Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... H... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 5 septembre 2017 par lesquelles le préfet de l'Isère l'a obligé à quitter le territoire français, en lui refusant un délai de départ volontaire, a désigné le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français durant un an.
Par un jugement n° 1705933 du 27 novembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 24 mars 2018, M. H..., représenté par Me B..., avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 27 novembre 2017 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de réexaminer sans délai sa situation et de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement n'est pas motivé ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été signée par une autorité incompétente ;
- elle est entachée d'insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ;
- sa présence en France ne constitue pas un trouble à l'ordre public ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit d'observations.
Par une décision du 20 février 2018, le bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle formulée par M. H....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme A..., présidente, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. H..., de nationalité serbe, né le 2 avril 1978, est entré en France en 2009, selon ses déclarations. Suite à son interpellation, le 5 octobre 2017, il a fait l'objet, le même jour, d'une obligation de quitter le territoire français sans délai ainsi que de décisions fixant le pays de renvoi et lui interdisant le retour sur le territoire français pendant un an. Il relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur la compétence de la signataire des décisions en litige :
2. Les décisions en litige ont été signées par Mme Violaine Demaret, secrétaire générale de la préfecture de l'Isère, qui disposait d'une délégation de signature du préfet de l'Isère, par arrêté du 29 août 2017, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le 30 août 2017, à l'effet de signer notamment tous actes, arrêtés, décisions, documents et correspondances administratives diverses relevant des attributions de l'Etat dans le département de l'Isère, à l'exception de certains cas parmi lesquels ne figurent pas les décisions en litige. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire des décisions en litige doit être écarté comme manquant en fait.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
3. En premier lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier, ni de la décision litigieuse que le préfet de l'Isère, qui a suffisamment motivé sa décision, n'aurait pas procédé à un examen personnalisé et complet de la situation de M. H....
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "
5. M. H... soutient qu'il séjourne en France depuis neuf ans avec son épouse, titulaire d'un titre de séjour renouvelé jusqu'au 3 août 2018, et leurs enfants qui sont scolarisés. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. H... est entré irrégulièrement en France à une date inconnue et s'y est maintenu irrégulièrement sans déférer à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français par le préfet du Vaucluse le 20 septembre 2016. Il n'apporte aucun élément permettant d'établir sa présence en France depuis neuf années. Il ne justifie d'aucune intégration particulière dans la société française de nature à lui conférer un droit au séjour. Par ailleurs, il n'établit pas, comme il le prétend, qu'il aurait entamé des démarches en vue de vérifier qu'il possède effectivement la nationalité serbe. Il ne démontre pas davantage que son épouse, née à Belgrade en Serbie, serait également dépourvue de nationalité ni même qu'elle aurait déposé une demande d'apatridie alors que la carte de résident qui lui avait été attribuée pour la période du 5 février 2016 au 4 février 2017 mentionne qu'elle est de nationalité serbe. Dès lors, rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue hors de France et notamment en Serbie, pays dont tous les membres du foyer ont la nationalité et où M. H... a vécu la majorité de sa vie. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et eu égard aux effets d'une mesure d'éloignement, la décision litigieuse ne porte pas au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, elle ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
6. En troisième lieu, M. H... ne peut pas utilement se prévaloir des risques qu'il encourrait éventuellement en Serbie à l'encontre de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, qui ne lui fait pas obligation, par elle-même, de retourner dans ce pays.
7. En dernier lieu, pour les motifs précédemment énoncés, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences que l'obligation de quitter le territoire français en litige est susceptible de comporter pour la situation personnelle de M. H....
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
8. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".
9. M. H... soutient qu'en cas de retour dans son pays d'origine, il serait exposé à des représailles. Il fait valoir que la nationalité indéterminée de son épouse, qui a notamment déposé une demande d'apatridie, rend impossible son retour ainsi que celui de leurs enfants en Serbie. Toutefois, ses allégations ne sont corroborées par aucun justificatif. Elles ne permettent pas de considérer que des menaces personnelles et actuelles pèseraient sur lui en cas de retour en Serbie. Dès lors, en désignant ce pays comme pays de renvoi, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :
10. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III (...) [est décidée] par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
11. En premier lieu, la décision en litige comporte le visa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'énoncé des éléments de fait relatifs à la situation du requérant. Par suite, elle est suffisamment motivée.
12. En deuxième lieu, si le requérant fait valoir qu'il vit depuis neuf ans en France où ses enfants sont scolarisés et qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public, il ressort des pièces du dossier qu'il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français malgré une mesure d'éloignement prise à son encontre et ne justifie d'aucune insertion sociale ou professionnelle particulière. Par suite, le préfet n'a commis ni erreur de droit ni erreur d'appréciation en prenant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français et en fixant à un an la durée de cette mesure.
13. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés dans le cadre de l'examen de la légalité de l'obligation de quitter le territoire français, le préfet de l'Isère, en interdisant le retour de M. H... sur le territoire français, n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
14. Il résulte de ce qui précède que M. H... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué qui est suffisamment motivé, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles de son conseil tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. H... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... H... et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 10 octobre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme A..., présidente,
Mme E..., première conseillère,
Mme I..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 7 novembre 2019.
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N° 18LY01123