler ce jugement en tant qu'il a annulé la délibération n° 2011-106 du 9 décembre 2011.
Par son arrêt n° 13LY01144 du 19 décembre 2013, la cour a rejeté la requête de la commune.
Par sa décision n° 375577 du 14 octobre 2015, le Conseil d'État, saisi d'un pourvoi en cassation par la commune de Châtillon-sur-Seine, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon et lui a renvoyé l'affaire.
Procédure devant la cour :
Par un mémoire enregistré le 24 mars 2016, la commune de Châtillon-sur-Seine, représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Dijon en son article 1er et de le confirmer pour le surplus ;
2°) de rejeter la requête de M. A... et de MmeE... ;
3°) de mettre à leur charge, à l'un et à l'autre, la somme de 1 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune soutient que :
- le projet social présente un caractère d'intérêt général car il a pour objet d'intégrer une population au sein du quartier alors qu'elle est actuellement marginalisée dans des conditions d'hébergement insatisfaisant ;
- la cession des différents lots n'a pas été effectuée sans contrepartie, ces contreparties résultant notamment du cahier des charges de cession de terrain annexé à l'acte notarié d'acquisition des différents lots ;
- en outre, le projet a compensé le coût potentiel d'une aire d'accueil des gens du voyage, a pour but de régulariser des branchements sauvages (eau, électricité) et l'absence d'imposition et d'économiser le coût d'entretien des lieux.
Par un mémoire en défense enregistré le 30 mars 2016, M. A...et MmeE..., représentés par MeB..., demandent à la cour :
1°) d'annuler la délibération n° 2011-106 du 9 décembre 2011 par laquelle le conseil municipal de Châtillon-sur-Seine a autorisé la vente de terrains cadastrés ZK n° 298 à ZK n° 311 ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Châtillon-sur-Seine la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. A...et Mme E...font valoir que :
- le motif d'intérêt général tenant à l'intégration d'une population, que la commune avance désormais, n'est pas établi ;
- les contreparties générées par l'opération, telles que les présente la commune, ne le sont pas davantage ; ce ne sont pas les cessions autorisées qui ont été de nature à procurer des avantages en matière d'hygiène et de sécurité, mais bien l'opération d'aménagement du lotissement ; la commune n'échappera en outre pas à ses obligations en matière d'aménagement d'une aire pour les gens du voyage ; elle n'a réalisé aucune économie pour la remise en état du site avant la création du lotissement ;
- les contreparties ne sont ni effectives, ni suffisantes, en particulier le cahier des charges n'a nullement été présenté au conseil municipal préalablement à l'adoption de la délibération contestée ni visé aux termes des actes de vente ultérieurement régularisés ;
- une telle opération engendre une rupture d'égalité entre les administrés de la commune ; d'autres opérations d'aménagement ont été menées afin de permettre à la population d'accéder à la propriété, mais aucun tarif préférentiel n'a été accordé à ces cessionnaires.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gondouin,
- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public.
1. Considérant que, dans le cadre d'un projet de relogement de personnes appartenant à la communauté des gens du voyage vivant sur son territoire, la commune de Châtillon-sur-Seine a décidé de créer le lotissement " Les Hauts de Cramont " ; que ce lotissement devait comprendre une partie destinée à accueillir des logements locatifs sociaux et une autre partie destinée à être cédée par lots aux personnes accédant à la propriété ; que, par une délibération du 9 décembre 2011, le conseil municipal a décidé la cession des parcelles cadastrées ZK n° 298 à ZK n° 311 au prix de 5 euros hors taxe le mètre carré, autorisé le maire à signer les actes nécessaires à son exécution et décidé l'imputation des recettes afférentes à son exécution au budget annexe " Lotissement d'habitations Les Hauts de Cramont " ; que le tribunal administratif de Dijon a annulé ces dispositions par l'article 1er de son jugement n° 1200312 et 1200313 du 5 mars 2013 ; que la cour administrative d'appel de Lyon ayant confirmé ce jugement par un arrêt du 19 décembre 2013, la commune de Châtillon-sur-Seine a formé un pourvoi en cassation ; que le Conseil d'État, après avoir annulé cet arrêt, a renvoyé l'affaire devant la cour ;
2. Considérant que la cession par une commune d'un terrain à des particuliers pour un prix inférieur à sa valeur ne saurait être regardée comme méconnaissant le principe selon lequel une collectivité publique ne peut pas céder un élément de son patrimoine à un prix inférieur à sa valeur à une personne poursuivant des fins d'intérêt privé lorsque la cession est justifiée par des motifs d'intérêt général et comporte des contreparties suffisantes ;
3. Considérant que, pour déterminer si la décision par laquelle une collectivité publique cède à une personne privée un élément de son patrimoine à un prix inférieur à sa valeur est, pour ce motif, entachée d'illégalité, il incombe au juge de vérifier si elle est justifiée par des motifs d'intérêt général ; que, si tel est le cas, il lui appartient ensuite d'identifier, au vu des éléments qui lui sont fournis, les contreparties que comporte la cession, c'est-à-dire les avantages que, eu égard à l'ensemble des intérêts publics dont la collectivité cédante a la charge, elle est susceptible de lui procurer, et de s'assurer, en tenant compte de la nature des contreparties et, le cas échéant, des obligations mises à la charge des cessionnaires, de leur effectivité ; qu'il doit, enfin, par une appréciation souveraine, estimer si ces contreparties sont suffisantes pour justifier la différence entre le prix de vente et la valeur du bien cédé ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que par la délibération litigieuse du 9 décembre 2011 le conseil municipal de Châtillon-sur-Seine a autorisé la cession des parcelles cadastrées ZK n° 298 à ZK n° 311 au prix de 5 euros hors taxe le mètre carré alors que, dans un avis du 4 novembre 2011, le service des domaines estimait la valeur vénale de ces terrains à 30 euros hors taxe le mètre carré ; que cette cession avait pour objectif de permettre à de nombreuses familles issues de la communauté des gens du voyage qui occupaient le lieu dans des conditions d'hygiène et de salubrité sommaires de disposer d'un logement décent ; que cette opération était, dès lors, justifiée par un motif d'intérêt général ;
5. Considérant que ce projet permet de compenser, au moins dans un premier temps, le coût potentiel d'aménagement d'une aire d'accueil plus importante pour les gens du voyage et a pour effet de minimiser sinon de supprimer les coûts d'entretien des lieux actuellement occupés ; qu'il doit enfin mettre un terme à une occupation du terrain jugée dangereuse tant sur le plan sanitaire que sur le plan sécuritaire ; que ces contreparties attendues par la commune de Châtillon-sur-Seine sont, dans les circonstances de l'espèce, suffisantes pour justifier la différence entre le prix de vente du terrain et la valeur du bien estimée par le service des domaines ; que, par suite, la commune de Châtillon-sur-Seine est fondée à contester le bien-fondé du motif par lequel le tribunal administratif de Dijon a annulé la délibération n° 2011-106 du 9 décembre 2011 de son conseil municipal ;
6. Considérant qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...et MmeE... ;
7. Considérant que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que des situations différentes soient réglées de façon différente ni à ce qu'il soit dérogé à l'égalité pour des motifs d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la mesure qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des différences de situation susceptibles de la justifier ; qu'au regard de l'objet des dispositions contestées devant la cour, la délibération contestée prise en faveur d'une catégorie de la population pour les motifs précédemment invoqués ne porte pas atteinte au principe d'égalité ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Châtillon-sur-Seine est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a annulé la délibération n° 2011-106 du 9 décembre 2011 de son conseil municipal ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Châtillon-sur-Seine qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, quelle que somme que ce soit, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... et Mme E...la somme demandée par la commune de Châtillon-sur-Seine au même titre ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1200312 et 1200313 du tribunal administratif de Dijon du 5 mars 2013 est annulé.
Article 2 : La demande de M. A...et de Mme E...présentée devant le tribunal administratif de Dijon tendant à l'annulation de la délibération du 9 décembre 2011 en tant qu'elle prévoit la cession des parcelles cadastrées ZK n° 298 à ZK n° 311, autorise le maire à signer les actes nécessaires à son exécution et décide l'imputation des recettes afférentes à son exécution à l'article 7015 " vente de terrains " du budget annexe " Lotissement d'habitations Les Hauts de Cramont " est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Châtillon-sur-Seine, à M. G...-F... A...et à Mme D...E....
Délibéré après l'audience du 12 mai 2016 où siégeaient :
- M. Mesmin d'Estienne, président,
- Mme Gondouin, premier conseiller,
- Mme Samson-Dye, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 31 mai 2016.
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N° 15LY03237