Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Distribution Casino France a demandé au tribunal administratif de Lyon la restitution des intérêts moratoires afférents aux droits de taxe sur les achats de viande qu'elle a acquittés au cours de l'année 2001.
Par une ordonnance n° 1405793 du 20 novembre 2014, la présidente de la 6ème chambre du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 janvier 2015 et des mémoires enregistrés le 23 octobre 2015 et le 25 octobre 2016, la société Distribution Casino France, représentée par la société d'avocats PDGB, demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance de la présidente de la 6ème chambre du tribunal administratif de Lyon du 20 novembre 2014 ;
2°) de lui accorder la restitution demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- contrairement à ce qu'a jugé le premier juge, sa réclamation n'était pas tardive dès lors que les avis de mise en recouvrement sont irréguliers et n'ont, par conséquent, pas pu faire courir le délai de prescription ;
- lorsque l'administration rétablit des impositions dégrevées, elle ne peut pas exiger la restitution des intérêts moratoires.
Par des mémoires enregistrés le 26 août 2015 et le 17 octobre 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par la société Distribution Casino France n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Savouré,
- les conclusions Mme Bourion, rapporteur public.
1. Considérant que la société Distribution Casino France, qui s'était acquittée de la taxe sur les achats de viande au titre de l'année 2001, en a obtenu le dégrèvement après l'avoir contestée par réclamation du 22 janvier 2002 ; qu'après lui avoir restitué la taxe versée, majorée de l'intérêt moratoire prévu à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, l'administration a remis en cause ce dégrèvement et émis un premier avis de mise en recouvrement le 15 octobre 2007 pour la période du 1er janvier au 31 octobre 2001, mentionnant un montant de 19 254 838 euros en droits et 2 037 277 euros au titre des intérêts moratoires, et un second le 12 décembre 2007, pour les deux derniers mois de l'année 2001, mentionnant un montant de 4 577 374 euros en droits et 409 138 euros au titre des intérêts moratoires ; qu'après s'être acquittée de ces sommes en 2011, la société Distribution Casino France a demandé, par réclamation du 25 février 2013, la restitution des intérêts moratoires ; que l'administration a refusé de faire droit à cette demande, estimant qu'elle avait été présentée après l'expiration du délai de réclamation ; que la société Distribution Casino France relève appel de l'ordonnance du 20 novembre 2014 par laquelle la présidente de la 6ème chambre du tribunal administratif de Lyon a, sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, rejeté sa demande à fin de restitution comme manifestement irrecevable ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, les présidents de formation de jugement des tribunaux administratifs " peuvent, par ordonnance : (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens (...) " ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : a) De la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement ; b) Du versement de l'impôt contesté lorsque cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement (...) " ;
4. Considérant que l'article L. 256-1 du même livre dispose que : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité. / Un avis de mise en recouvrement est également adressé par le comptable public pour la restitution des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature mentionnés au premier alinéa et indûment versés par l'Etat. (...) " ; que l'article R. 256-1 dudit livre prévoit que : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. / Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications. / (...) L'avis de mise en recouvrement, dans le cas mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 256, indique seulement le montant de la somme indûment versée, et la date de son versement. " ;
5. Considérant que pour rejeter la réclamation de la société Distribution Casino France, l'administration s'est fondée sur le motif tiré de ce que cette réclamation, " reçue le 25 février 2013 afférente à des avis de mise en recouvrement d'octobre 2007 et décembre 2007 est entachée de forclusion et donc irrecevable " ; que la demande de ladite société devant le tribunal administratif n'était accompagnée que de la première page des avis de mise en recouvrement des 15 octobre et 12 décembre 2007 et de la décision statuant sur sa réclamation ; qu'en l'absence de tout autre élément relatif, notamment, à la date à laquelle le redevable a eu connaissance de ces avis de mise en recouvrement, cette demande ne pouvait pas être regardée comme manifestement irrecevable, au sens du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ; que, par suite, l'ordonnance attaquée est irrégulière et doit être annulée ;
6. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de la société Distribution Casino France devant le tribunal administratif de Lyon ;
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des pièces produites pour la première fois en appel, à la demande de la cour, que la société requérante a eu connaissance de l'avis de mise en recouvrement du 15 octobre 2007 au plus tard le 25 octobre 2010, date à laquelle l'administration a reçu le plan de règlement de la dette correspondante, signé par le représentant de cette société ; que l'administration produit l'avis de réception postal de l'avis de mise en recouvrement du 12 décembre 2007, qui mentionne sa réception le 14 décembre 2007 ; que ces avis, qui comportent les éléments prévus aux deux premiers alinéas de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales, permettent de connaître la nature et le montant des sommes réclamées ; que s'ils n'indiquent pas la date de versement de ces sommes, cette circonstance reste sans incidence sur le délai de réclamation ; que la société requérante ne soutient pas que ces avis de mise en recouvrement ne comportaient pas l'indication des délais et des voies de recours ; que, dès lors, le délai de réclamation expirait, respectivement, le 31 décembre 2012 et le 31 décembre 2009, alors que la société Distribution Casino France n'a présenté sa réclamation que le 25 décembre 2013 ; que, par suite, elle n'est pas recevable à demander la restitution des sommes en litige ;
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse à la société Distribution Casino France une somme au titre des frais exposés à l'occasion du litige ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance de la présidente de la 6ème chambre du tribunal administratif de Lyon du 20 novembre 2014 est annulée.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la société Distribution Casino France est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Distribution Casino France et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience du 10 novembre 2016 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Pourny, président-assesseur,
M. Savouré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er décembre 2016.
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N° 15LY00216