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21/05/2019 | FRANCE | N°17LY02313

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 21 mai 2019, 17LY02313


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme I... A...épouse B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 31 janvier 2012 par laquelle le directeur du centre hospitalier Lucien Hussel l'a licenciée pour inaptitude physique et de condamner l'établissement à lui payer diverses indemnités d'un montant total de 61 827,52 euros ;

Par un jugement n° 1500554 du 11 avril 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête,

enregistrée le 9 juin 2017, et des mémoires enregistrés les 28 décembre 2018 et 28 janvier 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme I... A...épouse B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 31 janvier 2012 par laquelle le directeur du centre hospitalier Lucien Hussel l'a licenciée pour inaptitude physique et de condamner l'établissement à lui payer diverses indemnités d'un montant total de 61 827,52 euros ;

Par un jugement n° 1500554 du 11 avril 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 9 juin 2017, et des mémoires enregistrés les 28 décembre 2018 et 28 janvier 2019 ce dernier n'ayant pas été communiqué, Mme A..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 11 avril 2017 et la décision de licenciement ;

2°) de condamner le centre hospitalier Lucien Hussel à lui verser les sommes de 1 661,38 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis de 166,14 euros au titre de l'indemnité de congés payés due sur le préavis, de 30 000 euros en réparation du licenciement abusif et de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral.

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier Lucien Hussel la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

* sa demande indemnitaire est recevable dans sa totalité ;

* le licenciement est intervenu en méconnaissance de l'article 40 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 et du décret n° 91-155 du 6 février 1991 et de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 ;

* son licenciement ne pouvait intervenir sans avis préalable du comité médical ;

* il est entaché d'un détournement de procédure car il est intervenu à la suite d'une visite médicale de reprise alors que son contrat était suspendu ;

* elle ne pouvait être licenciée sur la base de l'avis du médecin du travail du 5 janvier 2012 dès lors quelle était encore malade ;

* le médecin du travail devait réaliser deux examens médicaux à 15 jours d'intervalle en application des dispositions antérieures au décret no 2012-135 du 30 janvier 2012 ;

* elle a été victime de harcèlement moral : aucun bureau ne lui était attribué, elle ne disposait pas de secrétaire, elle souffrait d'une surcharge de travail, elle n'a pas bénéficié de l'encadrement du personnel infirmier dont elle était supposer bénéficier, elle a averti sa hiérarchie de ses difficultés, elle a subi des pressions de son chef de service pour une rupture conventionnelle de son contrat de travail, sa santé s'en est trouvée affectée car elle a été placée en congé maladie à partir du 11 janvier 2011 pour dépression et " burn-out " lié à sa surcharge et conditions de travail et dont les conséquence lui ont valu de bénéficier d'une allocation d'invalidité ;

* sa demande indemnitaire est recevable dans sa totalité ;

* elle doit être indemnisée de deux mois de préavis à hauteur de 1 661,38 euros outre la somme de 166,14 euros au titre de l'indemnité de congés payés afférente ; de 30 000 euros au titre du licenciement abusif, 30 000 euros au titre du préjudice moral ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 avril 2018, et un mémoire enregistré le 15 janvier 2019, le centre hospitalier Lucien Hussel représenté par Me H...conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de Mme A... la somme de 2 000 euros au titre des frais du litige.

Il soutient que :

* les conclusions à fin d'annulation de son licenciement sont irrecevables ;

* la consultation de son dossier individuel préalablement à son licenciement n'était pas obligatoire ;

* la consultation du comité médical, préalablement à son licenciement n'était pas obligatoire ;

* les dispositions du code du travail ne sont pas applicables à Mme A... ;

* son licenciement n'est entaché d'aucune illégalité ;

* les conclusions indemnitaires sont irrecevables en ce qu'elles excèdent la somme de 30 000 euros, la demande préalable étant globale et ne comportant pas de poste de préjudice, le contentieux n'est pas lié au delà de cette somme ;

* les préjudices invoqués sont sans lien avec la faute retenue par le tribunal administratif de Grenoble ;

* elle n'a pas été victime de harcèlement moral de la part du CH Lucien Hussel, les seuls reproches de Mme A... étant dirigés contre son autre employeur, l'association Réseau Visage ;

* il n'existe pas de lien entre son affection et le service ;

Par ordonnance du 7 janvier 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 29 janvier 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

* la loi no 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

* la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

* le décret no 91-155 du 6 février 1991 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

* le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

* le rapport de M. Pierre Thierry, rapporteur,

* les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,

* et les observations de Me G...substituant MeF..., représentant Mme A... et de MeH..., représentant le centre hospitalier Lucien Hussel ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... épouse B...a été recrutée par le centre hospitalier Lucien Hussel de Vienne par contrats pour des fonctions d'assistante éducative de service social en médecine gériatrie à 50 % à compter du 2 octobre 2006. Parallèlement, elle a occupé un emploi à temps partiel au sein de l'association " Réseau Visage " dans les mêmes locaux, également par contrat et pour 50 % de son temps de travail. Placée en arrêt de travail à compter du 11 janvier 2011, elle a été licenciée par une décision du 31 janvier 2012 du directeur du centre hospitalier Lucien Hussel. Mme A... relève appel du jugement du 11 avril 2017 qui a rejeté sa demande d'annulation de cette décision ainsi que ses demandes tendant à la condamnation du CH Lucien Hussel à réparer les préjudices subis du fait du licenciement et à lui verser des indemnités de préavis.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 31 janvier 2012 :

2. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. Dans une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.

3. Mme A... ne conteste pas avoir reçu la décision du 31 janvier 2012 prononçant son licenciement pour inaptitude, d'ailleurs confirmée par un courrier du 16 février 2012, plus d'un an avant le 20 octobre 2014, qui est la date à laquelle elle a saisi le centre hospitalier Lucien Hussel d'une demande préalable d'indemnisation dans laquelle elle dénonçait la nullité de son licenciement. Si elle fait valoir que son état de santé a compromis sa vigilance et a, ainsi, constitué une circonstance particulière susceptible de faire obstacle à l'écoulement du délai qui lui était ouvert pour se pourvoir contre cette décision, le certificat médical qu'elle produit ne permet pas d'établir que sa santé était altérée au point de faire obstacle à une contestation de son licenciement dans un délai raisonnable au sens des principes mentionnés au point précédent.

4. Il s'ensuit que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a rejeté en raison de leur irrecevabilité, ses conclusions à fin d'annulation de la décision du 31 janvier 2012 prononçant son licenciement pour inaptitude.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

Sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non recevoir soulevée par le centre hospitalier Lucien Hussel ;

En ce qui concerne l'irrégularité de la procédure de licenciement :

5. Ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif de Grenoble, par les motifs exposés au point 3 de son jugement et qu'il y a lieu pour la cour d'adopter, Mme A... ne peut utilement se prévaloir de ce que son licenciement ne pouvait intervenir sans avis préalable du comité médical et seulement à l'issue de deux examens médicaux du médecin du travail qui ont, au demeurant, été réalisés.

6. Les moyens de Mme A... tirés de ce que son licenciement est entaché d'un détournement de procédure car il est intervenu à la suite d'une visite médicale de reprise alors que son contrat était suspendu et de ce qu'elle ne pouvait être licenciée sur la base de l'avis du médecin du travail du 5 janvier 2012 dès lors quelle était encore malade, qui ne précisent ni les textes, ni les principes sur lesquels ils se fondent sont dépourvus des précisions nécessaires à l'appréciation de leur bien fondé et doivent dès lors être écartés.

7. Le tribunal administratif de Grenoble a encore relevé à bon droit que conformément au principe général des droits de la défense, ce licenciement pour inaptitude physique ne pouvait légalement intervenir sans que Mme A... ait été mise à même de demander la communication de l'ensemble de son dossier individuel et que faute pour le centre hospitalier Lucien Hussel d'avoir respecté cette formalité, elle était fondée à soutenir que son licenciement est entaché d'une irrégularité fautive.

8. Une telle irrégularité n'est toutefois de nature à lui ouvrir droit à une indemnisation des préjudices découlant de son licenciement irrégulier que pour autant qu'ils aient un lien direct de causalité avec celle-ci. Mme A... ne conteste pas le motif de son licenciement lié à son inaptitude à reprendre son poste ou toute autre fonction dans l'établissement après plus de douze mois consécutifs d'arrêt maladie. Il s'ensuit que la circonstance qu'elle a été privée de la garantie d'être mise à même de consulter son dossier individuel avant d'être reçue en entretien préalable à son licenciement ne peut être regardée comme étant à l'origine des préjudices dont elle demande réparation.

En ce qui concerne le harcèlement moral :

9. En vertu de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 aucun agent non titulaire de droit public ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. En application de ces principes, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

10. Mme A... expose à ce sujet qu'aucun bureau ne lui était attribué, qu'elle ne disposait pas de secrétaire, souffrait d'une surcharge de travail, qu'elle n'a pas bénéficié de l'encadrement du personnel infirmier dont elle était supposée bénéficier, qu'elle a averti sa hiérarchie de ses difficultés et qu'elle a subi des pressions de son chef de service pour une rupture conventionnelle de son contrat de travail.

11. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... n'ait pas disposé d'un bureau ou que des conditions de travail insatisfaisantes en termes d'équipement et matériel mis à sa disposition lui aient été imposées. S'il n'est pas contesté par le centre hospitalier Lucien Hussel que Mme A... n'a pas, faute d'agent disponible, disposé d'une secrétaire pour son poste à mi-temps, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette circonstance a engendré un surcroît de travail ou en a dégradé les conditions d'exercice, Mme A... ne faisant pas, par ailleurs, état d'éléments précis de nature à établir une surcharge de travail.

12. S'il n'est pas contesté par le centre hospitalier Lucien Hussel que le supérieur de Mme A... lui a proposé une rupture conventionnelle de son contrat, il résulte de l'instruction que la qualité de son travail ne lui donnait pas satisfaction et qu'elle-même s'était isolée. Il n'est pas établi que cette proposition de rupture du contrat aurait pris la forme de pressions alors, en outre, que l'inspecteur agréé de la CPAM qui a effectué une enquête à la suite de la déclaration d'accident du travail a conclu que " les faits décrits ne correspondent pas à des conditions anormales de travail, les éléments recueillis ne permettent pas de mettre en exergue la réalité d'un fait accidentel, ils s'inscrivent dans le cadre d'une relation normale de travail tel que défini par la législation et la jurisprudence actuelles ". Dans ces circonstances Mme A... n'est pas fondée à soutenir qu'elle a subi des agissements répétés ayant eu pour objet ou pour effet de dégrader ses conditions de travail.

En ce qui concerne le préavis et l'indemnité de congés payés afférents :

13. Aux termes de l'article 42 du décret no 91-155 du 6 février 1991, " Le préavis n'est pas dû en cas de licenciement prononcé (...) pour inaptitude physique ". Mme A... n'est, dès lors, pas fondée à demander la condamnation du centre hospitalier Lucien Hussel à lui verser une indemnité correspondant à deux mois de préavis, augmentée de l'indemnité compensatrice de congés payés correspondante.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions à fin d'indemnisation.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Ces dispositions faisant obstacle à ce que soit mis à charge du centre hospitalier Lucien Hussel qui n'est pas la partie perdante une somme à ce titre, les conclusions de Mme A... en ce sens doivent être rejetées.

16. Il n'y a pas lieu, d'autre part, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A...la somme demandée par le centre hospitalier Lucien Hussel au titre de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier Lucien Hussel relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... et au CH Lucien Hussel.

Délibéré après l'audience du 23 avril 2019 à laquelle siégeaient :

M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,

M. Pierre Thierry premier conseiller,

Mme E...D..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 21 mai 2019.

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N° 17LY02313


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY02313
Date de la décision : 21/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-12-03-01 Fonctionnaires et agents publics. Agents contractuels et temporaires. Fin du contrat. Licenciement.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: M. Pierre THIERRY
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : PALLANCA

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-05-21;17ly02313 ?
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