Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La SAS SATF a demandé au tribunal administratif de Lyon :
1°) à titre principal, d'annuler le titre de perception émis le 27 novembre 2009 pour un montant de 1 428 341 euros, ramené à 1 319 785 euros le 23 juillet 2010 et remplacé en cours d'instance par un titre de même montant émis le 28 juin 2012 ;
2°) à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 319 785 euros.
Par un jugement n° 1104983 du 15 juillet 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 14 septembre 2015 et un mémoire, enregistré le 14 juin 2016, la SAS SATF, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 15 juillet 2015 ;
2°) à titre principal, d'annuler le titre de perception émis le 28 juin 2012 pour un montant de 1 319 785 euros ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 319 785 euros ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le titre de perception contesté ne précise pas suffisamment les bases de liquidation, en méconnaissance de l'article 81 du décret du 29 décembre 1962 ;
- l'administration aurait dû mettre en oeuvre la procédure de rectification contradictoire prévue par l'article L. 55 du livre des procédures fiscales ;
- le titre de perception a été émis après l'expiration du délai de reprise de l'administration prévu par l'article L. 169 du même livre ;
- la décision contestée méconnaît les principes de confiance légitime et de sécurité juridique ;
- l'Etat engage sa responsabilité du fait de la méconnaissance du droit de l'Union européenne, à concurrence du montant du titre de perception.
Par des mémoires enregistrés le 1er avril 2016 et le 3 novembre 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les conclusions indemnitaires sont irrecevables faute de réclamation préalable et constituent un recours parallèle ;
- aucun des moyens présentés par la SAS SATF n'est fondé.
Par une ordonnance du 19 octobre 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 novembre 2016, puis reportée, par une ordonnance du 10 novembre 2016, au 30 novembre 2016.
Par lettres du 23 janvier 2017, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur les moyens relevés d'office, tirés, en premier lieu, de l'irrégularité du jugement attaqué, en tant qu'il n'a pas constaté l'existence d'un non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre le titre de perception du 27 novembre 2009 et, en second lieu, de l'irrecevabilité des conclusions présentées contre le titre de perception émis le 28 juin 2012, faute d'avoir été précédées de la réclamation préalable prévue par les articles 6 à 8 du décret du 29 décembre 1992 alors en vigueur.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ;
- le décret n° 92-1369 du 29 décembre 1992 modifiant le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique et fixant les dispositions applicables au recouvrement des créances de l'Etat mentionnées à l'article 80 de ce décret, alors en vigueur ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Savouré, premier conseiller,
-les conclusions Mme Bourion, rapporteur public ;
1. Considérant qu'au titre de l'exercice clos en 1994, la SAS SATF a bénéficié de l'exonération d'impôt sur les sociétés en faveur de la reprise d'entreprises en difficulté prévue à l'article 44 septies du code général des impôts ; que, par une décision 2004/343/CE du 16 décembre 2003, la Commission européenne a déclaré que les exonérations octroyées en application de cet article, autres que celles qui remplissent les conditions d'octroi des aides " de minimis " et des aides à finalité régionale, constituaient des aides d'Etat illégales et ordonné la récupération sans délai des aides versées ; que, par l'arrêt rendu le 13 novembre 2008 dans l'affaire C-214/07, Commission c/ France, la Cour de justice des Communautés européennes a jugé que la République française avait manqué à ses obligations de recouvrement de ces aides ; que, le 27 novembre 2009, l'Etat a émis à l'encontre de la SAS SATF un titre de perception d'un montant de 1 428 341 euros, correspondant aux cotisations d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés dont elle avait été exonérée en application de l'article 44 septies du code général des impôts, diminuées des aides " de minimis " et des aides à finalité régionale dont elle pouvait bénéficier, et majorées des intérêts dus ; que l'administration a émis le 23 juillet 2010 un titre d'annulation ramenant le montant à recouvrer à la somme de 1 319 785 euros ; que devant le tribunal administratif de Lyon, la SAS SATF a, à titre principal, contesté ce titre de perception et, à titre subsidiaire, demandé la condamnation de l'Etat à lui verser une somme équivalente à celle faisant l'objet de ce titre de perception ; qu'en cours d'instance devant le tribunal administratif, l'administration a annulé, le 28 juin 2012, le titre de perception du 27 novembre 2009, tel que modifié par le titre du 23 juillet 2010 et émis le même jour un nouveau titre de perception de même montant ; que la SAS SATF a alors conclu à l'annulation de ce second titre ; que cette société interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par un titre d'annulation du 28 juin 2012, l'administration a annulé le titre de perception du 27 novembre 2009 modifié par le titre d'annulation du 23 juillet 2010 ; que, dès lors, quand bien même elle a émis le même jour un nouveau titre de perception de même montant, les conclusions présentées contre de ce premier titre étaient devenues sans objet ; que le jugement du tribunal administratif de Lyon du 15 juillet 2015 qui a statué sur cette demande doit, dès lors, être annulé sur ce point ;
3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer les conclusions de la demande ainsi devenues sans objet au cours de la procédure de première instance et de constater qu'il n'y a pas lieu d'y statuer ;
4. Considérant qu'il y a lieu de statuer dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des conclusions de la SAS SATF ;
Sur les conclusions dirigées contre le titre de perception du 28 juin 2012 :
5. Considérant que l'article 6 du décret n° 92-1369 du 29 décembre 1992, alors en vigueur, prévoit que : " Les titres de perception mentionnés à l'article 85 du décret du 29 décembre 1962 susvisé peuvent faire l'objet de la part des redevables soit d'une opposition à l'exécution en cas de contestation de l'existence de la créance, de son montant ou de son exigibilité, soit d'une opposition à poursuites en cas de contestation de la validité en la forme d'un acte de poursuite. Les autres ordres de recettes peuvent faire l'objet d'une opposition à poursuites. (...) " ; qu'aux termes de l'article 7 du même décret : " Avant de saisir la juridiction compétente, le redevable doit (...) adresser sa réclamation appuyée de toutes justifications au comptable qui a pris en charge l'ordre de recette. " ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société requérante n'a pas fait précéder sa contestation du titre de perception du 28 juin 2012 d'une réclamation préalable au comptable ; que, par suite, les conclusions de la SAS SATF dirigées contre ce titre de perception étaient irrecevables ;
Sur les conclusions indemnitaires :
7. Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa version alors applicable : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. (...) " ;
8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société requérante n'a pas fait précéder ses conclusions indemnitaires d'une demande préalable à l'administration ; que, par suite, c'est à bon droit que le ministre des finances et des comptes publics fait valoir que ces conclusions sont irrecevables ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SAS SATF n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions dirigées contre le titre de perception du 28 juin 2012 et à fins indemnitaires ;
10. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la SAS SATF tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 15 juillet 2015 est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de la SAS SATF contre le titre de perception du 27 novembre 2009.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la SAS SATF contre le titre de perception du 27 novembre 2009.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SAS SATF est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS SATF et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience du 16 février 2017 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Pourny, président-assesseur,
M. Savouré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 mars 2017.
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N° 15LY03098