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16/04/2019 | FRANCE | N°18LY02846

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 16 avril 2019, 18LY02846


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 19 mars 2018 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office et prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de six mois.

Par un jugement n° 1802674 du 18 mai 2018,

le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté cette...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 19 mars 2018 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office et prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de six mois.

Par un jugement n° 1802674 du 18 mai 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 20 juillet 2018 et 15 mars 2019, M. A..., représenté par Me Guérault, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 18 mai 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Rhône du 19 mars 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de le munir d'une attestation de demandeur d'asile dans un délai de huit jours et de saisir les services ayant procédé à son signalement de non-admission en vue de la mise à jour de sa situation dans le délai de trente jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros à son conseil en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que sa demande a été rejetée comme irrecevable, alors que la décision attaquée devait, en vertu des articles L. 511-1-1 et R. 512-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui être transmise dans une langue comprise par lui, soit par un interprète soit par la remise d'un formulaire, en vue de lui permettre d'exercer son droit au recours garanti par l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision lui refusant une attestation de demandeur d'asile est insuffisamment motivée et ne saurait être regardée comme procédant d'un examen de sa situation particulière ;

- au regard des menaces auxquelles il est exposé et qui ont justifié que la qualité de réfugié lui soit reconnue, l'arrêté critiqué méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui, malgré une mise en demeure, n'a pas produit de mémoire.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 26 septembre 2018.

La clôture de l'instruction a été fixée au 22 mars 2019 par une ordonnance du 6 mars précédent.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. Antoine Gille, président-assesseur ;

Considérant ce qui suit :

1. Ressortissant turc né en 1991, M. B... A... est entré le 12 octobre 2014 en France, où sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 6 février 2015 confirmée par le Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 23 juillet suivant. Après qu'une première demande de réexamen de sa situation a été rejetée par une décision de l'OFPRA du 18 juillet 2017, M. A... s'est présenté à la préfecture du Rhône le 19 mars 2018 en vue de solliciter le réexamen de sa demande d'asile. Par arrêté du même jour, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer une attestation de demande d'asile et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, fixant en outre la Turquie comme pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office. M. A... relève appel du jugement du 18 mai 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Aux termes de l'article R. 512-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel un délai de départ volontaire est imparti peut demander que les principaux éléments des décisions qui lui sont notifiées en application de l'article L. 511-1 lui soient communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprend. ".

3. Lors de la présentation de M. A... en préfecture et face à l'incompréhension manifestée par celui-ci lorsque, ayant déposé sa demande de réexamen, il s'est vu remettre sur le champ une mesure d'éloignement, les services préfectoraux ont, ainsi qu'en atteste la mention manuscrite portée sur la décision contestée, porté la teneur de cette décision à la connaissance de l'intéressé en la faisant traduire par un agent. Alors que M. A... soutient sans être contredit n'avoir pas été informé à cette occasion du délai de recours spécifique de quinze jours ouvert par le I bis de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour contester cette décision, il est constant que l'information donnée à M. A... n'a pas respecté la forme requise par les dispositions de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vertu desquelles, lorsqu'il est prévu qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète.

4. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que le délai de quinze jours dans lequel une mesure d'éloignement doit en principe faire l'objet d'un recours ne lui était pas opposable et que c'est à tort que, pour rejeter sa demande enregistrée le 17 avril 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon s'est fondé d'office sur sa tardiveté.

5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Lyon.

Sur la légalité de l'arrêté du préfet du Rhône du 19 mars 2018 :

6. Pour refuser de délivrer une attestation de demande d'asile à M. A... et prescrire son éloignement, le préfet du Rhône s'est, ainsi que le font apparaître les termes mêmes de sa décision, fondé sur le caractère dilatoire de la démarche de l'intéressé et sur la circonstance qu'il n'établissait pas que sa vie ou sa liberté était menacée dans son pays ou qu'il y serait exposé à des traitements prohibés par les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ressort toutefois des pièces du dossier, en particulier de la décision de la Cour nationale du droit d'asile du 15 mars 2019 explicitant la situation de M. A... et lui reconnaissant la qualité de réfugié, que celui-ci devait, à la date de la décision attaquée, être regardé comme craignant avec raison, au sens de la convention de Genève, d'être persécuté par les autorités turques en raison de ses opinions politiques.

7. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de M. A.... Par suite, celui-ci est fondé à demander, outre l'annulation de ce jugement, l'annulation de la décision du préfet du Rhône du 19 mars 2018.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Eu égard à ses motifs, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet du Rhône statue à nouveau sur la situation de M. A.... Il y a lieu, dès lors, d'adresser au préfet du Rhône une injonction en ce sens et de fixer à deux mois le délai imparti pour son exécution. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de mettre à ce titre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros à Me Guérault, avocat du requérant, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 18 mai 2018 et l'arrêté du préfet du Rhône du 19 mars 2018 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de statuer à nouveau sur la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me C... Guérault la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et à Me C... Guérault.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 26 mars 2019, à laquelle siégeaient :

M. Yves Boucher, président ;

M. Antoine Gille, président-assesseur ;

Mme Christine Psilakis, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 avril 2019.

2

N° 18LY02846

md


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY02846
Date de la décision : 16/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: M. Antoine GILLE
Rapporteur public ?: Mme VACCARO-PLANCHET
Avocat(s) : GUERAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-04-16;18ly02846 ?
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