Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 5 janvier 2019 par lesquelles le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a désigné un pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français durant dix-huit mois.
Par un jugement n° 1900035 du 8 janvier 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois (article 2), mis à la charge de l'État le paiement à Me B..., avocate de M. A..., de la somme de 600 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 (article 3) et rejeté le surplus de ses conclusions (article 4).
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 15 février 2019, le préfet du Rhône demande à la cour :
1°) d'annuler les articles 2 et 3 de ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 8 janvier 2019 ;
2°) de rejeter les conclusions de M. A... devant le tribunal administratif tendant à l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français et à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que M. A... a été interpellé et placé en garde à vue alors qu'il tentait d'embarquer à destination de Londres avec une carte nationale d'identité italienne volée et falsifiée ; contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, l'intéressé représente ainsi une menace pour l'ordre public.
Par un mémoire enregistré le 20 juin 2019, M. A..., représenté par Me B..., avocate, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'État le paiement à son conseil d'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient qu'en s'appuyant sur le contexte général, la vigilance accrue et le contrôle renforcé sur l'identité des passagers transitant par l'espace Schengen, sans motiver en quoi le comportement personnel de l'intéressé représente un danger pour l'ordre public, le préfet du Rhône a méconnu les exigences découlant d'un examen individuel de la situation en cause et du principe de proportionnalité, au sens de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 mars 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Clot, président, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant albanais né le 12 avril 1991, est entré sur le territoire national dans la nuit du 30 au 31 décembre 2018. Le 5 janvier 2019, le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé un pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire durant dix-huit mois. Le préfet du Rhône relève appel du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a annulé cette décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois et mis à la charge de l'État le paiement à son conseil d'une somme au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
2. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III (...) [est décidée] par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
3. Pour interdire à M. A... le retour sur le territoire français durant dix-huit mois, le préfet s'est fondé sur le motif tiré de ce que, alors qu'il tentait d'embarquer à destination de Londres, il a présenté aux services de la police aux frontières une carte nationale d'identité italienne volée et falsifiée. Ce comportement révèle que la présence de l'intéressé sur le territoire français représente une menace pour l'ordre public. Dès lors, c'est à tort que, pour annuler la décision en litige, le premier juge s'est fondé sur le motif tiré de l'absence d'une telle menace.
4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A....
5. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet ait négligé de tenir compte, outre de la menace pour l'ordre public que représente la présence de l'intéressé sur le territoire français, de la durée de cette présence, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France et de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement.
6. Si le préfet fait valoir que le contexte actuel justifie que les États portent une vigilance accrue et exercent un contrôle renforcé sur l'identité des passagers qui transitent par l'espace Schengen, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ait négligé de se livrer à un examen particulier de la situation de M. A....
7. Dans les circonstances de l'espèce, en fixant à dix-huit mois la durée de l'interdiction de retour en France, le préfet n'a pas commis d'erreur d'appréciation.
8. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Rhône est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision interdisant à M. A... le retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois et mis à la charge de l'État le paiement à son conseil d'une somme au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
9. Les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse une somme au conseil de M. A... au titre des frais liés au litige.
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 8 janvier 2019 sont annulés.
Article 2 : Les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de la décision lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois et celles de son conseil tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... A....
Copie en sera adressée au préfet du Rhône et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lyon.
Délibéré après l'audience du 10 octobre 2019 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Seillet, président assesseur,
Mme Burnichon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 octobre 2019.
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N° 19LY00612