Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. D...A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble :
1°) d'annuler la décision du 27 février 2015 par laquelle le préfet de l'Isère a refusé de d'abroger l'arrêté du 27 septembre 2013 portant refus de certificat de résidence, obligation de quitter le territoire français sans délai et interdiction de retour sur le territoire français pendant un an et la décision 27 février 2015 par laquelle le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un certificat de résidence sur le fondement du 1 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un certificat de résidence à compter de la notification du jugement à venir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.
Par un jugement n° 1502044 du 18 mai 2017, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 27 février 2015 par laquelle le préfet de l'Isère a refusé d'abroger l'obligation de quitter le territoire français sans délai prise à l'encontre de M. A...le 27 septembre 2013 et la décision du même jour fixant le pays de renvoi.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 23 juin 2017, le préfet de l'Isère demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 18 mai 2017 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Grenoble ;
Il soutient que :
- à la date de la décision du 27 septembre 2013, M. A...n'avait pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 1 de l'article 6 de l'accord franco-algérien et qu'il ne justifiait pas d'une résidence en France de plus de dix ans ;
- à l'occasion de sa demande d'abrogation, l'intéressé n'a fait valoir aucun élément nouveau susceptible de démontrer qu'il justifiait, à la date de l'arrêté du 27 septembre 2013, d'une résidence en France de plus de dix ans, ni à la date du 29 janvier 2015 ;
- l'intéressé s'est vu opposer le 15 mars 2012 une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans et par une décision du 27 septembre 2013, cette interdiction a été prolongée de deux ans ; les périodes pendant lesquelles un étranger se maintient en France en méconnaissance d'interdictions de retour prononcées par l'autorité administrative, fussent-elles non exécutées, ne sauraient pour la durée de celles-ci être prises en compte au titre de la condition de résidence énoncée par les stipulations du 1 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- un étranger n'est pas recevable à demander l'annulation de la décision refusant d'abroger une interdiction de retour sur le territoire français s'il ne justifie pas résider hors de France à la date où il saisit le juge administratif ; à la date du 29 janvier 2015, l'intéressé faisait l'objet d'une interdiction de retour en cours de validité et il était tenu de rejeter la demande de titre de séjour formulée le 29 janvier 2015 au titre du 1 de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 septembre 2017, M. A... conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Il soutient que :
- il démontre sa résidence en France pour toutes les années entre 2005 et 2015 ; il n'a pas à établir sa présence sur 10 ans mois par mois, aucune disposition de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ou du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne définit la nature des documents requis pour attester de sa présence ou un nombre minimum de documents par année de présence en France ; le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation et a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il établit sa présence en France depuis plus de dix ans ;
- l'étranger peut se prévaloir de son séjour en France malgré une mesure d'éloignement non exécutée ; le régime de l'interdiction du territoire français prononcée par le juge pénal est distinct du régime de l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée par une autorité administrative ;
Par ordonnance du 13 février 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 28 février 2018 ;
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 août 2017 ;
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme B....
1. Considérant que M.A..., ressortissant algérien, né le 24 juillet 1979, est entré en France le 9 janvier 2005 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa B de transit valable 5 jours ; que le 31 janvier 2006, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ; que, par décision du 13 octobre 2006, le préfet de l'Isère a refusé de faire droit à cette demande et lui a enjoint de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ; que, le 29 novembre 2006, le préfet de l'Isère a pris à son encontre un arrêté de reconduite à la frontière ; que la légalité de ces décisions a été confirmée par jugement du tribunal administratif de Grenoble du 11 décembre 2006 ; que le 30 mai 2011, M. A...a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7 de l'article 6 et du 7 b) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ; que le 15 mars 2012, le préfet de l'Isère a refusé de faire droit à cette nouvelle demande, a prononcé une obligation de quitter le territoire français sans délai et a assorti cette obligation d'une interdiction de retour d'une durée de trois ans ; que le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 25 juillet 2012, confirmé en appel par la cour de céans le 18 juin 2013, a rejeté le recours introduit par M. A...contre ces décisions ; que, le 12 décembre 2012, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sur le fondement de sa vie privée et familiale ; que, par arrêté du 27 septembre 2013, le préfet de l'Isère a refusé de faire droit à cette demande, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et prolongé l'interdiction de retour sur le territoire français de deux ans ; que ces décisions ont été confirmées par le tribunal administratif de Grenoble le 18 février 2014 et par la cour administrative d'appel de Lyon le 30 avril 2015 ; que, par lettre du 29 janvier 2015, M. A...a sollicité l'abrogation de l'arrêté du préfet de l'Isère du 27 septembre 2013 et la régularisation de sa situation sur le fondement du 1 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifiée ; que, par décisions du 27 février 2015, le préfet de l'Isère a rejeté tant la demande d'abrogation de son arrêté du 27 septembre 2013 que la demande de régularisation ; que le préfet de l'Isère relève appel du jugement du 18 mai 2017 en tant que le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 27 février 2015 par laquelle le préfet de l'Isère a refusé d'abroger l'obligation de quitter le territoire sans délai et la décision fixant le pays de renvoi du 27 septembre 2013 ;
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :
2. Considérant, en premier lieu, qu'indépendamment de l'énumération donnée par l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que, lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) " et aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / 1. Au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) " ;
4. Considérant que M. A...soutient qu'à la date de la décision attaquée, le 27 février 2015, il résidait en France depuis plus de dix ans, dès lors qu'il est entré sur le territoire national, en 2005 et qu'il ne l'a plus quitté depuis cette date ; que, toutefois, M. A...se limite à produire pour l'année 2008 une ordonnance médicale du 23 janvier 2008, une attestation du 18 septembre 2008, peu circonstanciée, du président de l'association " Le Fournil " indiquant que l'intéressé fréquente régulièrement l'association, une attestation du 31 octobre 2008 du secours catholique faisant état de ce que l'intéressé " est venu régulièrement en 2005 et en 2006 " et un reçu de douze euros établi le 14 octobre 2008 en vue de son adhésion à l'association culturelle et de coopération franco-maghrébine ; que pour l'année 2010, il se borne à produire, une facture du 3 mai, une attestation de dépôt d'une demande d'aide médicale d'Etat du 6 mai, une lettre d'accord concernant des sollicitations commerciales d'une banque du 20 août et une ordonnance du 19 décembre ; qu'ainsi, ces pièces, eu égard notamment à leur nature et leur nombre, sont insuffisantes pour justifier de la résidence habituelle de M. A...sur le territoire français au titre de ces deux années ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres années, le préfet de l'Isère n'a pas méconnu le 1 de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé en estimant que M. A... ne résidait pas en France de manière habituelle depuis plus de dix ans ; que, dès lors, c'est à tort que, pour annuler la décision du préfet de l'Isère du 27 février 2015 en tant qu'il a refusé d'abroger l'obligation de quitter le territoire sans délai et la décision fixant le pays de destination, les premiers juges se sont fondés sur le motif tiré de la méconnaissance par le préfet des stipulations du 1 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
5. Considérant qu'il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant le tribunal administratif de Grenoble au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 27 février 2015 par laquelle le préfet de l'Isère a refusé d'abroger l'obligation de quitter le territoire français sans délai et la décision fixant le pays de renvoi du 27 septembre 2013 ;
Sur le refus d'abrogation de la décision portant obligation de quitter le territoire et de la décision fixant le pays de destination :
6. Considérant que, par un arrêté du 17 avril 2014 régulièrement publié au recueil des actes administratifs, le préfet de l'Isère a donné à M. François Lapouze, secrétaire général de la préfecture de l'Isère, délégation pour signer tous actes, arrêtés, décisions, documents et correspondances administratives diverses à l'exception d'actes limitativement énumérés parmi lesquels ne figurent pas les décisions relatives au séjour et à l'éloignement des étrangers ; que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision doit, dès lors, être écarté ;
7. Considérant que le requérant ne peut utilement se prévaloir de l'absence de consultation de la commission du titre de séjour à l'encontre d'une décision de refus d'abroger une obligation de quitter le territoire et une décision fixant le pays de renvoi ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 4, que M. A...ne remplissait pas à la date de la décision attaquée les conditions pour obtenir de plein droit un titre de séjour sur le fondement du 1 de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; que, dès lors, le préfet de l'Isère pouvait légalement refuser d'abroger l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi prises à l'encontre de M. A...le 27 septembre 2013 ;
9. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la situation de droit et de fait de M. A...aurait évolué depuis le 27 septembre 2013 ; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet de l'Isère aurait commis une erreur de droit en refusant d'abroger les décisions en litige ;
10. Considérant que M. A...soutient qu'il réside en France depuis plus de dix ans ; que toutefois, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer une vie privée et familiale ; qu'en l'espèce, ainsi qu'il a été dit précédemment, il n'est pas établi que le requérant résiderait de manière habituelle sur le territoire nationale depuis plus de dix ans ; que par ailleurs, il est constant qu'il a fait l'objet de plusieurs mesures d'éloignement qu'il n'a pas exécutées et qu'il ne pouvait ignorer que sa situation en France était précaire ; qu'il n'est pas établi qu'il serait dépourvu de toute attache dans son pays d'origine ; que par suite, dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment aux conditions de séjour de l'intéressé, le préfet en adoptant la décision attaquée n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel ladite décision a été prise ; que par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 27 février 2015 par laquelle le préfet de l'Isère a refusé d'abroger l'obligation de quitter le territoire sans délai et la décision fixant le pays de destination du 27 septembre 2013 ; que, par voie de conséquence, lesdites conclusions aux fins d'annulation doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de l'Etat qui n'a pas la qualité de partie perdante à l'instance ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 18 mai 2017 du tribunal administratif de Grenoble est annulé en tant qu'il a annulé la décision du 27 février 2015 par laquelle le préfet de l'Isère a refusé d'abroger l'obligation de quitter le territoire français sans délai prise à l'encontre de M. A...le 27 septembre 2013 et la décision du même jour fixant le pays de destination.
Article 2 : Les conclusions de M. A...présentées devant le tribunal administratif de Grenoble aux fins d'annulation de la décision du 27 février 2015 par laquelle le préfet de l'Isère a refusé d'abroger l'obligation de quitter le territoire français sans délai prise à son encontre le 27 septembre 2013 et la décision du même jour fixant le pays de destination sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions d'appel présentées par M. A...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. D... A.... Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 8 mars 2018, à laquelle siégeaient :
M. Carrier, président,
Mme C...et Mme B..., premiers conseillers.
Lu en audience publique le 31 mai 2018.
6
N° 17LY02562