Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon de lui accorder la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2011 et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1600922 du 10 juillet 2017, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés respectivement les 8 septembre 2017 et 28 mars 2018, M. B..., représenté par Me Erard, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 10 juillet 2017 du tribunal administratif de Dijon ;
2°) de lui accorder la décharge demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. B... soutient que :
- la proposition de rectification est insuffisamment motivée en application de l'article L.57 du livre des procédures fiscales ;
- l'administration n'a jamais apporté la preuve de l'absence d'une base fixe en Tunisie au sens de l'article 21 de la convention franco-tunisienne alors qu'il n'est pas contesté qu'il exerçait de manière permanente son activité en Tunisie depuis 2009 et jusqu'à fin mars 2011 ;
- subsidiairement, l'administration ne lui a adressé aucune rectification en ce qui concerne les revenus qu'il a perçus alors qu'il exerçait une mission dans des conditions similaires au Cameroun.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 février 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les conclusions ne sont pas recevables en tant qu'elles excèdent un montant de 20 980 euros ;
- la proposition de rectification est suffisamment motivée ;
- il ne justifie pas de l'existence d'une base fixe en Tunisie au sens de l'article 21 de la convention franco-tunisienne ;
- la circonstance selon laquelle il n'aurait fait l'objet d'aucun rappel d'impôt à la suite de la vérification d'une activité exercée au Cameroun est sans incidence sur le bien-fondé de l'imposition en litige.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention fiscale franco-tunisienne du 28 mai 1973 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Souteyrand, président assesseur,
- les conclusions de Mme Bourion, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., qui a exercé, en qualité de prestataire indépendant de la société Lyn Consulting, une activité de consultant pour la société Orange Tunisie, a fait l'objet d'un contrôle sur pièces, à l'issue duquel lui a été notifiée une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu, au titre de l'année 2011, au motif que les sommes perçues à raison de l'activité exercée en Tunisie étaient imposables en France. M. B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la décharge de cette imposition.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus ". Il est constant qu'au cours de l'année en litige, le requérant avait en France son domicile fiscal et s'y trouvait ainsi normalement assujetti à l'impôt sur le revenu pour l'ensemble de ses revenus, en application des dispositions de l'article 4 A. Toutefois, M. B... soutient que les stipulations de l'article 21 de la convention internationale franco-tunisienne du 28 mai 1973 lui permettaient de ne pas être assujetti à l'impôt sur le revenu pour des bénéfices non commerciaux réalisés en Tunisie en 2011.
3. Aux termes de l'article 3 de la convention franco-tunisienne du 28 mai 1973 : " 1. Au sens de la présente Convention, l'expression " résident d'un Etat contractant " désigne toute personne qui, en vertu de la législation dudit État, est assujettie à l'impôt dans cet État, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue. (...) ". Aux termes de l'article 21 de la même convention, relatif aux professions indépendantes : " 1. Les revenus qu'un résident d'un État contractant tire d'une profession libérale ou d'autres activités indépendantes de caractère analogue ne sont imposables que dans cet État. Toutefois, ces revenus sont imposables dans l'autre État contractant dans les cas suivants : a) Si l'intéressé dispose de façon habituelle dans l'autre Etat contractant d'une base fixe pour l'exercice de ses activités ; en ce cas seule la fraction des revenus qui est imputable à ladite base fixe est imposable dans l'autre État contractant ; ou b) Si son séjour dans l'autre Etat contractant s'étend sur une période ou des périodes d'une durée totale égale ou supérieure à 183 jours pendant l'année fiscale à raison des revenus réalisés pendant cette période dans cet autre État. (...) ".
4. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération.
5. Il résulte de l'instruction et notamment de la proposition de rectification du 8 décembre 2014, que l'administration a remis en cause l'exonération des revenus perçus par M. B... dans le cadre de l'activité qu'il a exercée en Tunisie au cours de l'année 2011, au motif que sa situation ne relevait d'aucun des deux cas prévus par l'article 21 de la convention franco-tunisienne.
6. Le requérant ne conteste pas que pour l'année en litige, il ne relevait pas du cas prévu au b) de l'article 21 de la convention franco-tunisienne dès lors qu'il ne justifiait pas d'une durée totale égale ou supérieure à cent quatre-vingt trois jours de présence en Tunisie au titre de son activité professionnelle. Il soutient en revanche que c'est à tort que l'administration a estimé qu'il ne disposait pas de façon habituelle, en Tunisie, d'une base d'affaire ou installation permanente, pour l'exercice de son activité au sens du a) de l'article 21 de la convention franco-tunisienne.
7. Il résulte de l'instruction qu'au cours de l'année 2011, M. B... a été chargé, par contrat conclu le 16 décembre 2010 avec la société Lyn Consulting, d'effectuer des missions en qualité de directeur de projet Télécom chez le client Orange Tunisie. Pour contester son imposition en France des revenus perçus dans le cadre de ce contrat, le requérant soutient que pour exercer son activité de conseil indépendant en Tunisie, il a disposé de manière permanente d'une base fixe au sens des dispositions de l'article 21 de la convention franco-tunisienne, éclairée par les commentaires de l'OCDE, dès lors qu'il aurait eu à sa disposition de manière permanente d'octobre 2009 à mars 2011, un local au sein du bâtiment de la société Orange Tunisie ainsi que du matériel de cette société, tels un ordinateur de fonction, un ligne téléphonique, une voiture de fonction partagée, des cartes de visite. Toutefois, aucun des documents produits ne permet d'établir que ces moyens matériels, à l'exception des cartes de visite, auraient été effectivement mis à la disposition de l'intéressé. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration a estimé que faute pour le requérant de disposer d'une base fixe d'affaires en Tunisie, les revenus perçus dans ce pays ne pouvaient être regardés comme rattachés à l'activité exercée et, par suite, a refusé d'exclure les revenus perçus par M. B... en Tunisie de ses revenus imposables en France.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article. ".
9. Dans sa proposition de rectification du 8 décembre 2014, l'administration, après avoir notamment rappelé que l'intéressé ne pouvait être considéré comme " résident tunisien ", indique qu'il convient d'écarter les stipulations de l'article 21 de la convention franco-tunisienne dès lors que M. B...ne dispose pas façon habituelle, en Tunisie d'une base fixe d'affaires ou d'une installation permanente, pour l'exercice de son activité, que son séjour en Tunisie ne s'étendpas sur une période d'une durée totale ou égale ou supérieure à cent quatre-vingt trois jours pendant l'année fiscale 2011 et que les revenus perçus n'ont pas fait l'objet d'une taxation à l'impôt sur le revenu dans un autre État. Ces indications étaient suffisamment précises et explicites pour lui permettre de formuler utilement ses observations sur les rectifications en litige. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification doit être écarté.
10. En dernier lieu, la circonstance que les revenus qu'il a perçus au cours des années 2012 et 2013 pour une activité similaire exercée au Cameroun n'ont donné lieu à aucune rectification, est en tout état de cause, sans incidence sur le bien-fondé des impositions en litige.
11. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée en défense, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 6 septembre 2018 à laquelle siégeaient :
Mme Fischer-Hirtz, présidente de chambre,
M. Souteyrand, président assesseur,
M. Savouré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 septembre 2018
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N° 17LY03351