Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 16 février 2018 par lequel le préfet de la Côte-d'Or a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé, d'enjoindre au préfet de lui délivrer un certificat de résidence d'un an et de mettre à la charge de l'Etat au profit de son conseil une somme de 1 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique.
Par un jugement n° 1800678 du 24 mai 2018, le tribunal administratif de Dijon a annulé cet arrêté préfectoral, a enjoint au préfet de réexaminer la situation de M. D... dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et a rejeté le surplus des conclusions de cette demande.
Procédure devant la Cour
Par une requête, enregistrée le 25 juin 2018, le préfet de la Côte-d'Or, représentée par la SELARL Claisse et Associés, avocat, demande à la cour d'annuler ce jugement n° 1800678 du 24 mai 2018 du tribunal administratif de Dijon et de rejeter la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a retenu la méconnaissance des stipulations du 2. du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, dès lors que la demande de titre de séjour n'était pas présentée par M. D... sur ce fondement et que la communauté de vie entre l'intéressé et son épouse n'était pas effective ;
- M. D... a produit à l'appui de sa demande de titre de séjour un acte de naissance dont l'authenticité est douteuse ;
- sa présence sur le territoire français constitue une menace pour l'ordre public.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 septembre 2018, M. B... D..., représenté par Me Buvat, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 800 euros soit mise à la charge de l'Etat au profit de son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique.
Il fait valoir que les moyens présentés par le requérant ne sont pas fondés.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 5 octobre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Drouet, président-rapporteur.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des termes du courrier du 25 août 2017 du préfet de la Côte-d'Or adressé à M. D... et de ceux de la décision contestée de refus de titre de séjour, et n'est pas contesté par l'intéressé, que sa demande de titre de séjour présentée le 2 juin 2016 était fondée, non pas sur les stipulations du 2. du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles, mais sur celles du 5. du deuxième alinéa de l'article 6 du même accord. Dans ces conditions, et alors que le préfet n'a pas examiné cette demande de titre de séjour sur le fondement des stipulations du 2. du deuxième alinéa de l'article 6 de cet accord, c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur la méconnaissance de ces dernières stipulations pour annuler l'arrêté en litige du 16 février 2018.
2. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... devant le tribunal administratif de Dijon.
3. En premier lieu, le préfet a rejeté la demande de titre de séjour de M. D... au motif notamment que la copie en date du 27 mars 2016 de l'acte de naissance de l'intéressé, produite à l'appui de cette demande, était falsifiée. Toutefois, par un courrier du 24 novembre 2017, produit en première instance par le demandeur, les services du consulat de la République algérienne à Besançon ont précisé, après vérifications auprès des autorités algériennes compétentes, que les mentions figurant sur cette copie étaient conformes au registre d'état de la commune de naissance de M. D... en Algérie. Il ressort des pièces produites par le requérant devant la cour que, par jugement du 24 mai 2018, le tribunal correctionnel de Dijon a relaxé l'intéressé des chefs de faux dans un document administratif constatant un droit, une identité ou une qualité ou accordant une autorisation et d'obtention et de tentative d'obtention frauduleuse de tel document administratif. Dans ces conditions, le motif précité de la décision litigieuse de refus de titre de séjour est entaché d'erreur de fait.
4. En deuxième lieu, cette décision est également fondée sur le motif tiré de ce que la présence de M. D... sur le territoire français constitue une menace pour l'ordre public.
5. Les stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ne privent pas l'autorité compétente du pouvoir qui lui appartient de refuser à un ressortissant algérien la délivrance du certificat de résidence d'un an lorsque sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public.
6. Ainsi qu'il a été dit au point 3, M. D... n'a pas falsifié la copie en date du 27 mars 2016 de son acte de naissance, qu'il avait produite à l'appui de sa demande de titre de séjour, et a été relaxé du chef de cette falsification par jugement du 24 mai 2018 du tribunal correctionnel de Dijon. Par courrier du 1er septembre 2016, le procureur de la République de Dijon a fait savoir au préfet de la Côte-d'Or qu'en l'absence d'infraction, il n'engageait pas de procédure d'annulation du mariage contracté le 7 mai 2016 à Chenôve (Côte-d'Or) par l'intéressé avec une ressortissante française. Si M. D... a été condamné pénalement en 2011 pour détention de faux documents en mars 2011, ces faits sont isolés et anciens. Dans ces conditions, est entaché d'erreur d'appréciation le motif de la décision litigieuse de refus de titre de séjour tiré de ce que la présence de l'intéressé sur le territoire français constitue une menace pour l'ordre public.
7. En dernier lieu, cette décision est également fondée sur le motif tiré de ce qu'elle ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de M. D... au respect de sa vie privée et familiale. Toutefois, il est constant que l'intéressé, ressortissant algérien né le 29 septembre 1984, est entré régulièrement sur le territoire français le 7 octobre 2010 sous couvert d'un visa de long séjour en qualité de conjoint de français, a été admis, à compter de cette date, au séjour en France en cette même qualité et a travaillé en intérim de 2011 à 2014. S'il a fait l'objet, le 20 août 2014, d'un arrêté du préfet du Jura portant refus de renouvellement de son certificat de résident d'un an en qualité de conjoint de français et obligation de quitter le territoire français, cet arrêté a été pris à la suite de son divorce prononcé le 20 mai 2014. Il est constant que M. D... s'est de nouveau marié le 7 mai 2016 en France avec une ressortissante française, Mme C...A..., née le 5 octobre 1972. Ainsi qu'il a été dit au point précédent, le procureur de la République de Dijon, après avoir diligenté une enquête des services de police sur la réalité et l'effectivité du lien conjugal, a décidé de ne pas engager de procédure d'annulation de ce mariage. Il ressort du dossier de première instance, et notamment du certificat médical du 1er décembre 2017 et de l'attestation du 16 mars 2018 du gynécologue-obstétricien traitant de Mme A... épouseD..., que celle-ci présente une grossesse dont le début et le terme sont estimés respectivement au 15 septembre 2017 et au 15 juin 2018. Dans ces conditions, la décision en litige du 16 février 2018 portant refus de titre de séjour a porté au droit de M. D... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport à ses motifs et a, ainsi, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Côte-d'Or n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a annulé son arrêté du 16 février 2018 concernant M. D.... Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. D... à fin de mise à la charge de l'Etat des frais exposés et non compris dans les dépens dans les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Côte-d'Or est rejetée.
Article 2 : Sont rejetées les conclusions présentées par M. D... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. B... D... et à Me Buvat. Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 20 juin 2019, à laquelle siégeaient :
M. Drouet, président de la formation de jugement,
Mme Cottier, premier conseiller,
Mme Caraës, premier conseiller.
Lu en audience publique le 4 juillet 2019.
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N° 18LY02400