Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 5 octobre 2015 par lequel le maire de la commune d'Alex a délivré à la société d'économie mixte de construction du département de l'Ain (SEMCODA) un permis de construire un immeuble de neuf logements.
Par un jugement n° 1507460 du 13 juillet 2016, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ce permis de construire.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 5 août 2016 et un mémoire complémentaire enregistré le 12 février 2018, la SEMCODA, représentée par la SCP Jakubowicz, Mallet-Guy et associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 13 juillet 2016 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Grenoble ;
3°) de mettre à la charge de M. D... une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande de M. D... était irrecevable, ce dernier ne justifiant pas d'un intérêt à agir contre le permis de construire en litige à la date d'affichage du permis ;
- le tribunal a à tort retenu l'intérêt architectural de la maison Lafrasse, laquelle ne bénéficie d'aucune protection particulière ;
- les dispositions de l'article UAh 11 du règlement du plan d'occupation des sols (POS) n'ont pas été méconnues ;
- l'arrêté n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme.
Par des mémoires enregistrés les 17 octobre 2017 et 8 mars 2018, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. C... D..., représenté par la SELARL CDMF avocats affaires publiques, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il justifie d'un intérêt pour agir dès lors qu'il est propriétaire d'un logement au sein d'un immeuble situé sur un terrain contigu au projet et en co-visibilité avec le bâtiment et que la destruction de la maison Lafrasse est de nature à affecter les conditions d'occupation, d'utilisation et de jouissance de son bien ;
- la circonstance que le bien dont il est propriétaire à proximité du projet ne constituait pas encore sa résidence principale est sans incidence sur son intérêt pour agir ;
- le permis de construire méconnaît, ainsi que l'a jugé le tribunal, l'article UAh 11 du règlement du POS et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ;
- le dossier de permis de construire ne permettait pas d'apprécier l'insertion du projet dans son environnement ;
- les cotes du plan de masse ne sont pas rattachées au système altimétrique de référence du plan de prévention des risques, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme.
La clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 13 mars 2018 par une ordonnance du 13 février 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Thierry Besse, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Véronique Vaccaro-Planchet, rapporteur public,
- les observations de Me B... pour la société Semcoda, ainsi que celles de Me A... pour M. et Mme D... ;
Et après avoir pris connaissance de la note en délibéré présentée pour M D..., enregistrée le 18 avril 2018.
1. Considérant que, par arrêté du 5 octobre 2015, le maire d'Alex a délivré à la société d'économie mixte de construction du département de l'Ain (SEMCODA) un permis de construire un immeuble de neuf logements, après démolition d'une ancienne ferme datant du 18ème siècle ; que, par jugement du 13 juillet 2016, le tribunal administratif de Grenoble a, sur la demande de M. D..., annulé ce permis de construire ; que la SEMCODA relève appel de ce jugement ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article UAh 11 du règlement du plan d'occupation des sols (POS) de la commune d'Alex : " 11.0 Généralités : (...) Il est rappelé que l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme est d'ordre public et reste applicable en présence d'un POS. / (...) Pour toute construction neuve, il est demandé de composer des volumes et des façades dont les proportions ne soient pas en rupture avec celles des constructions traditionnelles existantes, notamment dans les proportions des ouvertures, l'emploi des matériaux en façade. / (...) 11.3 Aspect des toitures : / (...) Les toitures terrasses sont interdites ; toutefois, elles peuvent être admises de façon ponctuelle et en faible proportion par rapport à la toiture dominante de la construction, si le projet architectural le justifie. / La pente des toitures doit être supérieure à 60% (...). Par ailleurs, des pentes inférieures ou supérieures pourront être admises pour des éléments particuliers de la toiture, si le projet architectural le justifie. / (...) / L'utilisation des croupes, lucarnes, jacobines, levées de toiture, en proportion harmonieuse est autorisée. " ; qu'aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet se situe rue de Menthon, le long de laquelle sont implantées des constructions traditionnelles savoyardes de taille importante, comportant des combles et présentant le plus souvent des murs maçonnés avec des bardages en bois sous les toitures, des toits pentus et imposants à deux pans ou se terminant par des croupes ; que la construction projetée, composée de deux immeubles de trois niveaux reliés entre eux par un élément surmonté d'une toiture-terrasse horizontale présente une hauteur et un gabarit comparables tant à la maison occupant le terrain, qui doit être démolie, qu'aux constructions avoisinantes ; que si la toiture, dont la pente et la couleur sont similaires aux toitures des constructions voisines et comporte comme celles-ci des croupes, est également dotée de trois levées de toiture, celles-ci, de proportion harmonieuse, sont autorisées par les dispositions de l'article 11.3 du règlement du POS ; que si les murs sont revêtus pour partie d'un parement en pierres alors que prédominent dans le secteur des murs maçonnés, d'aspect au demeurant hétérogène, la construction projetée, qui comporte également un bardage en bois, s'insère convenablement dans son environnement bâti ; que, dans ces conditions, et alors que la maison qui doit être démolie préalablement ne faisait l'objet d'aucune protection particulière, notamment au titre de la législation sur les monuments historiques, l'autorité administrative n'a pas, en délivrant le permis de construire en litige, fait une inexacte application des dispositions de l'article UAh 11 du règlement du POS et n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ; que, par suite, la SEMCODA est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur ce motif pour annuler le permis de construire du 5 octobre 2015 ;
4. Considérant qu'il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par l'intimé en première instance et en appel ;
5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend une notice précisant : / 1° L'état initial du terrain et de ses abords indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; / 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysage, (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 431-10 du même code : " Le projet architectural comprend également : / (...) c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; / d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse. " ;
6. Considérant que le dossier de permis de construire comporte des plans et documents graphiques permettant suffisamment de situer le terrain et l'impact du projet dans son environnement paysager, depuis le ruisseau situé à l'est, et d'apprécier les caractéristiques du bâtiment projeté ; qu'en revanche, ni les photographies ni les documents graphiques ne représentent les constructions traditionnelles voisines du projet ; que, toutefois, leurs caractéristiques sont décrites de manière détaillée dans la notice, qui précise également les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans cet environnement ; que, dans ces conditions, les insuffisances des documents photographiques, compensées par les autres documents du dossier, n'ont pu fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable ;
7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du dernier alinéa de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est situé dans une zone inondable délimitée par un plan de prévention des risques, les cotes du plan de masse sont rattachées au système altimétrique de référence de ce plan. " ; qu'il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient M. D..., le projet, qui doit s'implanter exclusivement sur la parcelle AB 159, n'est pas situé dans une zone inondable ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté ;
8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article UAh 3 du règlement du POS : " 3.1- Dispositions concernant les accès : (...) Les occupations et utilisations du sol peuvent être refusées sur des terrains qui ne seraient pas desservis par des voies publiques ou privées dans des conditions répondant à l'importance ou à la destination de l'immeuble ou de l'ensemble d'immeubles envisagé, et notamment si les caractéristiques de ces voies rendent difficile la circulation ou l'utilisation des engins de lutte contre l'incendie et des engins de déneigement. / Elles peuvent être également refusées si les accès présentent un risque pour la sécurité des usagers des voies publiques, ou pour celle des personnes utilisant ces accès. Cette sécurité doit être appréciée compte tenu, notamment, de la position des accès, de leur configuration, ainsi que de la nature et de l'intensité du trafic. / 3.2- Dispositions concernant la voirie : (...) Toute voie privée nouvelle ouverte à la circulation publique automobile doit être réalisée avec une plate-forme d'au moins 3,50 mètres de largeur. " ;
9. Considérant que le projet ne prévoit la création d'aucune voie nouvelle mais seulement un espace de stationnement devant le bâtiment, avec une allée permettant d'accéder aux places couvertes ; que, par suite, M. D... ne peut utilement soutenir que les dispositions de l'article 3.2 du règlement du POS citées au point 8 auraient été méconnues ; que, par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'accès sur la rue de Menthon, au demeurant peu passante, nécessiterait des manoeuvres sur la voie publique ou présenterait des risques pour la sécurité des automobilistes ou des piétons ;
10. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, notamment du plan VRD joint au dossier de demande de permis, que le projet prévoit un système d'évacuation des eaux pluviales, contrairement à ce que soutient l'intimé ;
11. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article UAh 9 du règlement du POS : " Le coefficient d'emprise au sol ne doit pas dépasser 0,60. " ; qu'il ressort du dossier de demande de permis de construire que l'emprise au sol du projet est de 505 m² pour un terrain d'assiette de 1088 m² ; que si M. D... soutient que ces chiffres sont erronés, il n'assortit son allégation d'aucune précision ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de la règle d'emprise au sol doit être écarté ;
12. Considérant, en sixième et dernier lieu, que le projet, qui porte sur la création de neuf logements dont trois financés au moyen d'un prêt aidé par l'Etat, exige, en vertu des dispositions de l'article AUh 12 du règlement du POS, la création de quinze places de stationnement ; qu'il ressort des pièces du dossier que le pétitionnaire a prévu la création de dix places couvertes, dont une en dehors du bâtiment, et de cinq places sur l'espace extérieur de stationnement ; que, par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que le projet méconnaît les dispositions de cet article AUh 12 ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SEMCODA est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 5 octobre 2015 par lequel le maire d'Alex lui a délivré un permis de construire et a demandé le rejet de la demande présentée par M. D... devant ce tribunal, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par la SEMCODA ;
Sur les frais liés au litige :
14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la SEMCODA, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, verse à M. D... la somme que celui-ci demande au titre des frais qu'il a exposés ; qu'en application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SEMCODA ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 13 juillet 2016 est annulé.
Article 2 : La demande de M. D... devant le tribunal administratif de Grenoble et ses conclusions en appel tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : M. D... versera à la SEMCODA une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'économie mixte de construction du département de l'Ain et à M. C... D....
Copie en sera adressée à la commune d'Alex.
Délibéré après l'audience du 10 avril 2018 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Antoine Gille, président-assesseur,
M. Thierry Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 mai 2018.
2
N° 16LY02833
fp