Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté en date du 17 décembre 2014 du préfet du Puy-de-Dôme portant obligation de quitter le territoire français, fixant un délai de départ volontaire ainsi que le pays de renvoi.
Par un jugement n°1500727, en date du 30 juin 2015, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 15 octobre 2015, M. A..., représenté par Me Faure Cromarias, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 30 juin 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté susmentionné pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", l'autorisant à travailler, à tout le moins une admission provisoire au séjour, et ce dans un délai de huit jours à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de réexaminer sa situation dans le délai de 8 jours à compter de la notification de la décision à intervenir, en lui délivrant un récépissé lui permettant d'effectuer les démarches nécessaires à sa demande d'asile, ce sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens à hauteur de 1 500 euros et le versement d'une somme de 3 000 euros au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée.
Il soutient que :
- l'arrêté est entaché d'un défaut de motivation en méconnaissance des dispositions des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;
- cette décision a été prise en méconnaissance du droit d'être entendu tel que consacré par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne dans la mesure où il n'a pas été mis en mesure de s'expliquer sur sa situation au regard de son droit au séjour, ni même sur l'éventualité qu'il pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur de fait concernant son âge ; l'examen osseux n'est pas fiable ; il établit sa minorité par l'acte de naissance produit ;
- elle méconnait les dispositions de l'article L. 511-4 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet ne saurait invoquer la nécessité de légalisation de l'acte de naissance produit, puisque l'accord franco-ivoirien du 24 avril 1961 dispense les actes d'état civil établis par les deux pays de toute légalisation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination a été prise en violation de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'arrêté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mars 2017, le préfet du Puy-de-Dôme conclut au rejet de la requête.
Le préfet expose qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
Par un mémoire en réplique, enregistré le 9 juin 2017, M. A... conclut aux mêmes fins que sa requête initiale par les mêmes moyens.
Il soutient, en outre, qu'il démontre sa minorité par l'ensemble des pièces produites et jointes à sa requête mais également par la production d'un passeport délivré par l'ambassade de Côte d'Ivoire à Paris, établi le 2 novembre 2016, soit postérieurement à l'arrêté attaqué mais qui confirme sa date de naissance le 28 décembre 1998 ; par conséquent, à la date de son entrée sur le territoire français le 17 décembre 2014, il était mineur ; en lui notifiant une obligation de quitter le territoire français, la préfète du Puy de Dôme a commis une erreur de droit en méconnaissance de l'article L. 611-4 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 septembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Terrade, premier conseiller.
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A..., ressortissant ivoirien, déclare être entré irrégulièrement en France au mois de décembre 2014 ; que, par un arrêté en date du 17 décembre 2014, le préfet du Puy-de-Dôme a obligé l'intéressé à quitter le territoire français, en lui accordant un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office en cas d'inexécution de la mesure d'éloignement dans le délai imparti ; que, par jugement du 30 juin 2015, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ; que, par la présente requête, M. A... relève appel de ce jugement ;
Sur les conclusions à fin d'annulation des décisions attaquées :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens soulevés ;
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / 1° L'étranger mineur de dix-huit ans " ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions prévues à l'article 47 du code civil. " ; qu'aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité " ; qu'aux termes de l'article 22-1 de la loi du 12 avril 2000 susvisée : " Par dérogation aux articles 21 et 22 et sous réserve d'exceptions prévues par décret en Conseil d'Etat, lorsque, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger, l'autorité administrative saisie d'une demande d'établissement ou de délivrance d'un acte ou de titre procède ou fait procéder, en application de l'article 47 du code civil, aux vérifications utiles auprès de l'autorité étrangère compétente, le silence gardé pendant huit mois vaut décision de rejet. /Dans le délai prévu aux articles 21 et 22, l'autorité administrative informe par tous moyens l'intéressé de l'engagement de ces vérifications. /En cas de litige, le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis tant par l'autorité administrative que par l'intéressé " ; qu'il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré irrégulièrement sur le territoire français le 6 décembre 2014 en provenance d'Espagne porteur d'une simple copie d'extrait d'acte de naissance selon lequel il serait né le 28 décembre 1998 en Côte d'Ivoire ; qu'il a été pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance du Puy-de-Dôme au titre de son statut de mineur étranger isolé sans représentant légal sur le territoire français ; qu'il a fait l'objet d'une audition par les services de police les 12 et 17 décembre 2014 sur instruction du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand sur les conditions dans lesquelles il était arrivé en France et a fait l'objet d'une radiographie de la main afin de déterminer s'il était réellement mineur ; que le 19 décembre 2014, le service de l'aide sociale à l'enfance du Puy-de-Dôme lui a notifié la fin de sa prise en charge par ce service au motif que les contrôles ordonnés par le procureur de la République avaient révélé qu'il était majeur, l'examen osseux ayant révélé qu'il était âgé de plus de 18 ans ; que le préfet du Puy-de-Dôme a alors pris l'arrêté attaqué du 17 décembre 2014 portant obligation de quitter le territoire français ;
5. Considérant, toutefois, que par une requête en date du 19 décembre 2015 M. A... a saisi le juge des enfants en sollicitant d'être confié au service de l'aide sociale à l'enfance du Puy-de-Dôme en sa qualité de mineur étranger isolé sur le territoire français ; que par jugement exécutoire par provision du 13 février 2015, le juge des enfants a confié M. A... à l'aide sociale à l'enfance du 13 février 2015 au 28 décembre 2016 date de sa majorité ; que ce juge a estimé qu'il convenait de constater qu'aucun élément ne permettait de remettre en question l'état de minorité de M. B...A...et qu'il était " de jurisprudence constante que les seules conclusions expertales ne pouvaient à elles seules suffire à remettre en cause la minorité d'un individu, dès lors qu'il présentait un extrait d'acte de naissance dont il n'était pas rapporté la preuve qu'il s'agissait d'un faux document " ; que M. A... a produit en appel un extrait d'acte de naissance du 16 décembre 2014 établi par le consulat général de Côte d'Ivoire à Paris le 20 janvier 2016 et une attestation d'identité du 18 décembre 2014, revêtue d'un timbre et du tampon émis par les autorités ivoiriennes, établie par ce même consulat, qui confirment sa date de naissance ; qu'il produit également un passeport délivré par l'ambassade de Côte d'ivoire à Paris, établi le 2 novembre 2016, soit postérieurement à la date de l'arrêté attaqué mais qui rend compte d'un état antérieur dans la mesure où ce document officiel confirme que M. A... est né le 28 décembre 1998 et qu'il était par conséquent mineur à la date de l'arrêté attaqué, le 17 décembre 2014 ; que le préfet n'apporte pas la preuve du caractère falsifié de l'extrait d'acte de naissance ou du passeport produits, ni de ce que le requérant aurait usurpé cette identité aux seules fins d'attester de sa minorité à la date de la décision attaquée ; que, dans ces conditions, en décidant de l'obliger à quitter le territoire français, le préfet du Puy-de-Dôme a entaché sa décision d'une méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, sa décision doit être annulée ; que, par voie de conséquence, les décisions fixant le délai de départ volontaire à trente jours et le pays de destination doivent être annulées ;
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
6. Considérant que l'annulation prononcée par le présent arrêt, eu égard au motif sur lequel il se fonde, n'implique pas la délivrance à M. A... d'un titre de séjour ; que, par suite, ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du Puy-de-Dôme de lui délivrer un titre de séjour doivent être rejetées ;
7. Considérant, en revanche, que le présent arrêt implique que le préfet du Puy-de-Dôme procède au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois et, dans l'attente, lui délivre une autorisation provisoire de séjour en application de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de quinze jours, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande ;
Sur les dépens :
9. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative dans sa rédaction issue du décret n°2013-1280 du 29 décembre 2013 : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat./ Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties./ L'Etat peut être condamné aux dépens. " ;
10. Considérant que la présente instance n'a entraîné pour M. A... aucune charge susceptible d'être incluse dans les dépens ; que ses conclusions tendant au remboursement des dépens ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles 37 et 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Faure Cromarias renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à payer à Me Faure Cromarias ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n°1500727 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 30 juin 2015 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet du Puy-de-Dôme en date du 17 décembre 2014 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Puy-de-Dôme de procéder au réexamen de la situation de M. A... au regard de son droit au séjour sur le territoire français dans un délai de deux mois suivant la notification de la présente décision et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours.
Article 4 : L'Etat versera une somme de 1 000 euros à Me Faure Cromarias, avocat de M. A..., sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur. Copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.
Délibéré après l'audience du 20 juin 2017, à laquelle siégeaient :
Mme Mear, président,
Mme Terrade, premier conseiller,
Mme Vinet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 juillet 2017.
N°15LY03350 2