Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 11 décembre 2017 par lesquelles le préfet de la Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé à l'expiration de ce délai.
Par un jugement n° 1800098 du 20 mars 2018, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 avril 2018 et 19 juillet 2018, le préfet de la Savoie demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 20 mars 2018 ;
2°) de rejeter la demande de M. C....
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a retenu comme fondé le moyen tiré de l'erreur de fait, alors que M. C... n'exerçait aucune activité professionnelle sur le territoire français à la date de ses décisions qui ne méconnaissent ainsi pas les dispositions de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; en tout état de cause, il n'est pas possible de vérifier si cette activité ne revêtait pas un caractère marginal ou accessoire ;
- ses décisions ne méconnaissent pas les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 17 septembre 2018.
Par des mémoires enregistrés les 4 juillet 2018 et 7 septembre 2018, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. C..., représenté par la SCP Calloud-Greneche, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- il remplit les conditions permettent à un citoyen de l'Union européenne de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois ;
- le préfet a prescrit son éloignement sans prendre en compte la situation de son fils.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller ;
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet de la Savoie relève appel du jugement du 20 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 11 décembre 2017 portant rejet de la demande de délivrance d'un titre de séjour présentée par M. C..., ressortissant espagnol, sur le fondement de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et lui faisant obligation de quitter le territoire.
Sur le bien-fondé du moyen d'annulation retenu par les premiers juges :
2. Aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne (...) a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : / 1° S'il exerce une activité professionnelle en France (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'un citoyen de l'Union européenne ne dispose du droit de se maintenir sur le territoire national pour une durée supérieure à trois mois que s'il remplit l'une des conditions, alternatives, exigées à cet article, au nombre desquelles figure l'exercice d'une activité professionnelle en France. Par ailleurs, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que la condition relative à l'exercice d'une activité professionnelle en France doit être regardée comme satisfaite si cette activité est réelle et effective, à l'exclusion des activités tellement réduites qu'elles se présentent comme purement marginales et accessoires.
3. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., entré en France le 6 décembre 2015, a sollicité le renouvellement de son titre de séjour valable jusqu'au 28 août 2017 en invoquant l'exercice d'une activité de commerce ambulant de vente de produits comestibles d'origine marocaine. Il a produit devant les premiers juges un certificat provisoire délivré par la chambre du commerce et de l'industrie de la Savoie le 8 décembre 2017, un extrait d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés ainsi qu'une déclaration de cotisation foncière des entreprises 2018. Toutefois, ces éléments à caractère déclaratif, ne suffisent pas, en l'absence de justification des conditions matérielles d'exercice d'une activité commerciale, à établir l'exercice par l'intéressé d'une activité professionnelle réelle et effective à la date des décisions du préfet du 11 décembre 2017, alors d'ailleurs que la date de création d'entreprise portée sur la déclaration de cotisation foncière des entreprises est postérieure. Il en résulte que le préfet de la Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges se sont fondés sur l'inexactitude matérielle des faits retenus dans son arrêté du 11 décembre 2017 pour en prononcer l'annulation.
4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C....
Sur les autres moyens :
5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. (...) ". Aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".
6. M. C..., entré récemment en France et qui est divorcé, se prévaut de la présence en France de son fils, atteint d'autisme et scolarisé en institut médico-éducatif. Toutefois, rien ne fait obstacle à ce que le requérant poursuive sa vie privée et familiale hors de France, notamment en Espagne, pays dont il a la nationalité et dans lequel rien ne permet de considérer qu'il ne pourrait trouver, le cas échéant, une structure adaptée à la situation de son fils. La seule circonstance que le jeune B...pourrait intégrer l'équipe de France de natation sport adapté n'est pas, par elle-même, de nature à établir la violation des stipulations citées au point 5.
7. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ses décisions du 11 décembre 2017 et à demander l'annulation de ce jugement et le rejet de la demande de M. C... devant ce tribunal.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 20 mars 2018 est annulé.
Article 2 : La demande de M. C... devant le tribunal administratif de Grenoble est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée :
- au préfet de la Savoie ;
- au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Chambéry.
Délibéré après l'audience du 13 novembre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Antoine Gille, président-assesseur,
Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 décembre 2018.
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N° 18LY01348
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