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13/12/2016 | FRANCE | N°15LY01689

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 13 décembre 2016, 15LY01689


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... C...ont demandé au tribunal administratif de Grenoble la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008 et 2009, ainsi que des pénalités y afférentes, et à titre subsidiaire, leur réduction.

La direction départementale des finances publiques de la Haute-Savoie a soumis d'office au tribunal administratif de Grenoble, en application de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales, la réclamation pré

sentée par M. et Mme C... tendant à ce qu'il leur soit accordé la décharge des cotis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... C...ont demandé au tribunal administratif de Grenoble la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008 et 2009, ainsi que des pénalités y afférentes, et à titre subsidiaire, leur réduction.

La direction départementale des finances publiques de la Haute-Savoie a soumis d'office au tribunal administratif de Grenoble, en application de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales, la réclamation présentée par M. et Mme C... tendant à ce qu'il leur soit accordé la décharge des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008 et 2009, ainsi que des pénalités y afférentes et qu'il leur soit accordé le bénéfice du sursis de paiement à concurrence des impositions contestées conformément à l'article L. 277 du livre des procédures fiscales.

Par un jugement n° 1203349 - 1205277 du 9 mars 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 mai 2015 et le 15 février 2016, M. et Mme C..., représentés par Me A..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 mars 2015 ;

2°) de les décharger de ces impositions et des pénalités y afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. et Mme C... soutiennent que :

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

- la procédure suivie à l'égard de l'EURL Brevon est irrégulière ; en effet, la vérification de comptabilité a excédé la durée légale maximale de trois mois sans que l'administration puisse en justifier, notamment au regard de l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; les éléments recueillis dans le cadre de cette vérification de comptabilité n'ont pas de valeur probante suffisante, dès lors que l'administration avait commencé par adresser deux avis de mise en recouvrement à la société pour la même année ; l'envoi de la proposition de rectification à la société n'a pas été précédé d'un débat sur les revenus distribués et leur imposition soit à la charge de la société, soit à la charge de M. et Mme C... ;

- l'administration ne pouvait les imposer d'office sans les avoir mis en demeure de déclarer ces revenus, en application de l'article L. 67 du livre des procédures fiscales ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

- l'administration n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, du bien-fondé des rehaussements apportés aux résultats sociaux et de l'appréhension des sommes en litige par M. et Mme C... ; cette obligation lui incombe notamment au regard du paragraphe 240 de la doctrine BOI-RPPM-RCM-10-20-10 et des paragraphes 360 et 370 du BOI-RPPM-RCM-10-20-20-40 ;

- les éléments recueillis dans le cadre de la vérification de comptabilité suivie à l'encontre de la société n'ont pas de valeur probante suffisante, dès lors que l'administration a considérablement revu ses estimations initiales dans la réponse du 16 mai 2011 aux observations présentées par la société sur ses propres rehaussements ;

- le courrier signé par M. C... en application de la procédure de l'article 117 du code général des impôts, qui n'est opposable qu'à la société, ne suffit pas à apporter la preuve de l'appréhension des sommes en litige ; l'administration n'apporte pas plus la preuve de l'appréhension de ces sommes en indiquant que M. C... était maître de l'affaire en tant qu'associé unique et gérant de l'EURL Brevon ;

Sur les pénalités :

- les pénalités mises à la charge de M. et Mme C... ne sont pas motivées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 août 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre des finances et des comptes publics soutient que les moyens présentés par M. et Mme C... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 29 avril 2016 la clôture d'instruction a été fixée au 9 juin 2016, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Duguit-Larcher, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Besse, rapporteur public.

1. Considérant que l'EURL Brevon, dont M. C... est le gérant et unique associé et qui exploite un restaurant-discothèque à Bellevaux (74470) a opté pour le régime de l'impôt sur les sociétés ; qu'elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 20 octobre 2007 au 30 juin 2010, aux termes de laquelle l'administration, après avoir rejeté sa comptabilité, a reconstitué son chiffre d'affaires imposable au titre des années vérifiées ; que l'administration, qui a constaté une minoration du résultat déclaré de 61 318 euros au titre de l'année 2008 et de 82 808 euros au titre de l'année 2009 et estimé que ces sommes constituaient des revenus distribués à M. et Mme C..., sur le fondement des articles 109-1 1° et 111 c) du code général des impôts, a adressé aux intéressés une proposition de rectification en date du 16 mai 2011 portant sur des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2008 et 2009 ainsi que sur des pénalités y afférentes ; qu'à la suite des observations présentées le 20 mai 2011 par M. et Mme C..., l'administration a confirmé les rehaussements envisagés par une lettre en date du 27 mai 2011 ; que les impositions supplémentaires en résultant et les pénalités y afférentes ont été mises en recouvrement le 30 janvier 2012 s'agissant de l'impôt sur le revenu et le 15 juillet 2012 s'agissant des contributions sociales ; que M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 9 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Grenoble, après avoir joint la demande des intéressés tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à leur charge et leur réclamation tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de contributions sociales mises à leur charge, soumise d'office au tribunal administratif par la direction départementale des finances publiques, a rejeté leurs demandes ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant que les moyens relatifs à la régularité de la procédure d'imposition suivie à l'encontre d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés sont inopérants au regard des impositions mises à la charge de l'un des associés ou gérants de cette société, alors même que le litige porte sur un excédent de distribution révélé par un redressement des bases de l'impôt sur les sociétés que l'administration entend imposer à l'impôt sur le revenu entre les mains du bénéficiaire ; que, par suite, M. et Mme C... ne peuvent utilement se prévaloir, pour contester les impositions mises à leur charge au titre de l'impôt sur le revenu, de ce que la procédure d'imposition suivie à l'égard de l'EURL Brevon, qui a opté pour le régime de l'impôt sur les sociétés, aurait été irrégulière ; qu'ainsi, les moyens tirés de ce que la durée de vérification de comptabilité de cette société aurait excédé la durée légale, que l'envoi de la proposition de rectification à la société n'aurait pas été précédé d'un débat sur les revenus distribués et que l'administration aurait adressé deux avis de mise en recouvrement à la société pour la même année sont inopérants ;

3. Considérant qu'il résulte des termes de la proposition de rectification du 16 mai 2011 adressée à M. et Mme C... pour leur imposition dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers des revenus réputés distribués par l'EURL Brevon, que l'administration les a imposés selon la procédure contradictoire, conformément à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'administration ne pouvait les imposer d'office sans les avoir mis en demeure de déclarer ces revenus, en application de l'article L. 67 du livre des procédures fiscales, doit être écarté comme manquant en fait ;

Sur le bien-fondé des impositions :

4. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital " ; qu'aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109 les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés. " ; que l'article 47 de l'annexe II dudit code précise que : " Toute rectification du bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés au titre d'une période sera prise en compte au titre de la même période pour le calcul des sommes distribuées. " ; qu'en cas de refus des redressements par le contribuable qu'elle entend imposer comme bénéficiaire des sommes regardées comme distribuées, il incombe à l'administration d'apporter la preuve, d'une part, de l'existence et du montant des revenus distribués et, d'autre part, de leur appréhension par le contribuable ;

5. Considérant que M. et Mme C..., dont les rehaussements ont été notifiés selon la procédure contradictoire, n'ayant pas accepté les redressements découlant du rattachement à leur revenu global des bénéfices de l'EURL Brevon, regardés comme distribués à la suite de la vérification de comptabilité de la société, il incombe à l'administration d'apporter la preuve, d'une part, de l'existence et du montant des revenus distribués et, d'autre part, de leur appréhension par M. et Mme C... ;

6. Considérant qu'après avoir rejeté la comptabilité de l'EURL Brevon comme dépourvue de caractère probant en l'absence de présentation du détail des recettes comptabilisées, le vérificateur a reconstitué le chiffre d'affaires et le bénéfice sur la période vérifiée en se fondant sur les conditions d'exploitation de l'entreprise ; que, pour contester le montant des revenus distribués par l'EURL Brevon, M. et Mme C... se bornent à faire valoir que les éléments recueillis par l'administration dans le cadre de la vérification de comptabilité ne seraient pas suffisamment probants, au seul motif que l'administration a diminué le montant du chiffre d'affaires reconstitué après avoir pris en compte certaines des observations formulées par la société le 14 avril 2011, à la suite de la proposition de rectification qui lui avait été notifiée ; que le montant des revenus distribués retenu par l'administration résulte de la prise en compte de ces observations ; que la circonstance que l'administration ait fait droit à certaines des observations formulées ne permet pas de démontrer que la méthode finalement retenue par l'administration pour reconstituer le chiffre d'affaires de la société est viciée ou excessivement sommaire ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article 117 du code général des impôts : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale (...) celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution " ;

8. Considérant qu'à la suite de la rectification des bénéfices de l'EURL Brevon, l'administration a, en application de l'article 117 du code général des impôts, demandé à la société de désigner les bénéficiaires des revenus distribués ; qu'en l'espèce, par courrier du 14 mars 2011, M. C... s'est, en sa qualité de gérant, et sous sa propre signature, désigné comme seul bénéficiaire des distributions ; que si la désignation par la société du bénéficiaire de revenus distribués est seulement opposable à la société, et non à ses associés, il en va différemment lorsque le gérant de la société s'est, en cette qualité, personnellement désigné, sous sa propre signature, comme bénéficiaire des revenus distribués ; que, par suite, M. C...était, du fait de ses propres déclarations, présumé avoir appréhendé ces sommes ; qu'il n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause ses propres déclarations ; qu'ainsi et sans qu'il soit nécessaire de vérifier si M. C... avait la qualité de maître de l'affaire, il n'est pas fondé à soutenir que l'administration n'a pas apporté la preuve qu'il avait appréhendé les sommes litigieuses ;

9. Considérant que les prévisions du paragraphe n° 240 du BOI-RPPM-RCM-10-20-10 et des paragraphes n° 360 et n° 370 du BOI-RPPM-RCM-10-20-20-40, ne livrent pas une interprétation de la loi fiscale autre que celle dont il est fait application ;

Sur les pénalités :

10. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré " ; qu'aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable (...) " ; que ces dispositions imposent à l'administration d'énoncer les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision d'infliger une sanction fiscale ;

11. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a indiqué dans la proposition de rectification du 16 mai 2011 adressée à M. et Mme C... concernant les rehaussements de leurs propres impositions qu'elle entendait appliquer une majoration de 40 % pour manquement délibéré, en application des dispositions de l'article 1729 du code général des impôts, au motif que M. C...avait dissimulé les revenus distribués tirés des pratiques répétées de l'EURL Brevon de dissimulation de recettes ; que l'administration a précisé que M. C... ne pouvait être étranger à ces pratiques et ne pouvait en ignorer l'existence ; que la décision d'appliquer la pénalité litigieuse comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'elle est, par suite, suffisamment motivée au regard des exigences posées par l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales ; qu'en se fondant sur ces éléments, l'administration apporte la preuve qui lui incombe du caractère délibéré des manquements commis par M. et Mme C...dans leurs obligations déclaratives ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. et Mme C... la somme qu'ils réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. et Mme B...C...et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 22 novembre 2016 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Mear, président-assesseur,

Mme Duguit-Larcher, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 décembre 2016.

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N° 15LY01689

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY01689
Date de la décision : 13/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-03-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Revenus distribués.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : TOMME JEAN-JACQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-12-13;15ly01689 ?
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