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16/07/2019 | FRANCE | N°18LY00488

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 16 juillet 2019, 18LY00488


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société ML Boutique a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 et 2009, et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui lui sont réclamés au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010.

Par un jugement n° 1500551 du 5 décembre 2017, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa

demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 8 février 2018, la so...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société ML Boutique a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 et 2009, et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui lui sont réclamés au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010.

Par un jugement n° 1500551 du 5 décembre 2017, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 8 février 2018, la société ML Boutique, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 5 décembre 2017 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société ML Boutique soutient que :

- l'insuffisance du taux de bénéfice brut et la seule erreur de comptabilisation au niveau du stock ne peuvent être considérées comme des motifs suffisants de rejet de la comptabilité ;

- la procédure contradictoire a été méconnue dès lors que l'administration n'a pas indiqué le nom des sociétés avec lesquelles elle avait comparé son taux de provisionnement sur stock ; pour les mêmes raisons, la proposition de rectification est insuffisamment motivée ;

- le taux de provisionnement appliqué au stock était justifié compte tenu de la spécificité de sa clientèle ;

- les frais exposés par sa dirigeante l'ont été dans l'intérêt de la société ;

- les rappels de taxe sur la valeur ajoutée sont contestés pour les mêmes motifs.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 juillet 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre de l'action et des comptes publics soutient que :

- le détail des recettes fourni par la société était représenté par les seules étiquettes des vêtements vendus, annotées de la date et du prix de chaque article vendu et ont dû être regroupés par mois puis par jour par le service vérificateur ; la vérification de la comptabilité des stocks a révélé un certain nombre d'anomalies significatives, certains articles vendus n'ayant pas figuré dans les stocks ni n'ayant fait l'objet d'un achat et la valeur comptable du stock accessoires ayant augmenté entre 2008 et 2009 sans pourtant qu'aucune vente ou achat n'ait été enregistrée ; des erreurs de comptabilisation ont été constatées au titre de l'exercice clos en 2009 ; s'agissant de l'exercice clos en 2009, une différence importante a été constatée entre la marge brute découlant des données constatées après vérification et celle découlant de l'analyse des données comptables ; il a été constaté que 17 % des vêtements achetés ne figuraient ni en ventes ni en stocks ce qui a été analysé comme des minorations de recettes ; l'existence de ventes sans factures retire à la comptabilité son caractère probant ce qui justifie le rejet de la comptabilité pour l'exercice clos en 2009 ;

- le vérificateur a déjà pris en compte l'erreur de comptabilisation affectant le stock et il n'y a pas lieu de l'intégrer de nouveau ;

- outre que le montant du document qu'elle présente ne fait apparaitre qu'un montant de 1 447 euros et non 2 349 euros comme elle l'indique, la société n'a pas été en mesure de démontrer qu'un avoir de ce montant avait été inscrit à tort en comptabilité ; les produits faisant l'objet d'un avoir n'ont pas à figurer dans les stocks qui ne doivent concerner que les produits physiquement présents dans l'entreprise ;

- elle ne démontre pas les erreurs et omissions alléguées ;

- le sinistre dont elle se prévaut n'a pas été évoqué avec le vérificateur lors des opérations de contrôle et le courrier produit ne permet pas de connaitre le prix d'achat des vêtements endommagés et aucune facture d'achat correspondant à ces produits n'a pu être fournie ; en tout état de cause, cela n'explique pas qu'ils aient figuré dans le stock à la fin de l'exercice ;

- s'agissant des provisions pratiquée sur les marchandises en stock l'examen du chiffre d'affaires pour les ventes réalisées au cours des exercices 2008 et 2009 n'a permis de révéler aucune vente en dessous du prix de revient, y compris pour des marchandises comptabilisées en stock entre 2000 et 2003 ; le rejet des provisions pratiquées est fondé sur leur absence de justification et non sur la comparaison avec les pratiques d'autres entreprises ; c'est pour admettre de retenir néanmoins un montant de provision minimum, dans un souci de réalisme économique, que le service a déterminé un taux, en procédant par comparaison avec des entreprises de vente de prêt à porter de taille similaires dans le département de l'Allier, tout en invitant la société à apporter des éléments complémentaires, ce qu'elle n'a pas fait ; le service a néanmoins retenu un taux de provisionnement supérieur à la moyenne constaté dans les entreprises comparables ; l'administration n'était donc pas tenue de communiquer le nom des entreprises ayant servi de termes de comparaison ;

- la société n'a pas justifié que les séjours de sa dirigeante en région parisienne dans des hôtels de luxe avaient un caractère professionnel ; le vérificateur, toujours dans sa démarche de conciliation, a toutefois admis un nombre minimum de séjours en évaluant le montant de frais pouvant être admis à ce titre ;

- la requérante n'ayant pas démontré le caractère exagéré de la reconstitution de recettes, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée sont fondés ;

- pour les mêmes raisons qu'en matière d'impôt sur les sociétés, l'administration était fondée à remettre en cause le caractère déductible de la taxe sur la valeur ajoutée relative aux séjours parisiens de la gérante.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B..., première conseillère,

- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue d'une vérification de comptabilité, la société ML Boutique, qui exerce une activité de vente au détail d'articles de prêt-à-porter à Vichy (Allier), a fait l'objet d'un rehaussement de son résultat imposable au titre des exercices clos au 31 décembre 2008 et au 31 décembre 2009, ainsi que de rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur la même période, étendue au 31 décembre 2010. La société ML Boutique a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la décharge de ces impositions supplémentaires. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Sur le caractère probant de la comptabilité :

2. Il résulte de l'instruction, en particulier de la proposition de rectification, que, pour écarter la comptabilité de l'exercice 2009 en raison de son caractère non probant, la vérificatrice s'est fondée, d'une part, sur une différence importante entre la marge brute découlant des données réelles constatées après vérification et celle découlant de l'analyse des données inscrites en comptabilité, laquelle était d'ailleurs sensiblement inférieure à celle de l'exercice précédent sans que les pratiques commerciales n'aient changé et, d'autre part, le constat de recettes non déclarées, environ 17 % des vêtements achetés n'ayant figuré ni en ventes ni en stocks. Elle a en outre constaté l'inexactitude de certaines écritures de stocks. Si la société ML Boutique persiste à se prévaloir d'un avoir du 12 octobre 2009, qui selon elle aurait été comptabilisé par erreur au titre de l'exercice 2010, son montant, au demeurant, contesté est sans rapport avec le montant des achats non déclarés et son existence n'est pas plus établie en appel qu'en première instance. Si la société ML Boutique invoque ensuite des erreurs de totalisation, dans l'enregistrement des stocks, pour des montants allégués de 1 107 euros et 783 euros, elle n'apporte pas davantage de justifications détaillées de ces allégations, au regard des inventaires physiques effectivement réalisés. En tout état de cause, ces erreurs de totalisation n'ont pas fondé le rejet de la comptabilité. Enfin, si la société requérante invoque la destruction d'une partie de ses stocks par un sinistre dont elle n'avait cependant pas fait état durant la vérification de comptabilité, les échanges de courriers avec son assureur, qui ne sauraient au demeurant expliquer la raison pour laquelle de telles marchandises, prétendument détruites, figuraient dans l'inventaire physique du stock réalisé à la fin de l'exercice, ne comportent en tout état de cause aucun détail des articles détériorés. Il résulte ainsi de l'ensemble de ces éléments qu'en mettant en évidence, par la variation injustifiée des marges brutes au titre de deux exercices successifs, l'existence d'un nombre significatif de ventes non déclarées, l'administration apporte la preuve qu'elle était fondée à écarter, comme non probante, la comptabilité de l'exercice 2009, alors même que, par elles-mêmes, les irrégularités affectant par ailleurs les écritures de stocks portaient sur des montants marginaux.

Sur les conclusions tendant à la décharge de l'impôt sur les sociétés :

3. En appel, la société ML Boutique ne conteste plus le montant de recettes reconstitué par le vérificateur mais seulement la remise en cause des provisions sur stock qu'elle avait constituées et la non-admission de certaines charges.

4. Aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment (...) / 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables (...) ". Aux termes du 3 de l'article 38 du même code : " (...) les stocks sont évalués au prix de revient ou au cours du jour de la clôture de l'exercice, si ce cours est inférieur au prix de revient (...) ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, lorsqu'une entreprise constate que l'ensemble des matières ou produits qu'elle possède en stock ou une catégorie déterminée d'entre eux a, à la date de clôture de l'exercice, une valeur probable de réalisation inférieure au prix de revient, elle est en droit de constituer, à concurrence de l'écart constaté, une provision pour dépréciation. Une telle provision ne peut cependant être admise que si l'entreprise est en mesure de justifier de la réalité de cet écart et d'en déterminer le montant avec une approximation suffisante.

5. Pour justifier de la dépréciation des éléments de stocks à l'origine de la constitution d'une provision de 151 217 euros à la clôture de l'exercice 2008, et 264 900 euros, à la clôture de l'exercice 2009, la société ML Boutique se borne à faire état de l'importance du taux de démarque appliqué par ses fournisseurs en cas de reprise de marchandises invendues et produit seulement une attestation de la société Escada, qui indique qu'elle peut parfois reprendre des invendus pour certains clients moyennant une décote allant de 40 % à 60 %. La vérificatrice a toutefois constaté que la société, durant les exercices vérifiés comme durant les années antérieures, n'a jamais donné en reprise de marchandises invendues, ni vendu ces dernières en dessous de leur prix de revient. Ainsi, la société ML Boutique n'apporte pas la preuve qui lui incombe, qu'à la date de la clôture de chacun des deux exercices respectifs, il existait un risque probable de vendre des marchandises stockées à un prix inférieur à leur prix de revient. Par suite, les provisions constituées n'étant pas justifiées, l'administration était fondée à les remettre intégralement en cause au titre des exercices clos en 2008 et 2009. Dans une démarche de conciliation et en vue de tenir compte des usages de la profession, la vérificatrice a toutefois admis partiellement les provisions litigieuses. Pour ce faire, elle a pris en compte le taux moyen de provisionnement constaté dans cinq magasins exploitant des commerces similaires au sein du département, qui approchait les 20 % en 2008 et plus de 22 % en 2009, et a fixé à un niveau supérieur les taux admis pour la société ML Boutique, soit 27,28 % pour l'exercice clos en 2008 et 38,87 % pour l'exercice clos en 2009. Les éléments de comparaison en cause n'ayant ainsi été pris en compte, non pour fonder l'imposition mais pour l'atténuer, la vérificatrice n'a pas méconnu le caractère contradictoire de la procédure en ne communiquant pas le nom des entreprises utilisées comme éléments de comparaison, ni n'a insuffisamment motivé la proposition de rectification. Si la société ML Boutique soutient que les éléments de comparaison retenus ne sont pas pertinents, elle n'apporte aucun élément de nature à justifier un taux de provisionnement supérieur à celui admis par l'administration.

6. Ainsi que cela résulte des termes de l'article 39 du code général des impôts cité au point 4. ci-dessus, il appartient par ailleurs au contribuable, pour l'application de ces dispositions, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée.

7. La vérificatrice a notamment remis en cause la déduction, pour un montant total de 3 403 euros au titre de l'exercice clos en 2008, et 3 037 euros au titre de l'exercice clos en 2009, de frais de déplacements et de séjour de la dirigeante non salariée de la société ML Boutique, correspondant à des factures d'hôtel et de restaurant. En appel, la société requérante n'établit pas plus qu'en première instance que ces dépenses étaient utiles à son activité, dès lors qu'elle ne démontre toujours pas, faute de quelconques justificatifs, que sa dirigeante devait assister à la présentation de collections à Paris. N'apportant ainsi pas la preuve, qui lui incombe, du caractère professionnel de ces séjours, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le vérificateur n'a admis la déduction que d'une partie, qu'il estimait plausible, de ces charges.

Sur les conclusions tendant à la décharge des rappels de TVA :

En ce qui concerne la TVA collectée :

8. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. (...) ".

9. La société ML Boutique ne contestant plus en appel que le rejet du caractère probant de sa comptabilité mais plus le montant des recettes reconstituées, il résulte de ce qui a été dit précédemment que c'est à bon droit que l'administration a mis à la charge de la société ML Boutique un rappel de taxe sur la valeur ajoutée correspondant au chiffre d'affaires non déclaré de la période correspondant à l'année 2009.

En ce qui concerne la TVA déductible :

10. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération (...) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 (...) ; ".

11. Il ressort de ce qui a été dit au point 7 ci-dessus que la société ML Boutique ne produit aucun élément de nature à démontrer que les séjours de sa gérante à Paris auraient été effectués pour les besoins de ses opérations imposables. L'administration était fondée à remettre en cause le caractère déductible de la TVA grevant les factures d'hôtel et de restaurant correspondantes au-delà de la proportion qu'elle a estimée plausible.

12. Il résulte de ce qui précède que la société ML Boutique n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société ML Boutique est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société ML Boutique et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2019, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Menasseyre, présidente-assesseure,

Mme B..., première conseillère.

Lu en audience publique le 16 juillet 2019.

2

N° 18LY00488

gt


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY00488
Date de la décision : 16/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS JURI-DEFI

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-07-16;18ly00488 ?
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