Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société Moulin TP a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la communauté d'agglomération du lac du Bourget à lui verser la somme de 75 807,42 euros TTC, assortie des intérêts moratoires, en règlement du solde du marché de travaux relatif au lot n° 1 " infrastructures, génie civil des réseaux et des fontaines, assainissement, voiries " conclu pour l'aménagement du centre intermodal d'Aix-les-Bains, ainsi que la somme de 2 000 euros pour résistance abusive et d'appeler en déclaration de jugement commun la société Arcadis ESG.
Par un jugement n° 1203549 du 29 septembre 2016, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 30 novembre 2016, la société Moulin TP, représentée par MeE..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner à titre principal la communauté d'agglomération du lac du Bourget à lui verser la somme de 75 807,42 euros TTC, assortie des intérêts moratoires, en règlement du solde du marché de travaux relatif au lot n° 1 " infrastructures, génie civil des réseaux et des fontaines, assainissement, voiries " conclu pour l'aménagement du centre intermodal d'Aix-les-Bains, ainsi que la somme de 5 000 euros pour résistance abusive et, à titre subsidiaire, la société Arcadis ESG à lui verser la somme de 75 807,42 euros ;
3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération du lac du Bourget et de la société Arcadis ESG la somme de 4 000 euros au titre des frais du litige.
Elle soutient que :
- sa réclamation préalable contestant le décompte général n'était pas frappée de forclusion ; sa demande en paiement est donc recevable ;
- l'obstruction de l'ovoïde résulte d'un aléa de chantier imputable au seul maître d'ouvrage qui n'a pas fait repérer les canalisations enterrées avant les travaux de rénovation des boulevards ;
- la société Arcadis ESG a commis une faute en lui imposant des travaux sur un ouvrage public sans s'assurer qu'elle était tenue par son marché de les exécuter ;
- le jugement attaqué est en contradiction avec l'ordonnance du juge des référés du 20 octobre 2011 qui a considéré que les travaux de désobstruction de l'ovoïde sont en lien avec son marché ;
- elle a exécuté ces travaux conformément à son devis qui a été validé par la société Arcadis ESG par la délivrance de l'ordre de service n° 18 sans critique sur la quantité du béton injecté et sur l'étanchéité du coffrage, dès lors que le confinement du béton injecté n'était pas de mise en l'absence d'identification par le maître d'ouvrage des canalisations pirates ;
- en application de l'article 96 du code des marchés publics alors en vigueur, les intérêts moratoires, au taux de 2,38 %, sont dus à compter du 15 novembre 2011 ;
- elle a subi un préjudice résultant de l'avance du coût des travaux et du refus de paiement du maître d'ouvrage.
Par un mémoire en défense enregistré le 25 octobre 2017, Grand-Lac-communauté d'agglomération du lac du Bourget, venant aux droits de la communauté d'agglomération du lac du Bourget, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la société Moulin TP au titre des frais du litige.
Elle fait valoir que :
- la requête n'est pas recevable faute de préciser le nom et la qualité de la personne habilitée à agir en justice pour le compte de la société Moulin TP ;
- dans la mesure où cette société est seule à l'origine des travaux de reprise de l'ovoïde obstrué, elle n'a pas droit à indemnisation, alors même qu'elle les a réalisés sur ordre de service ;
- elle ne peut prétendre avoir été induite en erreur par la société Arcadis ESG dès lors qu'elle n'a pas émis de réserve sur l'ordre de service dans le délai de 15 jours imparti ;
- le tribunal a considéré, à bon droit, que les travaux, objets de l'ordre de service n° 18, sont étrangers au marché dont elle était titulaire ; ils ont été rendus nécessaires par l'erreur de pose de la canalisation commise lors de l'exécution de son contrat de sous-traitance et par la mauvaise réalisation des opérations de comblement de l'affouillement ;
- elle n'est pas fondée à demander à être exonérée de sa responsabilité en invoquant la circonstance que la canalisation par laquelle s'est écoulé le béton n'avait pas été repérée sur les plans mis à sa disposition car il appartient à tout professionnel de prendre les précautions qui s'imposent avant d'intervenir ;
- à titre subsidiaire, la demande de paiement est frappée de forclusion en l'absence de transmission d'un mémoire complémentaire dans le délai de trois mois à compter de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le maître d'oeuvre sur sa réclamation ;
- la société Moulin TP est réputée avoir souscrit à l'ordre de service n° 18 faute de rapporter la preuve que le maître d'oeuvre a été destinataire de ses réserves dans le délai prescrit par le CCAG Travaux ;
- de surcroît, les stipulations de l'article 3.2.3 du CCAP excluent le paiement de la somme de 44 498,56 euros HT ;
- la société Moulin TP ne rapporte pas la preuve qu'elle aurait émis des réserves sur le coût des travaux de désobstruction ;
- les intérêts moratoires ne peuvent courir avant le 6 janvier 2012, date de notification du décompte général et la somme demandée à ce titre n'est pas assortie de précisions ;
- aucune résistance abusive n'est démontrée et la somme demandée à ce titre, qui ne se distingue pas des intérêts moratoires, n'est pas justifiée.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 avril 2018, la société Arcadis ESG, représentée par MeF..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Moulin TP au titre des frais du litige.
Elle fait valoir que :
- les conclusions tendant à sa condamnation au paiement des travaux objet du litige, nouvelles en appel, sont irrecevables ;
- en sa qualité de maître d'oeuvre, elle n'a aucune obligation au paiement de ces travaux.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Michel ;
- les conclusions de MmeG... ;
- les observations de Me D..., représentant la société Moulin TP, et celles de Me A... C..., représentant Grand-Lac-communauté d'agglomération du lac du Bourget ;
Considérant ce qui suit :
1. La société Moulin TP a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la communauté d'agglomération du lac du Bourget (CALB) à lui verser la somme de 75 807,42 euros TTC, assortie des intérêts moratoires, en règlement du solde du marché de travaux relatif au lot n° 1 " infrastructures, génie civil des réseaux et des fontaines, assainissement, voiries " conclu pour l'aménagement du centre intermodal d'Aix-les-Bains, consistant à améliorer les conditions de desserte du parvis de la gare ferroviaire, et d'appeler en déclaration de jugement commun la société Arcadis ESG. Elle relève appel du jugement du 29 septembre 2016 qui a rejeté sa demande.
Sur les conclusions dirigées contre la société Arcadis ESG :
2. Les premiers juges ont interprété les conclusions de la société Moulin TP, qui demandait expressément dans ses écritures que la société Arcadis ESG soit appelée en déclaration de jugement commun, comme tendant à la condamnation de cette société solidairement avec la CALB. Ils ont statué distinctement sur les conclusions dirigées contre l'une et l'autre et rejeté celles dirigées contre la société Arcadis ESG en l'absence d'invocation d'un fondement juridique au droit à rémunération ou indemnisation que la requérante prétend détenir sur ce maître d'oeuvre. En cause d'appel, la société Moulin TP demande à titre principal la condamnation de Grand-Lac-communauté d'agglomération du lac du Bourget à lui verser le solde de son marché ou à titre subsidiaire la condamnation d'Arcadis ESG du chef de sa responsabilité dans l'ordre d'exécuter les travaux. A supposer même qu'elle entende ainsi appeler en garantie la société Arcadis ESG, ces conclusions subsidiaires, nouvelles en appel, sont irrecevables. La fin de non recevoir opposée par la société Arcadis ESG doit ainsi être accueillie.
Sur les conclusions dirigées contre Grand-Lac-communauté d'agglomération du lac du Bourget, venant aux droits de la CALB, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non recevoir opposées par la communauté d'agglomération :
3. Il résulte de l'instruction que les travaux confiés à la société Moulins TP au titre du lot n° 1 " infrastructures, génie civil des réseaux et des fontaines, assainissement, voiries " étaient limités aux aménagements de surface. Par un marché distinct conclu sous la maîtrise d'oeuvre du cabinet Uguet, la CALB a confié à la société Langain la reprise des branchements de différents réseaux pour l'ensemble des marchés de l'opération d'aménagement du pôle intermodal. Pour l'exécution de son lot, la société Langain a sous-traité le branchement des réseaux d'eau pluviale coté gare ferroviaire à la société Moulin TP par un contrat conclu le 11 octobre 2006. Dans le cadre de cette sous-traitance, la société Moulin TP a posé un tube en PVC que la société Langain n'a pu, par la suite, retrouver qu'en réalisant un affouillement dans la voirie. Pour préserver la sécurité des usagers de la voirie, la société Arcadis ESG, maître d'oeuvre des travaux de surface, a alors ordonné à la société Moulin TP le comblement de cette excavation que la société Langain avait laissée béante. Une partie du béton injecté dans le coffrage a migré dans un réseau d'eaux usées voisin, provoquant l'obstruction de branchements et des phénomènes de refoulements d'effluents chez des riverains. La société Arcadis ESG a alors ordonné à la société Moulin TP, par ordre de service n° 18 émis le 30 octobre 2007, de procéder aux travaux nécessaires à la remise en état dudit réseau. Après réalisation de ces travaux, la société Moulin TP a vainement tenté d'en obtenir le remboursement auprès de la CALB.
4. Il résulte de l'instruction que les travaux de désobstruction ont pour origine deux erreurs constitutives de manquements aux règles de l'art commises par la société Moulin TP. D'une part, elle n'a pas posé selon la pente voulue la canalisation PVC dont la longueur s'est en outre révélée insuffisante pour atteindre la zone de chantier. D'autre part, elle a réalisé un coffrage présentant des défauts d'étanchéité et injecté du béton dans des quantités qu'elle n'a pas contrôlées. Même si la société Arcadis, après la constatation de la première malfaçon, a donné l'ordre de service n° 18 en conséquence, il n'en résulte pas que Grand-Lac-communauté d'agglomération du lac du Bourget, en tout état de cause lors du règlement du marché, doive en supporter la charge financière.
5. Il résulte de ce qui précède que la société Moulin TP n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties au titre des frais du litige.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Moulin TP est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par Grand-Lac-communauté d'agglomération du lac du Bourget et la société Arcadis ESG au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Moulin TP, à Grand-Lac-communauté d'agglomération du lac du Bourget et à la société Arcadis ESG.
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme Michel, président assesseur,
M. Chassagne, premier conseiller.
Lu en audience publique le 6 décembre 2018.
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N° 16LY03966