Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 25 juin 2014 par lequel le maire de la commune de Tullins a refusé de lui délivrer un permis de construire une maison individuelle au lieu-dit l'Eslinard.
Par un jugement n° 1405358 du 16 mars 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 15 mai 2017 et le 26 avril 2018, M. B... A..., représentée par la SELARL D... avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 16 mars 2017 ;
2°) d'annuler ce refus de permis de construire du 25 juin 2014 ;
2°) d'enjoindre au maire de Tullins de statuer à nouveau sur sa demande ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Tullins la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le refus de permis de construire est illégal du fait de l'illégalité du zonage classant le terrain d'assiette de son projet en zone naturelle N du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune ;
- le classement en zone ND par le plan d'occupation des sols (POS) antérieurement en vigueur est également entaché d'erreur manifeste d'appréciation et la construction doit être autorisée par application du règlement national d'urbanisme ;
- le maire n'a pas accompli les diligences requises en vertu de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme lui permettant d'obtenir des informations sur les possibilités de desserte par le réseau électrique et n'a pas recherché s'il acceptait de prendre en charge le coût des travaux d'extension, alors au demeurant qu'aucune disposition du PLU n'impose le raccordement d'une construction au réseau électrique.
Par un mémoire enregistré le 1er septembre 2017 et un mémoire enregistré le 29 mai 2018 qui n'a pas été communiqué, la commune de Tullins, représentée par la SELARL CDMF avocats affaires publiques, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
La clôture de l'instruction a été fixée au 29 mai 2018 par une ordonnance du 14 mai 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Christine Psilakis, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Véronique Vaccaro-Planchet, rapporteur public,
- et les observations, de Me D... pour M. A... ainsi que celles de Me C... pour la commune de Tullins ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A... relève appel du jugement du 16 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 25 juin 2014 par laquelle le maire de Tullins lui a refusé un permis de construire une maison d'habitation sur des parcelles cadastrées section F n° 1180, 1313, 1185 et 1184 situées au lieu-dit l'Eslinard à Tullins.
Sur la légalité du refus de permis de construire du 25 juin 2014 :
2. Le refus de permis de construire du 25 juin 2014 en litige est fondé sur deux motifs tirés d'une part, de ce que le terrain d'assiette du projet de construction est classé en zone naturelle par le plan local d'urbanisme (PLU) de la commune de Tullins et, d'autre part, de ce que ce terrain n'est pas desservi par le réseau d'électricité.
En ce qui concerne l'exception d'illégalité du classement en zone N :
3. Aux termes de l'article R. 123-8 alors en vigueur du code de l'urbanisme : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : / a) Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; / b) Soit de l'existence d'une exploitation forestière ; / c) Soit de leur caractère d'espaces naturels. / En zone N, peuvent seules être autorisées : / - les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole et forestière ; / - les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs ou à des services publics (...) ". Le règlement du PLU de la commune de Tullins définit la zone N comme étant " une zone naturelle non équipée faisant l'objet d'une protection particulière, soit en raison de la qualité du site et du paysage, soit en raison de risques naturels et de nuisances, soit pour affirmer une coupure à l'urbanisation. La vocation de cette zone est donc celle d'un espace non urbanisable ".
4. M. A... soutient que le classement en zone naturelle du terrain d'implantation de son projet de construction est entaché d'erreur manifeste d'appréciation en faisant valoir que ce terrain, desservi par les réseaux, est entouré de constructions et que ni le programme d'aménagement et de développement durables (PADD) ni le rapport de présentation du PLU n'excluent de construire dans les hameaux de la commune excentrés mais desservis.
5. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le terrain de M. A..., d'une superficie totale de 1100 m², est à l'état naturel et boisé. Il se situe au lieu-dit l'Eslinard, hameau excentré par rapport au centre-bourg, dont le rapport de présentation précise qu'il est " tourné vers l'agriculture, avec une prédominance de fermes et de vieux bâtiments. Relativement intime (maisons resserrées, petites voies, proximité directe des pâtures et vergers de noyers, écrin boisé qui referme l'espace visuel,...) il possède également des perceptions directes sur la vallée. ". La circonstance que ce terrain soit desservi par certains réseaux n'exclut nullement, selon les termes mêmes de l'article R. 123-8 du code de l'urbanisme cité au point 3, un classement en zone naturelle. En l'espèce, un tel classement répond à la volonté des auteurs du PU de ne pas densifier le hameau de l'Eslinard afin d'en préserver le caractère rural. Dans ces conditions, c'est sans erreur manifeste d'appréciation que les parcelles du requérant ont été classées en zone naturelle.
6. Il suit de là que M. A... n'est pas fondé à soutenir que le refus de permis de construire du 25 juin 2014 est illégal du fait de l'illégalité du classement du terrain d'assiette de son projet en zone naturelle par le PLU du 7 juillet 2005, ni, par suite, à revendiquer l'application du règlement national d'urbanisme au motif que le classement antérieur en zone naturelle ND résultant du plan d'occupation des sols du 25 février 1992 serait également illégal.
En ce qui concerne la desserte par les réseaux électriques :
7. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 111-4 alors en vigueur du code de l'urbanisme : " Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés. ". Et aux termes des premier et quatrième alinéas de l'article L. 332-15 du même code : " L'autorité qui délivre l'autorisation de construire (...) exige, en tant que de besoin, du bénéficiaire de celle-ci la réalisation et le financement de tous travaux nécessaires à la viabilité et à l'équipement de la construction (...), notamment en ce qui concerne la voirie, l'alimentation en eau, gaz et électricité, les réseaux de télécommunication, l'évacuation et le traitement des eaux et matières usées, l'éclairage, les aires de stationnement, les espaces collectifs, les aires de jeux et les espaces plantés. (...) / L'autorisation peut également, avec l'accord du demandeur et dans les conditions définies par l'autorité organisatrice du service public de l'eau ou de l'électricité, prévoir un raccordement aux réseaux d'eau ou d'électricité empruntant, en tout ou partie, des voies ou emprises publiques, sous réserve que ce raccordement n'excède pas cent mètres et que les réseaux correspondants, dimensionnés pour correspondre exclusivement aux besoins du projet, ne soient pas destinés à desservir d'autres constructions existantes ou futures. ".
8. Les dispositions de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme poursuivent notamment le but d'intérêt général d'éviter à la collectivité publique ou au concessionnaire d'être contraints, par le seul effet d'une initiative privée, de réaliser des travaux d'extension ou de renforcement des réseaux publics et de garantir leur cohérence et leur bon fonctionnement, sans prise en compte des perspectives d'urbanisation et de développement de la collectivité. Une modification de la consistance d'un des réseaux publics que ces dispositions mentionnent ne peut être réalisée sans l'accord de l'autorité administrative compétente. L'autorité compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité pour un projet qui exige une modification de la consistance d'un réseau public qui, compte tenu de ses perspectives d'urbanisation et de développement, ne correspond pas aux besoins de la collectivité.
9. Il résulte par ailleurs de l'article de L. 332-15 du code de l'urbanisme que, pour l'alimentation en électricité, relèvent des équipements propres à l'opération ceux qui sont nécessaires à la viabilité et à l'équipement de la construction ou du terrain jusqu'au branchement sur le réseau public d'électricité qui existe au droit du terrain, en empruntant, le cas échéant, des voies privées ou en usant de servitudes, ou, dans les conditions définies au troisième alinéa de l'article L. 332-15, en empruntant, en tout ou partie, des voies ou emprises publiques, sous réserve dans ce dernier cas que le raccordement n'excède pas cent mètres. En revanche, pour l'application de ces dispositions, les autres équipements de raccordement aux réseaux publics d'électricité, notamment les ouvrages d'extension ou de branchement en basse tension, et, le cas échéant, le renforcement des réseaux existants, ont le caractère d'équipements publics.
10. Pour refuser à M. A... le permis de construire qu'il sollicitait, le maire de Tullins a estimé que le terrain d'implantation du projet n'est pas suffisamment desservi par le réseau public d'électricité et que le projet impose la réalisation d'équipements publics supplémentaires pour lesquels il est actuellement impossible d'indiquer dans quels délais et par quelle collectivité publique ou concessionnaire de service public les travaux nécessaires pourraient être réalisés.
11. Il ressort de l'avis d'ERDF émis le 11 juin 2014 sur le projet en litige, que des travaux d'extension sur une distance de 110 mètres doivent être réalisés et nécessitent une contribution financière de 5 228,16 euros à la charge de la commune. Le projet s'implantant sur un terrain situé en zone naturelle, où la commune n'a pas vocation à développer l'urbanisation ni les réseaux pour la desserte de nouvelles constructions, le maire de Tullins n'a pas fait une inexacte application des dispositions citées au point 7 en fondant son refus de permis de construire sur l'absence de desserte suffisante par le réseau électrique sans avoir à justifier d'un délai ou à rechercher si le pétitionnaire accepterait de prendre en charge le coût des travaux d'extension.
12. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
13. Le présent arrêt qui, confirme le rejet des conclusions de M. A... dirigées contre le refus de permis de construire en litige, n'implique pas qu'il soit enjoint à l'autorité compétente de procéder à une nouvelle instruction de sa demande de permis de construire. Les conclusions que le requérant présente à cette fin doivent dès lors être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que M. A... demande au titre des frais qu'il a exposés soit mise à la charge de la commune de Tullins, qui n'est pas partie perdante. En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Tullins.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : M. A... versera à la commune de Tullins la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... et à la commune de Tullins.
Délibéré après l'audience du 9 octobre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre ;
M. Antoine Gilles, président-assesseur ;
Mme Christine Psilakis, premier conseiller ;
Lu en audience publique, le 30 octobre 2018.
Le rapporteur,
Christine PsilakisLe président,
Yves BoucherLa greffière,
Fabienne Prouteau
La République mande et ordonne au préfet de l'Isère en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 17LY01968
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