La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/11/2018 | FRANCE | N°16LY02353

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Formation de chambres réunies, 08 novembre 2018, 16LY02353


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... J... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 7 juin 2013 par laquelle le maire de la commune de Saint-Martin-le-Vinoux a refusé de lui accorder un permis de construire pour un projet portant sur l'édification de onze maisons en bande sur la parcelle cadastrée section AX n°133 située rue de la Résistance, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1306272 du 19 mai 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté s

a demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire complémenta...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... J... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 7 juin 2013 par laquelle le maire de la commune de Saint-Martin-le-Vinoux a refusé de lui accorder un permis de construire pour un projet portant sur l'édification de onze maisons en bande sur la parcelle cadastrée section AX n°133 située rue de la Résistance, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1306272 du 19 mai 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 11 juillet 2016 et le 5 janvier 2018, M. C... J..., représenté par la SELARL CDMF avocats affaires publiques, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 19 mai 2016 ;

2°) d'annuler ce refus de permis de construire du 7 juin 2013, ainsi que la décision implicite de son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au maire de Saint-Martin-le-Vinoux de statuer à nouveau sur sa demande de permis de construire dans le délai d'un mois sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Martin-le-Vinoux une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal ne pouvait reformuler le motif de refus pour justifier celui-ci en se fondant sur l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme alors que le maire s'était uniquement fondé sur le caractère défavorable de l'avis de l'architecte des bâtiments de France (ABF) ;

- le maire ne pouvait fonder son refus sur l'avis défavorable de l'ABF puisque cet avis avait été remplacé par l'avis implicite favorable du préfet de région né du silence qu'il a gardé sur le recours dont il a été saisi le 31 juillet 2013 sur le fondement de l'article L. 621-32 du code du patrimoine et des articles R. 423-68 et R. 424-14 du code de l'urbanisme ;

- l'appréciation selon laquelle le projet porterait atteinte au caractère et à l'intérêt des lieux avoisinants en méconnaissance de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, est erronée ;

- l'avis défavorable du syndicat mixte des transports en commun de l'agglomération grenobloise repose sur des considérations étrangères aux règles d'urbanisme et le motif de refus fondé sur le caractère dangereux de l'accès pour la sécurité publique au sens de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, est erroné ;

Par un mémoire enregistré le 14 novembre 2016 et un mémoire complémentaire enregistré le 11 janvier 2018, qui n'a pas été communiqué, la commune de Saint-Martin-le-Vinoux, représentée par la SCP Fessler Jorquera et associés, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. J... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

- contrairement à ce qu'à jugé le tribunal administratif, le motif fondé sur l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme n'est pas entaché d'erreur d'appréciation ; le cas échéant, le motif tiré de la présence d'une ligne blanche continue contraignant les véhicules à sortir sur la voie de desserte par la droite uniquement devrait être substitué au motif tiré d'un manque de visibilité sur la voie ;

Par courrier du 6 avril 2018, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour est susceptible de fonder sa décision d'office sur l'irrecevabilité de la demande de première instance résultant de la naissance d'un permis de construire tacite qui s'est substitué au refus de permis en litige.

Par des mémoires enregistrés respectivement le 10 avril 2018 et le 12 avril 2018, M. J... et la commune de Saint-Martin-le-Vinoux ont présenté leurs observations en réponse à la communication d'un moyen susceptible d'être relevé d'office.

Par courriers du 17 mai et du 21 juin 2018, le préfet de la région Auvergne Rhône-Alpes a été invité à présenter ses observations ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code du patrimoine ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Christine Psilakis, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Véronique Vaccaro-Planchet, rapporteur public,

- et les observations de Me G... pour M. J..., ainsi que celles de Me F... pour la commune de Saint-Martin-le-Vinoux ;

Considérant ce qui suit :

1 M. J... relève appel du jugement du 19 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 7 juin 2013 par lequel le maire de la commune de Saint-Martin-le-Vinoux lui a refusé, après avis défavorable de l'architecte des Bâtiments de France, la délivrance d'un permis de construire pour un projet de construction de onze maisons en bande le long de la rue de la Résistance, situé dans le champ de visibilité d'un édifice classé, la villa "Casamaures", et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux contre ce refus.

Sur les conclusions tendant à l'annulation du refus de permis de construire du 7 juin 2013 :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 621-31 du code du patrimoine : " Lorsqu'un immeuble est adossé à un immeuble classé ou situé dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit au titre des monuments historiques, il ne peut faire l'objet, tant de la part des propriétaires privés que des collectivités et établissements publics, d'aucune construction nouvelle, d'aucune démolition, d'aucun déboisement, d'aucune transformation ou modification de nature à en affecter l'aspect, sans une autorisation préalable. " ; qu'aux termes de l'article L. 621-32 du même code : " I. - Le permis de construire (...) tient lieu de l'autorisation prévue au premier alinéa de l'article L. 621-31 si l'architecte des Bâtiments de France a donné son accord. / En cas de désaccord (...) du pétitionnaire avec l'avis émis par l'architecte des Bâtiments de France, le représentant de l'Etat dans la région émet, après consultation de la section de la commission régionale du patrimoine et des sites, un avis qui se substitue à celui de l'architecte des Bâtiments de France. Le recours du pétitionnaire s'exerce à l'occasion du refus d'autorisation (...). Si le représentant de l'Etat dans la région exprime son désaccord à l'encontre de l'avis de l'architecte des Bâtiments de France, le maire (...) peut délivrer le permis de construire (...) initialement refusé (...). En l'absence de décision expresse du représentant de l'Etat dans la région dans le délai de deux mois à compter de sa saisine (...) le pétitionnaire, le recours est réputé admis. " ; qu'aux termes de l'article R. 424-14 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet n'est pas situé dans une aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine ou une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, le demandeur peut, en cas d'opposition à une déclaration préalable ou de refus de permis fondé sur une opposition de l'architecte des Bâtiments de France, saisir le préfet de région, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, d'un recours contre cette décision dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'opposition ou du refus. / Le préfet de région adresse notification de la demande dont il est saisi au maire et à l'autorité compétente en matière de permis. / Les dispositions des premier à cinquième et huitième à douzième alinéas de l'article R. 423-68 et celles de l'article R. 423-68-1 sont applicables au recours du demandeur. / Si le préfet de région, ou le ministre chargé des monuments historiques et des espaces protégés en cas d'évocation, infirme l'avis de l'architecte des Bâtiments de France, le maire ou l'autorité compétente doit statuer à nouveau dans le délai d'un mois suivant la réception du nouvel avis ou suivant la date à laquelle est intervenue l'admission tacite du recours. ". Enfin, aux termes du onzième alinéa de l'article R. 423-68 du code de l'urbanisme : " La décision expresse du préfet de région est notifiée à l'autorité compétente, ainsi qu'au maire et au demandeur. ".

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 424-1 du code de l'urbanisme : " A défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction déterminé comme il est dit à la section IV du chapitre III ci-dessus, le silence gardé par l'autorité compétente vaut, selon les cas : / (...) b) Permis de construire, permis d'aménager ou permis de démolir tacite. ". Et aux termes de l'article R. 424-3 du même code : " Par exception au b de l'article R. 424-1, le défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction vaut décision implicite de rejet lorsque la décision est soumise à l'accord de l'architecte des Bâtiments de France et que celui-ci a notifié, dans les délais mentionnés aux articles R. 423-59, R. 423-67 et R. 423-67-1, un avis défavorable ou un avis favorable assorti de prescriptions. / Il en est de même, en cas de recours de l'autorité compétente contre l'avis défavorable de l'architecte des Bâtiments de France, lorsque le préfet de région ou, en cas d'évocation, le ministre chargé des monuments historiques et des espaces protégés, a rejeté le recours par une décision expresse. ".

4. Il résulte des dispositions citées aux points 2 et 3 que le pétitionnaire doit, avant de former un recours pour excès de pouvoir contre un refus de permis de construire portant sur un immeuble situé dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit et faisant suite à un avis négatif de l'architecte des Bâtiments de France, saisir le préfet de région d'une contestation de cet avis, que l'avis émis par le préfet, qu'il soit exprès ou tacite, se substitue à celui de l'architecte des Bâtiments de France et que, lorsque le préfet infirme l'avis défavorable de l'architecte des Bâtiments de France, l'autorité compétente doit statuer à nouveau sur la demande de permis de construire dans un délai d'un mois à compter de la réception du nouvel avis ou de l'admission tacite du recours, cette nouvelle décision se substituant alors au refus de permis de construire précédemment opposé. Le silence de l'autorité compétente au terme de ce délai d'un mois dans lequel elle doit statuer à nouveau sur la demande, vaut permis de construire tacite.

5. Après le rejet de sa demande de permis de construire par l'arrêté du maire de Saint-Martin-le-Vinoux du 7 juin 2013 en litige, M. J... a, en application des articles L. 621-32 du code du patrimoine et R. 424-14 du code de l'urbanisme, saisi le préfet de région d'un recours contre l'avis défavorable de l'architecte des Bâtiments de France, reçu par son destinataire le 31 juillet 2013. Il a parallèlement saisi le maire de Saint-Martin-le-Vinoux d'un recours gracieux en l'informant de ce qu'il avait saisi le préfet de région d'un recours contre l'avis de l'ABF et en lui adressant copie de ce recours par un courrier reçu en mairie le 31 juillet 2013.

6. Le silence du préfet de région sur le recours formé par le pétitionnaire contre l'avis défavorable de l'architecte des Bâtiments de France a fait naître, le 1er octobre 2013, une décision implicite infirmant cet avis et le silence du maire de Saint-Martin-le-Vinoux au terme du délai d'un mois dont il disposait pour statuer à nouveau sur la demande de M. J... à compter de cette date, a fait naître au profit du pétitionnaire un permis de construire tacite. Si le préfet, auquel la cour a demandé de fournir des précisions sur les modalités d'instruction du recours de M. J..., a indiqué que ses "services ne trouvent pas trace de cette procédure préalable" et s'il n'a, de fait, ni notifié ce recours au maire, ainsi que le prévoient les dispositions de l'article R. 424-14 du code de l'urbanisme, ni pris de décision expresse sur le recours du requérant dans le délai de deux mois imparti par les dispositions de l'article L. 621-32 du code du patrimoine au terme duquel le recours est réputé admis, ces circonstances sont sans incidence sur la naissance d'une décision implicite infirmant l'avis défavorable de l'architecte des Bâtiments de France et d'un permis de construire tacite, dès lors, en tout état de cause, que le pétitionnaire avait lui-même adressé au maire copie de son recours contre l'avis de l'architecte des Bâtiments de France. L'absence de consultation par le préfet de la section de la commission régionale du patrimoine et des sites est également sans incidence sur la naissance de ces décisions tacites.

7. Le silence du maire au terme du délai d'un mois imparti pour statuer à nouveau sur la demande a ainsi fait naître, le 1er novembre 2013, un permis de construire tacite qui s'est substitué au refus du 7 juin 2013 en litige. Il suit de là que la demande de première instance dirigée contre ce refus était dépourvue d'objet le 27 novembre 2013, date de son enregistrement au greffe du tribunal administratif de Grenoble et qu'elle était ainsi irrecevable.

8. Il résulte de ce qui précède que M. J... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que M. J... demande au titre des frais qu'il a exposés soit mise à la charge de la commune de Saint-Martin-le-Vinoux qui n'est pas partie perdante. Pour l'application de ces mêmes dispositions, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. J... le versement de la somme que la commune de Saint-Martin-le-Vinoux demande au même titre.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. J... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Saint-Martin-le-Vinoux tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... J..., à la commune de Saint-Martin-le-Vinoux et au préfet de l'Isère.

Copie en sera adressée au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, au ministre de la culture et au préfet de la région Auvergne Rhône-Alpes.

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Régis Fraisse, président de la cour ;

M. B... I... et Mme K... M..., présidents de chambre ;

M. H... D... et M. A... L..., présidents-assesseurs ;

Mme E... N... et Mme Christine Psilakis, premières conseillères ;

Lu en audience publique, le 8 novembre 2018.

1

2

N° 16LY02353

md


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Formation de chambres réunies
Numéro d'arrêt : 16LY02353
Date de la décision : 08/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Monuments et sites - Monuments historiques - Mesures applicables aux immeubles situés dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit - Permis de construire.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Nature de la décision - Octroi du permis - Permis tacite - Existence ou absence d'un permis tacite - Existence.


Composition du Tribunal
Président : M. FRAISSE
Rapporteur ?: Mme Christine PSILAKIS
Rapporteur public ?: Mme VACCARO-PLANCHET
Avocat(s) : CDMF-AVOCATS AFFAIRES PUBLIQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-11-08;16ly02353 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award