Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La commune de Villeneuve-la-Guyard a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner solidairement les sociétés Sogea, Phytorestore et le cabinet Merlin à exécuter les travaux de remise en état de la station d'épuration conformément au marché conclu et ce, sous astreinte de 250 euros par jour de retard dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir ou, à défaut de lui verser la somme de 300 000 euros au titre des travaux de mise en conformité.
Par un jugement avant dire droit n° 1501919 du 9 février 2017, le tribunal administratif de Dijon a procédé à un supplément d'instruction tendant en la production par la commune de Villeneuve-la-Guyard d'au moins deux devis portant sur la réalisation de travaux d'extension de la surface des lits de roseaux, en vue de parvenir à une surface de 200 m2 de substrat mesuré au radier de chacun des lits, soit 1 600 m2 au total, ou, dans l'hypothèse où l'extension de la surface de chacun des lits ne serait pas envisageable, sur toute autre solution permettant de parvenir à une surface de 1 600 m2 de lits filtrants mesurée au radier.
Par un jugement n° 1501919 du 29 juin 2017, le tribunal administratif de Dijon a condamné le groupement composé des sociétés Phytorestore et Sogea à exécuter les travaux d'extension de la surface des lits drainants à 1 600 m2 au radier conformément aux stipulations du marché, si mieux n'aime verser à la commune de Villeneuve-la-Guyard la somme de 300 000 euros.
Procédure devant la cour
I°) Par une requête, enregistrée le 26 septembre 2017 sous le numéro 17LY03517 et un mémoire, enregistré le 19 janvier 2018, la société Phytorestore, représentée par la SELARL Huglo Lepage et associés, demande à la cour :
1°) d'annuler les jugements du tribunal administratif de Dijon des 9 février et 29 juin 2017 ;
2°) de rejeter la demande présentée en première instance par la commune de Villeneuve-la-Guyard ;
3°) de mettre à la charge de cette commune une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le marché ne prévoyait pas la mise en place d'un déflecteur et il ne peut lui être reproché d'avoir méconnu ses obligations contractuelles sur ce point ;
- s'agissant des lits filtrants, les plans d'exécution ont été validés par le maître d'oeuvre et la société Sogea ; les travaux ont été réalisés conformément à ces plans et aux pièces du marché ;
- l'obligation de réaliser une surface filtrante de 1 600 m2 correspond à la solution de base préconisant des casiers bétons verticaux et non à la solution variante qui a été retenue avec des casiers terrassés en remblai/déblai ; que dans cette solution variante, il n'y a pas de radier mais un terrassement avec des talus pentés ; elle s'était engagée à réaliser 1 600 m2 au niveau des substrats, soit au niveau du sommet des talus ;
- la qualité des ouvrages, ni le bon fonctionnement de la station d'épuration ne sont remis en cause ; une modification de l'installation ne présenterait plus les mêmes caractéristiques et son bon fonctionnement ne saurait être garanti ; c'est la raison pour laquelle la commune n'a pas été en mesure de produire une note technique de nature à justifier techniquement le bien-fondé de ses demandes financières, ainsi que le demandait le tribunal administratif de Dijon ;
- les devis produits par la commune en première instance sont techniquement contestables et sont trop élevés au regard des prix du marché ;
- la commune a fondé ses demandes sur un rapport d'expert privé, affecté d'erreurs, sans faire état de la visite de contrôle dimensionnel de l'AESN du 17 mars 2014 qui a permis de lever tout doute quant au dimensionnement de l'ouvrage et le parfait respect du cahier des charges ; aucun reproche de non-conformité de la station d'épuration n'a été émis par les services de l'Etat ;
- la commune verse aux débats des pièces tronquées ou dans lesquelles elle a elle-même procédé à des ajouts et ne produit pas les documents d'où il résulterait que les autorités de contrôle auraient signalé des dysfonctionnements de la filière boues ;
- la commune n'est pas recevable à modifier ses conclusions en cours d'instance ; il appartient au seul groupement de décider les modalités d'exécution du jugement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 janvier 2018, la commune de Villeneuve-la-Guyard, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Dijon du 29 juin 2017 et de condamner solidairement le groupement composé des sociétés Sogea et Phytorestore à lui payer la somme de 300 000 euros ;
2°) de mettre à la charge solidaire de ces sociétés une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de les condamner aux entiers dépens.
Elle fait valoir que :
- le cahier des clauses techniques particulières élaboré par le maître d'oeuvre précise que la surface de boues traitées se calcule au niveau du radier et non au sommet des lits ; les éléments du marché sont clairs, précis et sans ambiguïté sur la surface des lits filtrants à construire soit 1 600 m2 ; les constatations effectuées le 20 mars 2013 par le géomètre de la commune font apparaître 1 545 m2 en haut du talus et 1 037 m2 au niveau des boues au lieu des 1 600 m2 prévus ; les lits construits par la société Phytorestore ne sont ainsi pas conformes aux prescriptions du marché ;
- les constatations effectuées sur place font apparaître une estimation des travaux de mise en conformité à hauteur de 300 000 euros ;
- des dysfonctionnements en ce qui concerne la filière boues ont été signalés par le SATESE, la DDT et l'AESN ; les travaux n'ont pas été réceptionnés et ne peuvent l'être en l'état car ils ne sont pas conformes au marché et ne rendent pas le service attendu ;
- elle ne souhaite plus que le groupement dont la société Phytorestore est membre intervienne pour exécuter les travaux de remise en état et demande seulement leur condamnation à lui verser une somme de 300 000 euros.
Par une ordonnance du 26 janvier 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 février 2018.
II°) Par une requête, enregistrée le 19 octobre 2017 sous le numéro 17LY03686, la société Phytorestore demande à la cour :
1°) d'ordonner le sursis à exécution des jugements n° 1501919 des 9 février et 29 juin 2017 rendus par le tribunal administratif de Dijon ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Villeneuve-la-Guyard une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'il existe des moyens sérieux de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué dont l'exécution risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code des marchés publics alors en vigueur ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lesieux,
- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public,
- les observations de Me D...et de Me B...pour la société Phytorestore et celles de Me A...pour la commune de Villeneuve-la-Guyard ;
1. Considérant que pour réaliser son projet de construction de sa nouvelle station d'épuration principale lancé en 2010, la commune de Villeneuve-la-Guyard (89) a confié une mission de maîtrise d'oeuvre au cabinet Merlin ; que la réalisation des installations de traitement des eaux usées et de traitement des boues a été confiée à un groupement solidaire d'entreprises constitué des sociétés Sogea Est-BTP, mandataire solidaire, et Phytorestore, par acte d'engagement du 11 octobre 2010 pour un montant de 1 522 214,86 euros hors taxe soit 1 820 568,97 euros toutes taxes comprises ; que les travaux relatifs à la filière de traitement des boues, consistant en la construction de lits de séchage plantés de roseaux, n'ont pas été réceptionnés, la commune ayant estimé que les travaux ne respectaient pas les prescriptions du marché et en particulier la réalisation d'une surface de lits filtrants de 1 600 m2 mesurée au radier ; que la commune de Villeneuve-la-Guyard a saisi le tribunal administratif de Dijon d'une demande tendant, à titre principal, à la condamnation des sociétés Sogea, Phytorestore et du cabinet Merlin à exécuter les travaux de remise en état conformément au marché et, à titre subsidiaire, à la condamnation des mêmes sociétés à lui verser une somme de 300 000 euros sur le fondement de la responsabilité contractuelle ; que par un jugement avant-dire-droit du 9 février 2017, le tribunal administratif de Dijon a retenu la responsabilité contractuelle solidaire des sociétés Sogea et Phytorestore et a procédé à un supplément d'instruction pour faire produire par la commune de Villeneuve-la-Guyard au moins deux devis portant sur la réalisation des travaux d'extension de la surface des lits de roseaux, en vue de parvenir à une surface de 200 m2 de substrat mesurée au radier de chacun des lits, soit 1 600 m2 au total ou, dans l'hypothèse où l'extension des lits ne serait pas envisageable, sur toute autre solution permettant de parvenir à une surface de 1 600 m2 de lits filtrants mesurée au radier ; que par un jugement du 29 juin 2017, le tribunal administratif de Dijon a condamné solidairement les sociétés Sogea et Phytorestore à exécuter les travaux pour porter la surface des lits drainants à 1 600 m2 au radier, si mieux n'aime verser à la commune de Villeneuve-la-Guyard la somme de 300 000 euros ; que par sa requête n° 17LY03517, la société Phytorestore demande à la cour d'annuler les jugements du tribunal administratif de Dijon des 9 février et 29 juin 2017 ; que par sa requête n° 17LY03686, elle demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution de ces mêmes jugements ;
2. Considérant qu'il y a lieu de joindre ces deux requêtes pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt ;
Sur la requête n° 17LY03517 :
3. Considérant, en premier lieu, que l'article 2.6 des " prescriptions techniques particulières " indiquait que " Le dimensionnement est au minimum basé sur : - 60g DBO5 par équivalent habitant auquel se rajoute la charge par temps de pluie / 40 kgMS/m² de lit (mesure au radier du massif filtrant) / 8 casiers " ; qu'il résulte de l'instruction que les données de base-additif précisaient s'agissant de la filière de traitement des boues que " La production de boues sera calculé sur la charge de pointe de temps sec (2 500 EH) sur 325 jours/an, et sur la charge liée à la vidange du bassin de pollution (charge moyenne de temps sec + charge vidange BP) sur 42 jours / an " ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que le dossier de consultation des entreprises précisait la production journalière ou annuelle de boues à la station d'épuration ni d'ailleurs son mode de calcul ; que le groupement d'entreprises Sogea et Phytorestore a présenté une offre de base et une solution variante sur la base d'une production annuelle de boues calculée à 47, 33 T ; que la commune n'établit pas ni même n'allègue que ce calcul aurait été erroné ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le marché conclu retient une solution variante consistant en la réalisation de 8 lits filtrants de forme trapézoïdale de 200 m2 unitaires, d'une hauteur de 2 m avec une hauteur utile de boue de 1,2 m ; que selon cette solution, les filtres à boues étaient modelés exclusivement à partir des matériaux du site et les volumes réalisés en déblais et en remblais compactés formant des digues délimitant chaque casier ; que cette technique excluait la construction d'un radier et prévoyait la mise en place d'un complexe d'étanchéité recouvert par un massif filtrant constitué de matériaux de granulométrie croissante de la surface vers le fond sur une épaisseur de 0,50 m ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment des plans d'installation et des notes de calcul présentés par le groupement, que la société Phytorestore a indiqué de manière constante au maître d'ouvrage et à la maîtrise d'oeuvre que le dimensionnement des lits filtrants afin d'assurer le traitement d'un tonnage annuel de 47, 33 T de boues, impliquait, pour répondre à l'objectif défini à l'article 2.6 des prescriptions techniques de prise en charge de 40 kg de matière sèche par m2 de lit, une surface nécessaire de traitement de 1 200 m2 à 50 cm de l'arrivée des boues et une surface totale en haut des digues de 1 600 m2 ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les travaux réalisés par la société Phytorestore ne seraient pas conformes aux engagements de performance souscrits par le groupement d'entreprises et validés par le maître d'oeuvre et le maître d'ouvrage ; qu'il ne résulte pas davantage de l'instruction que le calcul de la surface nécessaire de traitement, fixé à 1 200 m2 par le groupement d'entreprises, aurait été insuffisant pour répondre aux prescriptions techniques du marché ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité des conclusions de la commune de Villeneuve-la-Guyard présentées en appel et tendant à la transformation de l'obligation alternative de faire ordonner par le tribunal administratif en une condamnation pécuniaire unique, que la société Phytorestore est fondée à soutenir que c'est à tort que par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Dijon a retenu la responsabilité contractuelle du groupement d'entreprises solidaire dont elle était membre et l'a condamnée à exécuter des travaux tendant à l'extension de la surface des lits drainants à 1 600 m2 au radier, si mieux n'aime verser à la commune la somme de 300 000 euros ;
Sur la requête n° 17LY03686 :
6. Considérant que le présent arrêt statue sur l'appel présenté contre les jugements des 9 février et 29 juin 2017 du tribunal administratif de Dijon ; que les conclusions de la requête n° 17LY03686 tendant à ce qu'il soit sursis à leur exécution sont, dès lors, devenues sans objet ;
Sur les frais liés au litige au titre des deux instances :
7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Villeneuve-la-Guyard la somme de 1 500 euros à verser à la société Phytorestore sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces mêmes dispositions font en revanche obstacle, à ce que la société Phytorestore, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à la commune de Villeneuve-la-Guyard quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 17LY03686.
Article 2 : Les articles 1er et 2 du jugement du 9 février 2017 et l'article 1er du jugement du 29 juin 2017 sont annulées.
Article 3 : La demande présentée par la commune de Villeneuve-la-Guyard devant le tribunal administratif de Dijon dirigée contre le groupement d'entreprises ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 4 : La commune de Villeneuve-la-Guyard versera à la société Phytorestore la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Phytorestore et à la commune de Villeneuve-la-Guyard.
Délibéré après l'audience du 29 mars 2018, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président de chambre,
Mme Michel, président-assesseur,
Mme Lesieux, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 avril 2018.
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N°s 17LY03517, 17LY03686