Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
L'Exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) C...-E..., Mme F... E... épouse C..., M. G... C... et M. A... C... ont demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 30 avril 2015 par laquelle le préfet de la Côte-d'Or a autorisé M. D... C... à exploiter 25 ares et 68 centiares de terres situées sur le territoire de la commune de Vosne-Romanée.
Par un jugement n° 1501769 du 23 novembre 2015, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 8 janvier 2016, le 25 janvier 2016 et le 7 juillet 2016, l'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) C...-E..., Mme F... E... épouse C..., M. G... C... et M. A... C..., représentés par Me Brelet, avocat, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1501769 du 23 novembre 2015 du tribunal administratif de Dijon ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 30 avril 2015 par laquelle le préfet de la Côte-d'Or a autorisé M. D... C... à exploiter 25 ares et 68 centiares de terres situées sur le territoire de la commune de Vosne-Romanée ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme d'un euro au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est irrégulier, dès lors que leur mémoire complémentaire enregistré le 12 novembre 2015 n'a pas été pris en compte par le tribunal administratif ;
- il est irrégulier, dès lors que le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré d'une erreur de fait sur la qualité de non-exploitant retenue par le préfet à l'égard de M. G... C... et de M. A... C... ;
- la décision en litige est insuffisamment motivée en ce qu'elle se borne à mentionner que la demande d'autorisation d'exploiter est conforme à l'objectif du contrôle des structures défini à l'article 3 du schéma directeur départemental des structures agricoles visant à préserver les exploitations familiales présentant les garanties de viabilité économique ;
- le motif de cette décision tiré de l'application de l'article 8 du schéma directeur départemental des structures agricoles est entaché d'erreur de droit en l'absence de demande concurrente d'autorisation d'exploiter portant sur le même bien ;
- le motif de cette décision tiré de ce que la demande de M. D... C... est conforme à l'objectif de préservation des exploitations familiales présentant des garanties de viabilité économique défini à l'article 3 du schéma directeur départemental des structures agricoles est entaché d'erreur de droit, dès lors qu'il n'est pas porté atteinte à la superficie déjà mise en valeur par l'intéressé dont l'exploitation n'est pas menacée ;
- l'autorisation contestée est entachée d'une erreur de fait sur la qualité de non-exploitant retenue par le préfet à l'égard de M. G... C... et de M. A... C... ;
- elle méconnaît l'objectif de préservation des exploitations familiales présentant des garanties de viabilité économique défini à l'article 3 du schéma directeur départemental des structures agricoles et est entachée d'erreur d'appréciation au regard des dispositions du 4° et du 6° de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime, dès lors qu'elle porte atteinte à la viabilité économique de l'EARL C... -E..., preneur en place qui comporte en réalité 5,30 actifs, dont le nombre d'unités de référence par actif après reprise sera de 0,48 et non de 0,59 et qui produit sur la parcelle objet de la reprise un vin de grande appellation Vosne-Romanée Premier Cru vendu en totalité à la bouteille après avoir été élevé, ce qui lui assure une grande rentabilité et une attractivité ;
- elle aura des incidences sur l'emploi salarié au sein de l'EARL C... -E... qui sera forcée de réduire ces coûts du fait de la baisse de rentabilité générée par la perte de l'exploitation de la parcelle objet de la reprise ;
- toutes les demandes antérieures d'autorisation d'exploiter présentées par M. D... C... pour la même parcelle déjà exploitée par l'EARL C... -E... ont fait l'objet de deux décisions d'autorisation d'exploiter annulées respectivement par deux jugements du 5 février 2008 et du 30 mars 2010 du tribunal administratif de Dijon et d'une décision de refus du 28 avril 2011, la situation de fait étant identique et la situation de droit quasiment identique.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mars 2016, M. D... C..., représenté par la SELAS Légi Conseils Bourgogne, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge in solidum de l'EARL C...-E..., de Mme E... épouse C..., de M. G... C... et de M. A... C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 novembre 2016, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Hervé Drouet, président assesseur,
- les conclusions de M. Marc Clément, rapporteur public,
- et les observations de Me Cuvillier, avocat (SELAS Légi Conseils Bourgogne), pour M. D... C... ;
1. Considérant que, le 4 novembre 2014, M. D... C... a saisi le préfet de la Côte-d'Or d'une demande d'autorisation d'exploiter la parcelle cadastrée section AC n° 8 située sur le territoire de la commune de Vosne-Romanée, constituée de vignes d'une superficie de 25 ares et 68 centiares et exploitée par l'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) C... -E... composée de Mme F... E... épouse C..., de M. G... C... et de M. A... C... ; que ces derniers relèvent appel du jugement n° 1501769 du 23 novembre 2015 par lequel tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande dirigée contre la décision du 30 avril 2015 du préfet de la Côte-d'Or autorisant M. D... C... à exploiter ladite parcelle ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique, sauf s'il a été fait application des dispositions de l'article L. 731-1. Dans ce dernier cas, il est mentionné que l'audience a eu lieu ou s'est poursuivie hors la présence du public. / Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. / (...) " ;
3. Considérant qu'il résulte de l'examen du jugement attaqué que celui-ci n'a pas omis de viser le mémoire complémentaire des demandeurs de première instance enregistré le 12 novembre 2015 au greffe du tribunal administratif de Dijon ; qu'il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué, et notamment de son point 14, que le tribunal a procédé à l'analyse du moyen présenté dans ledit mémoire complémentaire et tiré d'une erreur de fait sur la qualité de non-exploitant retenue par le préfet à l'égard de M. G... C... et de M. A... C... ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité pour avoir omis de viser ce mémoire et d'analyser le moyen précité ;
4. Considérant, d'autre part, qu'il résulte du point 14 des motifs du jugement attaqué, que le tribunal s'est prononcé sur le moyen tiré d'une erreur de fait sur la qualité de non-exploitant retenue par le préfet à l'égard de M. G... C... et de M. A... C... ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les juges de première instance n'auraient pas répondu à ce moyen ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué et la légalité de la décision en litige :
5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime dans sa rédaction applicable à la date de la décision en litige : " L'autorité administrative se prononce sur la demande d'autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l'objet de la demande. Elle doit notamment : / 1° Observer l'ordre des priorités établi par le schéma départemental entre l'installation des jeunes agriculteurs et l'agrandissement des exploitations agricoles, en tenant compte de l'intérêt économique et social du maintien de l'autonomie de l'exploitation faisant l'objet de la demande ; / 2° S'assurer, en cas d'agrandissement ou de réunion d'exploitations, que toutes les possibilités d'installation sur une exploitation viable ont été considérées ; / 3° Prendre en compte les biens corporels ou incorporels attachés au fonds dont disposent déjà le ou les demandeurs ainsi que ceux attachés aux biens objets de la demande en appréciant les conséquences économiques de la reprise envisagée ; / 4° Prendre en compte la situation personnelle du ou des demandeurs, notamment en ce qui concerne l'âge et la situation familiale ou professionnelle et, le cas échéant, celle du preneur en place ; / 5° Prendre en compte la participation du demandeur ou, lorsque le demandeur est une personne morale, de ses associés à l'exploitation directe des biens objets de la demande dans les conditions prévues à l'article L. 411-59 ; / 6° Tenir compte du nombre d'emplois non salariés et salariés permanents ou saisonniers sur les exploitations concernées ; / 7° Prendre en compte la structure parcellaire des exploitations concernées, soit par rapport au siège de l'exploitation, soit pour éviter que des mutations en jouissance ne remettent en cause des aménagements réalisés à l'aide de fonds publics ; / (...) " ; que selon le premier alinéa du II de l'article R. 331-6 du même code : " La décision d'autorisation ou de refus d'exploiter prise par le préfet doit être motivée au regard des critères énumérés à l'article L. 331-3. " ;
6. Considérant que la décision en litige mentionne notamment que M. D... C..., exploitant viticole employant des salariés représentant 1,65 actifs demande l'autorisation d'exploiter 25 ares et 68 centiares de vignes exploitées par l'EARL C... -E..., que celle-ci est composée de trois associés dont un actif et emploie des salariés représentant 3,30 actifs, que la superficie de 12 hectares 60 ares et 38 centiares exploitée par elle après la reprise sollicitée représente 2,55 unités de référence, que le nombre d'unité de référence après reprise par actif de cette même société est égal à 0,59 et que celui de M. D... C... est égal à 0,66 ; que, dans ces conditions, le préfet de la Côte-d'Or, qui n'était pas tenu de se prononcer expressément sur chacun des critères dont les dispositions du premier alinéa de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime prescrivent de tenir compte, a suffisamment motivé sa décision contestée au regard de ces critères ;
7. Considérant, en deuxième lieu, qu'il est constant que la parcelle cadastrée section AC n° 8, objet de la reprise en cause, appartient à M. B... C..., père de M. D... C..., et que la demande d'autorisation d'exploiter cette parcelle a été présentée par ce dernier à la suite du congé pour reprise délivré par le propriétaire, M. B... C..., à l'EARL C... -E..., preneur en place ; qu'ainsi, cette demande d'autorisation d'exploiter vise à préserver une exploitation familiale ; qu'il est constant qu'avant la reprise envisagée, l'exploitation de M. D... C... représente 1,69 unités de référence, alors que le seuil de viabilité économique retenu par le schéma directeur départemental des structures agricoles de la Côte-d'Or s'élève à 1,50 unités de référence ; qu'après la reprise, l'exploitation de M. D... C... représentera 1,75 unités de référence ; que, dans ces conditions, le motif de la décision d'autorisation en litige tiré de ce que la demande de M. D... C... est conforme à l'objectif de préservation des exploitations familiales présentant des garanties de viabilité économique défini à l'article 3 du schéma directeur départemental des structures agricoles, n'est entaché pas d'erreur de droit, ni d'erreur de fait ni d'erreur d'appréciation ;
8. Considérant, en troisième lieu, qu'il est constant qu'après la reprise en cause, l'EARL C... -E... exploitera encore 12 hectares 60 ares et 38 centiares de vignes représentant 2,55 unités de référence, dont 2 hectares 70 ares 47 centiares en appellations d'origine contrôlée (AOC) régionales, 34 ares 5 centiares en AOC communales du 1er groupe, 8 hectares 34 ares 15 centiares en AOC communales du 2ème groupe et 1 hectares 21 ares 71 centiares en AOC grands crus et M. D... C... exploitera 10 hectares 85 ares 54 centiares représentant 1,75 unités de référence, dont 5 hectars 50 ares 85 centiares en appellations d'origine contrôlée (AOC) régionales, 5 hectares 4 ares 52 centiares en AOC communales du 2ème groupe et 30 ares 17 centiares en AOC grands crus ; que si, après la reprise litigieuse, le nombre d'unités de référence par actif de l'EARL C... -E..., comprenant trois associés exploitants nés respectivement en 1942, 1967 et 1970 et qui emploie des salariés représentant 3,30 actifs, sera de 0,48, alors que celui de l'exploitation de M. D... C..., né en 1966 et qui emploie des salariés représentant 1,65 actifs, sera de 0,66, cette circonstance n'est pas de nature à compromettre la viabilité économique de ladite EARL dont l'un des associés est âgé de soixante-douze ans et sept mois à la date de la décision d'autorisation contestée ; que, dans ces conditions, nonobstant la circonstance que l'EARL C... -E... produise avec la parcelle objet de la reprise un vin de grande appellation Vosne-Romanée Premier Cru vendu en totalité à la bouteille et lui assurant rentabilité et attractivité, le préfet de la Côte-d'Or, par sa décision en litige autorisant M. D... C... à exploiter les 25 ares et 68 centiares de vignes en cause, n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées des 4° et 6° du premier alinéa de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime et n'a pas méconnu à l'égard de l'EARL C... -E... l'objectif de préservation des exploitations familiales présentant des garanties de viabilité économique défini à l'article 3 du schéma directeur départemental des structures agricoles ;
9. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces des dossiers de première instance et d'appel que la décision en litige aurait, comme le soutiennent les requérants, des incidences sur l'emploi salarié au sein de l'EARL C... -E... ;
10. Considérant, en cinquième lieu, que si le préfet a considéré à tort que M. G... C... et M. A... C... n'avaient pas la qualité d'exploitant au sein de l'EARL C... -E..., il résulte de ce qui a été dit aux points 8 et 9 que cette circonstance est sans influence sur le bien-fondé de la décision contestée ;
11. Considérant, en sixième lieu, qu'il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision sur la demande d'autorisation d'exploiter de M. D... C... s'il s'était fondé seulement sur les motifs de sa décision autres que celui tiré de l'application de l'article 8 du schéma directeur départemental des structures agricoles de la Côte-d'Or relatif à l'ordre des priorités en cas de demandes concurrentes d'autorisation d'exploiter ; que, par suite, les requérants ne sauraient utilement soutenir que ce motif est entaché d'erreur de droit ;
12. Considérant, en dernier lieu, que les requérants ne sauraient utilement soutenir que toutes les demandes antérieures d'autorisation d'exploiter présentées par M. D... C... pour la même parcelle déjà exploitée par l'EARL C... -E... ont fait l'objet de deux décisions d'autorisation d'exploiter annulées respectivement par deux jugements du 5 février 2008 et du 30 mars 2010 du tribunal administratif de Dijon et d'une décision de refus du 28 avril 2011, dès lors que la décision en litige a été prise au vu de circonstances de droit différentes de celles des décisions prises sur ces demandes antérieures, à la suite de la révision du schéma directeur départemental des structures agricoles de la Côte-d'Or intervenue le 4 novembre 2011 ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par les requérants au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge in solidum de l'EARL C... -E..., de Mme E... épouse C..., de M. G... C... et de M. A... C... une somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. D... C... et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête n° 16LY00057 est rejetée.
Article 2 : L'EARL C...-E..., Mme E...épouseC..., M. G... C... et M. A... C... verseront in solidum à M. D... C... une somme globale de 1 500 (mille cinq cent) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Exploitation agricole à responsabilité limitée C...-E..., à Mme F... E... épouse C..., à M. G... C..., à M. A... C..., au ministre de l'agriculture et de l'alimentation et à M. D... C....
Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2017, à laquelle siégeaient :
M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,
M. Hervé Drouet, président assesseur,
M. Samuel Deliancourt, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 novembre 2017.
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N° 16LY00057