Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association " Vigilance Halal protection et respect de l'animal et du consommateur ", par une requête enregistrée le 11 septembre 2015, a d'abord demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision de la commune de Saint-Étienne de mettre à la disposition du public les locaux situés 25, rue de l'apprentissage à Saint-Étienne, à titre d'abattoir temporaire à l'occasion des festivités dites de l'" Aïd-el-Adha " commençant le 24 septembre.
Par l'ordonnance n° 1507977 du 14 septembre 2015, la présidente de la 6ème chambre du tribunal administratif a rejeté sa requête.
L'association a ensuite demandé au tribunal administratif de Lyon, par une requête enregistrée le 21 septembre 2015, d'annuler une décision non matérialisée du préfet de la Loire autorisant l'aménagement de locaux sis 25, rue de l'apprentissage, à Saint-Étienne, en vue de leur utilisation temporaire, durant les festivités de l'Aïd-al-Adha de 2015, pour la pratique de l'abattage rituel d'ovins.
Par l'ordonnance n° 1508154 du 23 septembre 2015, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif a rejeté sa requête.
Par deux requêtes enregistrées le 17 novembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, l'association " Vigilance Halal protection et respect de l'animal et du consommateur " a demandé l'annulation des ordonnances n° 1507977 du 14 septembre 2015 et n° 1508154 du 23 septembre 2015.
Par les ordonnances nos 394612 et 394613 du 27 novembre 2015, le président de la section du contentieux du Conseil d'État, sur le fondement de l'article R. 351-1 du code de justice administrative, a attribué le jugement des deux requêtes à la cour administrative d'appel de Lyon.
Procédure devant la cour :
I - Par sa requête présentée par la SCP Le Griel et ensuite enregistrée à la cour sous le n° 15LY03872, l'association " Vigilance Halal protection et respect de l'animal et du consommateur ", demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance de la présidente de la 6ème chambre du tribunal administratif de Lyon n° 1507977 du 14 septembre 2015 ;
2°) de mettre à la charge de la ville de Saint-Étienne la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
L'association soutient que :
- l'ordonnance est irrégulière dès lors que son dispositif ne mentionne pas ce qui est décidé ;
- ses conclusions étaient parfaitement claires, était demandée l'annulation de la décision de la ville de Saint-Étienne de mettre à disposition du public des locaux à titre d'abattoir temporaire.
Par un mémoire enregistré le 28 avril 2016, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt informe la cour que cette requête n'appelle pas d'observation de sa part, le litige portant sur une décision relevant de la compétence de la commune de Saint-Étienne.
Par un mémoire en défense enregistré le 9 mai 2016, la commune de Saint-Étienne, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête de l'association " Vigilance Halal protection et respect de l'animal et du consommateur " ainsi que ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de mettre à la charge de cette association la somme de 2 000 euros au titre de ces dispositions.
La commune de Saint-Étienne fait valoir que :
- la demande de l'association était manifestement irrecevable ;
- la requête est infondée en ce qu'elle critique l'incompétence du maire.
II - Par sa requête présentée par la SCP Le Griel et enregistrée à la cour sous le n° 15LY03873, puis par son mémoire enregistré le 9 mai 2016, l'association " Vigilance Halal protection et respect de l'animal et du consommateur ", représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Lyon n° 1508154 du 23 septembre 2015 ;
2°) d'annuler la décision révélée du préfet de la Loire d'aménager des locaux sis 25, rue de l'apprentissage, à Saint-Étienne, en vue de leur utilisation temporaire, durant les festivités de l'Aïd-al-Adha de 2015, pour la pratique de l'abattage rituel d'ovins ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
L'association soutient que :
- le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Lyon était incompétent pour statuer par voie d'ordonnance sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, il aurait dû l'inviter à régulariser sa requête ;
- c'est à tort qu'il a considéré qu'elle n'avait pas intérêt pour agir contre la décision du préfet de la Loire autorisant l'utilisation temporaire de locaux pour la pratique de l'abattage rituel ; une association à des fins très étendues peut néanmoins, dans certaines circonstances, justifier d'un intérêt donnant intérêt à agir contre une décision à objet localisé ;
- la décision du préfet est entachée d'un vice de forme (absence d'arrêté), d'un vice de procédure (absence de dépôt de dossier de demande d'autorisation et absence d'instruction du dossier) d'une violation de la loi (absence d'étude d'impact et absence d'essai de la chaîne d'abattage).
Par deux mémoires enregistrés les 28 avril et 18 mai 2016, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt conclut au rejet de la requête.
Le ministre fait valoir que :
- l'ordonnance attaquée était régulière, l'association n'avait pas d'intérêt pour agir ;
- les conclusions contre une décision qui serait " révélée " sont tardives et donc irrecevables ;
- l'arrêté préfectoral du 10 septembre 2015 autorisant l'exploitation d'un atelier d'abattage ovin a été précédé d'une étude d'impact.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus, au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gondouin, rapporteur,
- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public,
- les observations de MeC..., représentant la Ville de Saint-Étienne.
1. Considérant que l'association " Vigilance Halal protection et respect de l'animal et du consommateur " a saisi le tribunal administratif de Lyon le 11 septembre 2015 d'une demande d'annulation de la décision de la commune de Saint-Étienne de mettre à la disposition du public les locaux situés 25, rue de l'apprentissage à Saint-Étienne à titre d'abattoir temporaire à l'occasion des festivités dites de l'Aïd-el-Adha commençant le 24 septembre ; que, par une ordonnance du 14 septembre 2015, la présidente de la 6ème chambre du tribunal a rejeté sa demande ; que, le 21 septembre 2015, l'association a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler " une décision non matérialisée du préfet de la Loire autorisant l'aménagement de locaux sis 25, rue de l'apprentissage, à Saint-Étienne, en vue de leur utilisation temporaire, durant les festivités de l'Aïd-al-Adha de 2015, pour la pratique de l'abattage rituel d'ovins " ; que, par une ordonnance du 23 septembre 2015, le président de la 2ème chambre du tribunal a rejeté sa demande ; que l'association relève appel de chacune de ces deux ordonnances par ses requêtes 15LY03872 et 15LY03873 ;
2. Considérant qu'il y a lieu de joindre ces deux requêtes pour statuer par un seul arrêt ;
3. Considérant, en premier lieu, que, d'une part, par un communiqué de presse de la ville de Saint-Étienne daté du 20 juillet 2015 produit par l'association requérante, a été porté à la connaissance du public que la " ville de Saint-Étienne, sollicitée par la préfecture de la Loire comme d'autres collectivités locales ligériennes, et dans un souci constant d'assurer des conditions d'hygiène, de santé et de sécurité satisfaisantes, contrairement aux années précédentes, a décidé de mettre à disposition, temporairement, un local pour l'abattage rituel lors de la célébration de l'Aïd-El-Kébir, prévue, cette année, le 24 septembre ; que le même document comportait en outre d'autres précisions relatives à la durée de la mise à disposition du site, au lieu et aux mesures de sécurité envisagées ; qu'en dépit de son intitulé " pour information ", ce document comportait ou révélait des décisions susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; que, dès lors, l'association requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, la présidente de la 6ème chambre du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa requête en la jugeant manifestement irrecevable ;
4. Considérant que, d'autre part, par un communiqué daté du 1er septembre 2015, produit par l'association requérante, la préfecture de la Loire a rappelé les conditions dans lesquelles devait se dérouler la fête de l'Aïd-el-Adha en mentionnant que les personnes souhaitant célébrer cette fête devront, en particulier, contacter les établissements de la Loire énumérés au nombre desquels le " site temporaire autorisé " situé 25, rue de l'apprentissage à Saint-Étienne ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une décision d'autorisation de ce site ait été antérieurement prise ; qu'il y a lieu de considérer que le communiqué préfectoral du 1er septembre 2015 révèle l'existence d'une telle autorisation ; que cette autorisation qui constitue une mesure de police peut faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ;
5. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 2 de ses statuts, l'association " Vigilance Halal, protection et respect de l'animal et du consommateur ", déclarée en préfecture le 24 octobre 2012, a " pour but la recherche des conséquences multiples du halal en général et de l'abattage halal en particulier, l'information du public, les actions médiatiques et juridiques, les conférences, un site internet et un blog. / Elle vise à regrouper toutes les personnes publiques et privées qui oeuvrent pour une législation contraignante en la matière, en vue de la protection et de l'information des consommateurs et du respect des animaux " ; que cette association, dont le siège social est fixé à Saint-Pierre d'Aurillac, en Gironde a un ressort national ;
6. Considérant qu'en principe le fait qu'une décision administrative ait un champ d'application territorial fait obstacle à ce qu'une association ayant un ressort national justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour en demander l'annulation ; qu'il peut toutefois en aller autrement lorsque la décision soulève, en raison de ses implications, des questions qui, par leur nature et leur objet, excèdent les seules circonstances locales ; que les mesures de police attaquées par l'association requérante présentent, dans la mesure où elles répondent à une situation susceptible d'être rencontrée dans d'autres communes, une portée excédant leur seul objet local ; que, dès lors, c'est à tort que, par l'ordonnance du 23 septembre 2015, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de l'association requérante dirigée contre la décision par laquelle le préfet de la Loire a autorisé l'aménagement de locaux sis 25 rue de l'apprentissage, à Saint-Étienne, en vue de leur utilisation temporaire, durant les festivités de l'Aïd-al-Adha de 2015, pour la pratique de l'abattage rituel d'ovins ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens tirés de l'irrégularité des ordonnances attaquées, que les ordonnances nos 1507977 du 14 septembre 2015 et 1508154 du 23 septembre 2015 doivent être annulées ; qu'il y a lieu, en l'espèce, de renvoyer les affaires devant le tribunal administratif de Lyon pour qu'il statue à nouveau sur les demandes de l'association " Vigilance Halal protection et respect de l'animal et du consommateur " ;
8. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions de l'association " Vigilance Halal protection et respect de l'animal et du consommateur " présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les ordonnances nos 1507977 du 14 septembre 2015 de la présidente de la 6ème chambre et 1508154 du 23 septembre 2015 du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Lyon sont annulées.
Article 2 : Le jugement de ces affaires est renvoyé au tribunal administratif de Lyon.
Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association " Vigilance Halal protection et respect de l'animal et du consommateur ", au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, et à la ville de Saint-Étienne.
Délibéré après l'audience du 26 mai 2016 où siégeaient :
- M. Mesmin d'Estienne, président,
- Mme Gondouin, premier conseiller,
- Mme Samson-Dye, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 juin 2016.
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Nos 15LY03872, 15LY03873