Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société SC Auto a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée rappelés au titre de la période allant du 1er juin 2007 au 31 mars 2010, ainsi que des pénalités, amendes et intérêts de retard, dont ces droits ont été assortis.
Par un jugement n° 1301157 du 30 septembre 2014, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 novembre 2014, la société SC Auto, représentée par Me A...du cabinet " Juri-Défi ", demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 30 septembre 2014 ;
2°) de la décharger de ces impositions ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
la société SC Auto soutient que :
- si la délivrance par l'administration des certificats d'immatriculation ne constitue pas une position formelle de l'administration, elle n'en reste pas moins une prise de position sur la nature de l'acquisition effectuée qui l'a conforté sur la nature de l'acquisition effectuée ;
- c'est à bon droit car, en toute bonne foi, qu'elle a appliqué le régime d'imposition de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge ; il ne peut lui être opposé le fait que son gérant est un professionnel de l'automobile pour soutenir qu'elle ne pouvait ignorer que le régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge n'était pas applicable ; il ne lui appartenait pas de vérifier le régime de taxe sur la valeur ajoutée appliqué par les propriétaires originels des véhicules alors que leur qualité d'entreprises de location ou de négoce de véhicules ne permet pas d'établir si les opérations en cause leur avaient ou non ouvert un droit à déduction ; elle a effectué à de nombreuses reprises des démarches téléphoniques auprès de ses fournisseurs qui lui auraient confirmé oralement que le régime de la marge était applicable en l'espèce ; elle n'assurait pas le convoyage des véhicules qu'elle avait acquis auprès de ses fournisseurs comme dans l'arrêt société Avenir Automobiles.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juin 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Le ministre des finances et des comptes publics soutient que :
- c'est à bon droit que l'administration a remis en cause l'application de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge sur les ventes de véhicules d'occasion acquis par la société SC Auto auprès de société espagnoles et roumaines et a considéré que ces acquisitions présentaient le caractère d'acquisitions intracommunautaires taxables sur l'intégralité du prix de revente à ses propres clients ; cette société ne pouvait ignorer que le régime de taxe sur la valeur ajoutée appliqué aux transactions en cause était erroné ;
- la société SC Auto n'est pas fondée à faire valoir que le visa apposé par l'administration fiscale sur le certificat prévu à l'article 242 terdecies de l'annexe II au code général des impôts a le caractère d'une prise de position formelle de l'administration sur le régime de la taxe applicable à la transaction qui lui serait opposable sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales dès lors que l'administration n'exerce à ce titre qu'un contrôle formel pour les seuls besoins de l'immatriculation ou la francisation du véhicule introduit en France.
Par ordonnance du 30 août 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 16 septembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mear, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Besse, rapporteur public.
1. Considérant que la société SC Auto, qui exerce une activité d'intermédiaire dans la vente de véhicules automobiles neufs et d'occasion à Saint Flour, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ; qu'à la suite de ce contrôle, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée ont été mis à sa charge, selon une procédure de rectification contradictoire, au titre de la période du 1er juin 2007 au 31 mars 2010 ; que ces droits supplémentaires ont été assortis d'intérêts de retard, de la majoration pour manquement délibéré sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts et de l'amende prévue par l'article 1788 A 4. du même code ; que la société SC Auto relève appel du jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 30 septembre 2014 qui a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
S'agissant de l'application de la loi fiscale :
2. Considérant qu'aux termes du I de l'article 256 bis du code général des impôts, dans sa version applicable jusqu'au 1er janvier 2008 : " 1° Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les acquisitions intracommunautaires de biens meubles corporels effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie lorsque le vendeur est un assujetti agissant en tant que tel et qui ne bénéficie pas dans son Etat du régime particulier de franchise des petites entreprises (...) / 2° bis Les acquisitions intracommunautaires de biens d'occasion (...) effectuées à titre onéreux par un assujetti (...) ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée lorsque le vendeur ou l'assujetti est un assujetti revendeur qui a appliqué dans l'Etat membre de départ de l'expédition ou du transport du bien les dispositions de la législation de cet Etat prises pour la mise en oeuvre des B ou C de l'article 26 bis de la directive n° 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977 (...) " devenus, dans la version applicable de cet article à compter du 1er janvier 2008 : " des articles 31 à 39 de la directive 2006 / 112 / CE du Conseil du 28 novembre 2006 " ; qu'aux termes du I de l'article 297 A du même code : " 1° La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion (...) qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat (...) " ; qu'aux termes de l'article 297 E du même code : " Les assujettis qui appliquent les dispositions de l'article 297 A ne peuvent pas faire apparaître la taxe sur la valeur ajoutée sur leurs factures. " ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'une entreprise française assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée a la qualité d'assujetti revendeur et peut appliquer le régime de taxation sur la marge prévu par l'article 297 A du code général des impôts, lorsqu'elle revend un bien d'occasion acquis auprès d'un fournisseur, situé dans un autre Etat membre, qui, en sa qualité d'assujetti revendeur, lui a délivré une facture conforme aux dispositions précitées de l'article 297 E du code général des impôts, et dont le fournisseur a aussi cette qualité ou n'est pas assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'en revanche, les reventes de véhicules d'occasion qui ont fait l'objet d'une acquisition intracommunautaire soumise à la taxe sur la valeur ajoutée ne peuvent bénéficier du régime de la marge prévu aux articles 297 A et suivants du code général des impôts ;
4. Considérant que, lorsqu'une entreprise produit des factures émanant de ses fournisseurs qui mentionnent que les ventes de véhicules s'effectuaient sous le régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge mentionné ci-dessus, il incombe à l'administration, si elle s'y croit fondée, de démontrer, d'une part, que les mentions portées sur ces factures sont erronées, d'autre part, que le bénéficiaire de ces achats de véhicules savait ou aurait dû savoir que les opérations présentaient le caractère d'acquisitions taxables sur l'intégralité du prix de revente à ses propres clients, sans que pèse sur le contribuable l'obligation de vérifier la qualité d'assujetti revendeur de ses fournisseurs ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a, en premier lieu, assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée des acquisitions intracommunautaires de véhicules neufs effectuées par la société SC Auto au cours de la période litigieuse ; qu'elle a, en deuxième lieu, remis en cause l'application du régime de taxation sur la marge appliqué par la société SC Auto lors de la revente des véhicules automobiles d'occasion ; que cette remise en cause de ce régime de taxation a concerné des ventes de véhicules d'occasion acquis selon le régime des livraisons intra-communautaires et des ventes de véhicules imposées selon le régime de la marge ; qu'elle a, en troisième lieu, assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée l'ensemble des ventes de véhicules acquis en 2008 auprès de la société espagnole Access Auto sur l'intégralité du prix de vente au motif que la société requérante, qui n'avait au demeurant pas soumis ses commissions à la taxe sur la valeur ajoutée, s'était comportée dans l'ensemble de ces transactions comme un intermédiaire opaque ; que la SARL SC Auto ne conteste que la remise en cause de son application du régime de la marge au motif que l'administration n'est pas fondée à soutenir qu'elle ne pouvait ignorer que ce régime n'était pas applicable ;
6. Considérant que l'administration a remis en cause l'application du régime de la marge par la SARL SC Auto aux reventes de véhicules automobiles qu'elle a acquis auprès des sociétés espagnoles Access Auto/Guelode Alban, Auto Center Betti SL Unipersonal, Sodicra SL/Alberes, Proservice TGNA SL et de la société roumaine Develin Com SRL au motif que les mentions portées sur les factures d'achat de la société requérante sont erronées et que cette dernière ne pouvait ignorer que ses fournisseurs avaient la qualité d'assujettis revendeurs au sens des dispositions de l'article 256 bis du code général des impôts ;
7. Considérant, d'une part, qu'il résulte des réponses apportées par les autorités fiscales espagnoles et roumaines aux demandes d'assistance administrative présentées par les autorités françaises relatives aux cinq sociétés susmentionnées, fournisseurs de la SARL SC Auto, que les fournisseurs allemands des sociétés Proservice TGNA SL, Auto Center Betti SL Unipersonal, Sodicra SL et Develin n'ont pas vendu les véhicules en cause à ces dernières sous le régime de la marge de sorte qu'elles ne pouvaient revendre ces véhicules à la société requérante sous ce même régime ; que, s'agissant de la société Access Auto Guelande Alban, l'administration fait valoir, sans être contredite, que les autorités espagnoles ont indiqué que cette société a revendu en France des biens sous le régime spécial des biens d'occasion mais qu'elle était présumée faire partie d'un circuit de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée et a été radiée du registre des numéros d'identification intra-communautaires le 19 septembre 2008 ; qu'ainsi, cinq des transactions effectuées entre la SARL SC Auto et la société Access Auto ont été effectuées postérieurement à la radiation de son numéro de taxe sur la valeur ajoutée intra communautaire ; que, par ailleurs, ces cinq sociétés, fournisseurs de la société requérante, s'approvisionnaient toutes auprès de concessionnaires automobiles ou d'entreprises de location allemands qui avaient pu bénéficier ainsi en tant que telles du droit de déduction de la taxe acquittée lors de leurs propres acquisitions des véhicules en cause ; que, par suite l'administration établit que les mentions relatives à la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge figurant sur les factures d'achat de la société requérante sont erronées ;
8. Considérant, d'autre part, que pour établir que la société requérante ne pouvait ignorer qu'elle n'était pas en droit d'appliquer le régime de taxation sur la marge, l'administration soutient que la société requérante détenait les cartes grises et les certificats de conformité européens des véhicules en cause lesquels révélaient l'identité des premiers propriétaires de sorte qu'elle savait ainsi que les véhicules avaient été acquis auprès de professionnels de l'automobile (constructeurs, concessionnaires, sociétés de location, garagistes ou négociants en véhicules) pouvant déduire le montant de la taxe sur la valeur ajoutée acquitté lors de l'acquisition des véhicules, que la SARL SC Auto assurait elle-même directement d'Allemagne vers la France le convoyage des véhicules acquis auprès de ses fournisseurs espagnols et de son fournisseur roumain, que des annonces internet figuraient dans les dossiers établis par la société requérante mentionnant le nom du fournisseur d'origine et portant la mention " taxe sur la valeur ajoutée récupérable ", et que le gérant de la SARL SC Auto en tant que professionnel du commerce automobile ne pouvait pas ignorer les règles de la taxe sur la valeur ajoutée intracommunautaire applicable aux opérations de négoce alors qu'il avait correctement appliqué ces règles dans le cadre de la commercialisation de véhicules neufs d'origine intracommunautaire et que quatre de ses cinq fournisseurs ont été radiés au cours de la période de référence du registre des numéros d'identification intra-communautaire ; qu'en se bornant à faire valoir que son gérant bien que professionnel du commerce intracommunautaire de véhicules automobiles n'était pas un professionnel du droit, qu'il ne lui appartenait pas de vérifier la régularité de l'application du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge, que son gérant aurait effectué à " de nombreuses reprises " des " démarches téléphoniques auprès de ses fournisseurs qui lui auraient confirmé oralement que le régime de la marge était applicable en l'espèce " et qu'elle n'assurait pas elle-même le convoyage des véhicules, circonstance au demeurant non établie, la société requérante ne conteste pas sérieusement les éléments du faisceau d'indices dont se prévaut l'administration pour établir qu'elle ne pouvait ignorer que le régime de taxation sur la marge n'était pas applicable en l'espèce ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'administration établit que les mentions portées sur les factures d'achat de la SARL SC Auto étaient erronées et que cette dernière savait ou aurait dû savoir que les opérations présentaient le caractère d'acquisitions taxables sur l'intégralité du prix de revente à ses propres clients ;
S'agissant de la garantie des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales :
10. Considérant qu'aux termes du I de l'article 242 terdecies de l'annexe II au code général des impôts : " I. Toute personne qui acquiert un moyen de transport mentionné au 1 du III de l'article 298 sexies du code général des impôts, en provenance d'un autre Etat membre de l'Union européenne, est tenue de demander auprès de l'administration fiscale dont elle relève le certificat fiscal prévu au V bis de l'article 298 sexies du code général des impôts. Le certificat doit être obligatoirement présenté pour obtenir l'immatriculation ou la francisation d'un moyen de transport mentionné au premier alinéa et provenant d'un autre Etat membre de l'Union européenne. Lorsqu'un véhicule terrestre à moteur d'occasion est acquis auprès d'un assujetti revendeur qui a appliqué le régime prévu à l'article 297 A du code général des impôts à la revente du véhicule, le certificat est demandé par cet assujetti revendeur ou, si l'opération a été réalisée par l'intermédiaire d'un mandataire agissant au nom et pour le compte de l'acquéreur du véhicule, par ce mandataire" ; qu'il résulte de ces dispositions que le visa apposé par l'administration fiscale est délivré sur le fondement d'un contrôle en la forme des documents présentés, pour les seuls besoins de l'immatriculation ou de la francisation d'un moyen de transport introduit en France, sans avoir pour objet une prise de position sur le régime fiscal applicable au regard de la taxe sur la valeur ajoutée, ainsi d'ailleurs qu'en témoignent les mentions figurant sur ce certificat ; que la délivrance de ce document ne peut être regardée, en l'absence de toute mention expresse en ce sens, comme ayant le caractère d'une telle prise de position ; que, par suite, si la SARL SC Auto entend maintenir ce moyen en appel ce dernier doit être écarté dès lors qu'elle ne saurait se prévaloir, sur le fondement des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales, d'une prise de position formelle de l'administration sur l'appréciation de sa situation de fait au regard de la loi fiscale résultant de la seule apposition de ce visa ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que l'administration a remis en cause le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge appliqué par la SARL SC Auto ; que, par suite, cette dernière n'est pas fondée à contester les rappels de taxe sur la valeur ajoutée litigieux et les pénalités y afférentes ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société SC Auto n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SARL SC Auto la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL SC Auto est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL SC Auto et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience du 18 octobre 2016, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Mear, président-assesseur,
Mme Terrade, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 novembre 2016.
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N° 14LY03645
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